Source: Daily Motion, 16/11/2016 Sous-titres et traduction Source : TED, 03-2015 0:11 : Vous ĂȘtes face Ă  une femme qui ne s’est pas exprimĂ©e en public pendant dix ans. Comme vous le voyez, ça a changĂ©, mais c’est tout rĂ©cent. 0:21 : Ce n’est qu’il y a quelques mois que j’ai donnĂ© ma premiĂšre confĂ©rence en public, au sommet Forbes 30 Under 30: 1 500 personnalitĂ©s
Si la rĂšgle gĂ©nĂ©rale veut que le conseil syndical, organe dĂ©pourvu de personnalitĂ© juridique, ne puisse pas ĂȘtre attaquĂ© en justice, ce n’est pas forcĂ©ment le cas de ses membres Ă  titres individuel. Me Jean-Philippe Mariani, avocat, et Bruno Lehnisch, cadre juridique, qui alimentent trĂšs rĂ©guliĂšrement un blog consacrĂ© au droit de la copropriĂ©tĂ©, ont ainsi repĂ©rĂ© cette dĂ©cision toute rĂ©cente des juges de Nanterre datĂ©e du 1er fĂ©vrier. » LIRE AUSSI - Un voisin n’a pas Ă  prĂȘter son terrain pour les travaux d’un logement mitoyenCes derniers ont condamnĂ© trĂšs sĂ©vĂšrement une prĂ©sidente de conseil syndical et le syndic d’un immeuble de Boulogne-Billancourt Ă  verser solidairement euros la moitiĂ© chacun Ă  un couple de copropriĂ©taires en litige avec eux. La somme se rĂ©partit entre euros en rĂ©paration de la perte de valeur du bien immobilier, 8000 euros de prĂ©judice moral et 5000 euros de frais de juges ont estimĂ© dans cette affaire que la prĂ©sidente du conseil syndical avait manifestement agi dans l’intention de nuire Ă  ses voisins et avait manipulĂ© l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. En l’espĂšce, il s’agissait d’une histoire tristement courante de jalousie entre voisins et d’abus de pouvoir du conseil syndical pour rĂ©gler cette affaire personnelle. La prĂ©sidente du conseil syndical avait prĂ©parĂ© une rĂ©solution permettant au syndic d’agir en justice pour ordonner la dĂ©molition d’une vĂ©randa installĂ©e au 11e Ă©tage de la copropriĂ©tĂ©, sur une terrasse. Celle-ci aurait Ă©tĂ©, selon elle, construite en toute illĂ©galitĂ©. Or cette construction avait Ă©tĂ© autorisĂ©e Ă  l’unanimitĂ© par la copropriĂ©tĂ© 20 ans plus tĂŽt, Ă  un moment oĂč l’actuelle prĂ©sidente du conseil syndical Ă©tait dĂ©jĂ  membre de cette instance et avait approuvĂ© cette juges n’ont pas Ă©tĂ© dupes, comme le relĂšvent dans leur analyse MM. Mariani et Lehnisch L’oubli allĂ©guĂ© par Madame Y de l’existence de cette autorisation, justifiĂ© selon cette derniĂšre par l’écoulement d’un dĂ©lai de plus de vingt ans apparaĂźt pourtant comme Ă©tant sĂ©lectif, pour porter seulement sur l’autorisation, mais pas sur l’existence elle-mĂȘme de la vĂ©randa.» Le syndic, de son cĂŽtĂ©, s’est montrĂ© coupable de gĂ©rer la procĂ©dure de dĂ©molition sans s’ĂȘtre assurĂ© dans les archives de la copropriĂ©tĂ© que la construction de cette vĂ©randa avait Ă©tĂ© juridiction des Hauts-de-Seine retient finalement que la dĂ©marche fautive de la PrĂ©sidente du Conseil syndical consistant Ă  demander au syndic d’inscrire une rĂ©solution Ă  l’ordre du jour de l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du 01/12/2013, portant habilitation de ce dernier Ă  agir en justice pour remettre en cause un droit acquis de ces derniers, ne s’inscrit pas dans la mission habituelle d’un membre du conseil syndical, mais apparaĂźt par sa gravitĂ©, dĂ©tachable de sa mission habituelle, engageant pleinement sa responsabilité» TJ de Nanterre, 1er fĂ©vr. 2021, n° 17/06746.La responsabilitĂ© d’un membre du conseil syndical ne peut en effet ĂȘtre engagĂ©e que s’il a outrepassĂ© ses fonctions. La rĂšgle gĂ©nĂ©rale, pour ce prĂ©cieux travail bĂ©nĂ©vole effectuĂ© trĂšs majoritairement dans l’intĂ©rĂȘt collectif de la copropriĂ©tĂ©, consiste plutĂŽt Ă  garantir une quasi-immunitĂ© aux membres du conseil syndical. C’est ce que rappelle le ministĂšre de la Justice, le 27 aoĂ»t 2020, en rĂ©ponse Ă  une question posĂ©e par le sĂ©nateur Yves DĂ©traigne, prĂ©cisant que cette quasi-immunitĂ© vaut pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions» Ă  savoir assister le syndic de la copropriĂ©tĂ©, contrĂŽler sa gestion et conseiller le syndicat sur toutes questions, pour lesquelles il est consultĂ© ou dont il se saisit lui-mĂȘme. Ainsi, une nĂ©gligence dans le contrĂŽle des comptes ou un conseil peu avisĂ©, n’engage pas vĂ©ritablement sa des assurancesIl n’en est pas de mĂȘme en revanche si les conseillers syndicaux agissent de mauvaise foi ou commettent une faute suffisamment grave comme une collusion frauduleuse avec le syndic. Dans ces cas, il y a dĂ©jĂ  eu des condamnations, plus lĂ©gĂšres, par le passĂ©, comme ce conseiller syndical condamnĂ© par la Cour d’appel de Poitiers en 2007 CA Poitiers, 3e ch. civ., 17 janv. 2007, n° 06/01197 Ă  3800 euros de dommages et intĂ©rĂȘts pour des propos diffamatoires contre le gardien de la rĂ©sidence. Ou encore cet autre prĂ©sident de conseil syndical condamnĂ© solidairement avec son syndic CA Nancy, 17 nov. 2015, n° 15/02361 Ă  4000 euros de dommages et intĂ©rĂȘts pour avoir poursuivi un intĂ©rĂȘt strictement personnel».Me Jean-Philippe Mariani et Bruno Lehnisch relĂšvent par ailleurs que les conseillers syndicaux condamnĂ©s ne peuvent probablement pas faire jouer l’assurance responsabilitĂ© civile» de la copropriĂ©tĂ© pour rĂ©gler les dommages et intĂ©rĂȘts. En effet, les compagnies d’assurances excluent gĂ©nĂ©ralement les agissements dĂ©tachables des missions lĂ©gales du conseil syndical. Aqui la faute ? Dans le vide je saute Je me raccroche Ă  nous deux aaaaahhhh J’ai perdu ma santĂ© J’pourrais pas faire sans toi J’me raccroche Ă  nous deux Je suis patiente comme un

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Bienqu’ancien dĂ©putĂ© du CDP, ayant soutenu la modification de l’article 37 de la constitution, Eddie Komboigo reste convaincu qu’il sera non seulement Ă©lu dĂ©putĂ©, mais sera le prochain prĂ©sident du Faso. Fouiller dans la vieille malle de sa mĂ©moire » lorsque l’on devient une femme fracassĂ©e » ne permet aucun rĂ©pit Ă  Bettina le Goff, le personnage central du roman Les Mal AimĂ©es, de Caroline BrĂ©hat. Ce dont elle a besoin en tout urgence est de sortir de la prison oĂč elle se trouve et de dĂ©fendre sa fille Apolline contre son pĂšre incestueux. Une rĂ©cit haletant se met en branle pour dire la vĂ©ritĂ© sur un faux syndrome, non reconnu par l’OMS, dont l’existence divise pourtant les spĂ©cialistes, y compris la justice. DĂšs le prĂ©ambule de votre livre, vous prenez fait et cause pour toute une multitude de femme bernĂ©es par un destin truquĂ© ». Vous avouez porter en vous des rĂȘves brisĂ©s et des amours Ă©tranglĂ©s ». Impossible de rĂ©sister Ă  vous demander de quelle rĂ©volte et de quelle blessure est nĂ© votre roman ? Je dirais tout d’abord que Bettina, mĂȘme si elle prĂ©sente quelques similitudes avec moi, est avant tout un personnage de fiction, une crĂ©ation de mon imagination. Il y a donc des ingrĂ©dients issus du rĂ©el l’épopĂ©e judiciaire, mon incarcĂ©ration et des ingrĂ©dients fantasmĂ©s comme l’annonce d’ailleurs la rĂ©fĂ©rence aux contes de fĂ©e dans le prĂ©ambule, en particulier La petite fille aux allumettes. Ces histoires, si elles sont importantes pour la construction identitaire des enfants, ont une influence dĂ©cisive sur l’imaginaire des fillettes Ă  qui l’on tend, en fin de compte, une sorte de miroir aux alouettes. On leur fait miroiter un avenir radieux avec un prince charmant qui prendra soin d’elles, mais l’actualitĂ©, les statistiques concernant la lutte contre les violences faites aux femmes mettent tout cela Ă  mal les petites filles dĂ©couvrent, souvent avec fracas et mortifiĂ©es, que ces rĂ©cits Ă©taient certes sĂ©duisants mais qu’ils n’en Ă©taient pas moins des fables, car non seulement le prince charmant n’existe pas, mais, surtout, notre sociĂ©tĂ© Ă©duque plutĂŽt les hommes Ă  ĂȘtre tout sauf charmants l’influence de la pornographie sur les jeunes hommes dont nous commençons tout juste Ă  entrevoir les effets trĂšs dĂ©lĂ©tĂšres en est peut-ĂȘtre la dĂ©monstration la plus Ă©loquente. Je me demande parfois ce que serait le monde si les contes de fĂ©e avaient mis en scĂšne des femmes fortes qui protĂ©geaient et sauvaient des hommes fragiles et vulnĂ©rables est-ce que notre planĂšte se porterait mieux si les rĂŽles avaient Ă©tĂ© inversĂ©s dĂšs le dĂ©but, si les femmes avaient Ă©tĂ© les personnages dominants de l’Histoire ? Ma blessure est, bien sĂ»r, liĂ©e Ă  cette prise de conscience, cette dĂ©sillusion, tant sur le plan gĂ©nĂ©ral qu’individuel. Donc, oui, comme nombre d’auteurs, je pars de cette blessure fondamentale, au niveau individuel et universel, pour fabriquer une histoire. Peut-ĂȘtre est-ce parce que j’ai toujours trouvĂ© que les tragĂ©dies avaient quelque chose de grandiose et d’inoubliable. Le sous-titre pourrait nous aider Ă  son tour Ă  entrevoir l’étendue du sujet que vous traitez dans votre livre. L’inceste, un piĂšge transgĂ©nĂ©rationnel nous met sur la piste d’une vision plus globale qui mĂ©rite d’ĂȘtre prĂ©cisĂ©e. De quoi s’agit-il ? Je prĂ©cise tout d’abord que, dans mon roman, l’inceste est sciemment traitĂ© trĂšs mĂ©taphoriquement car il Ă©tait hors de question de tomber dans des descriptions exhibitionnistes sordides. Je ne sais mĂȘme pas si ce mot apparaĂźt une seule fois dans le texte. Toutefois, le fil d’Ariane du rĂ©cit est effectivement l’inceste en ce qu’il incarne Ă  mon sens la plus grande des blessures, la pire des trahisons pour un ĂȘtre humain, un adulte en devenir, qui ne peut compter que sur ses gĂ©niteurs, sa famille, pour se dĂ©velopper harmonieusement et espĂ©rer atteindre le bonheur. Or, cet adulte en gestation se voit rĂ©duit Ă  l’état d’objet, d’instrument de jouissance perverse, dĂ©truit par la personne mĂȘme qui devrait l’édifier, l’aimer et lui permettre de se construire. Comment survivre psychiquement Ă  un tel constat ? Le point de dĂ©part des Mal AimĂ©es Ă©tait donc de montrer que l’ĂȘtre humain peut survivre psychiquement aux pires blessures, se relever et goĂ»ter de nouveau le bonheur, notamment lorsqu’il peut mettre du sens sur ce qu’il lui arrive. J’ai trop entendu que l’inceste condamnait la victime Ă  la rĂ©pĂ©tition traumatique, au malheur, Ă  la souffrance ad vitam ĂŠternam, je pense que c’est un peu rĂ©ducteur et beaucoup trop fataliste. Bien sĂ»r, chaque situation est diffĂ©rente, chaque individu a des ressources diffĂ©rentes tant internes qu’externes, mais, surtout, je crois dans les pouvoirs de la mise en sens de son propre rĂ©cit, ce que Victor Frankl, un psychiatre autrichien survivant des camps de la mort Nazis, a appelĂ© la logothĂ©rapie ». Selon lui, c’est le sens que nous donnons Ă  notre vie qui motive et qui oriente nos actions. Un manque de sens peut donc rendre trĂšs malheureux comme le prouve le dĂ©sarroi dans lequel se trouve notre civilisation, plongĂ©e dans la frivolitĂ© et le narcissisme ambiants. Je pense vraiment que l’ĂȘtre humain fracassĂ© par l’inceste – ou tout autre maltraitance, d’ailleurs – qui parvient Ă  mettre du sens sur ses blessures et Ă  qui l’on donne les moyens de se rĂ©parer peut rebondir et goĂ»ter de nouveau au bonheur de vivre. C’est en tout cas ce dont je suis tĂ©moin personnellement et professionnellement. Je suis le chagrin de ma fille, mon soleil voilĂ© », Ă©crivez-vous dans le mĂȘme prĂ©ambule. Doit-on supposer qu’une partie autobiographique se cache derriĂšre les faits racontĂ©s dans ce roman ? Et, si oui, oĂč se trouve la frontiĂšre entre le rĂ©el et la fiction dans la construction de votre rĂ©cit ? Personnellement, je ne peux pas partir du nĂ©ant pour fabriquer un personnage de fiction, j’ai besoin de partir d’un bout de vĂ©ritĂ© » pour me laisser ensuite happer », embarquer » par mon personnage qui est, lui, portĂ© par mon imagination et mes fantasmes. Il y a un moment magique dans l’écriture oĂč le personnage vous Ă©chappe, il trouve sa propre voix, s’émancipe de vous en quelque sorte, et se trouve ». Ce qui est merveilleux dans ce processus, c’est que vous vous trouvez un peu, voire beaucoup, avec votre personnage. Le plus autobiographique dans ce livre est finalement, je pense, tout ce qui est du domaine des rĂ©flexions les plus intimes de Bettina, de son affectivitĂ©, ses espoirs et ses dĂ©sillusions, sa crĂ©ativitĂ© » au sens du psychanalyste Donald Winnicott. J’aime que des lecteurs me parlent de Bettina et me disent qu’ils se sont identifiĂ©s Ă  elle petit clin d’Ɠil Ă  un Leclerc culturel qui se reconnaĂźtra sans doute, qu’ils l’ont aimĂ©e car j’aime moi aussi fondamentalement ce personnage et, d’ailleurs, je ne l’ai pas vraiment quittĂ©e en achevant l’écriture de ce roman. Bettina me hante positivement, justement parce qu’elle est tout Ă  la fois moi, et pas vraiment moi. Il me semble qu’elle n’a pas tout dit, qu’elle a encore beaucoup de choses Ă  raconter. Peut-ĂȘtre se rĂ©incarnera-t-elle dans une autre histoire ? Une autre facette de votre personnalitĂ© est celle de votre mĂ©tier de psychanalyste. En quoi cela vous a aidĂ© Ă  donner corps Ă  votre rĂ©cit ? Cela m’a Ă©normĂ©ment aidĂ©, car ĂȘtre psychanalyste impose une lecture trĂšs particuliĂšre du monde et un rapport non moins particulier au langage et Ă  la parole. J’ai commencĂ© Ă  Ă©crire ce roman en prison car je ne savais pas comment survivre autrement. C’est pour moi un geste trĂšs psychanalytique. Comme toujours, les mots se sont prĂ©sentĂ©s Ă  moi comme une bouĂ©e de sauvetage dans un moment de grande dĂ©tresse. C’est d’ailleurs Ă©galement souvent comme ça que je prĂ©sente les choses Ă  mes patientes qui, justement dans des moments de trauma, ne font plus confiance dans leurs perceptions. Elles ont des difficultĂ©s Ă  apprĂ©hender la rĂ©alitĂ© comme si leur pensĂ©e s’était figĂ©e – comme moi au dĂ©but de mon sĂ©jour en prison oĂč j’étais noyĂ©e par l’irrĂ©alitĂ© de ma situation. Je disais donc que mes patientes ont l’impression de devenir folles, elles qui sont justement incidemment accusĂ©es d’ĂȘtre folles. Mes patientes sont souvent des femmes qui viennent vers moi aprĂšs avoir lu mes livres, ce sont donc des femmes en butte Ă  des violences conjugales. Elles sont souvent encore sidĂ©rĂ©es par leur rencontre avec ce qu’elles considĂšrent ĂȘtre le Mal absolu, sous cette emprise, ce qui veut dire que leur capacitĂ© Ă  apprĂ©hender la rĂ©alitĂ© a Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement endommagĂ©e, et ça c’est en soi un vĂ©ritable sĂ©vice mental il faut d’ailleurs regarder le film intitulĂ© Gaslight de 1950 avec Ingrid Bergman et Charles Boyer pour comprendre. Et comme les mots, la parole, nous aident Ă  intĂ©grer le traumatique qui ne parvient pas Ă  ĂȘtre reprĂ©sentĂ© psychiquement, nombre de mes patientes portent avec elles leur petit cahier, comme un ami fiable, une sorte de confident, oĂč elles Ă©crivent leurs impressions et sensations fugaces ainsi que leurs rĂȘves, voire des rĂ©cits plus construits. Leur sidĂ©ration se dissipe graduellement et leurs capacitĂ©s Ă©laboratives se reconstituent. Exactement comme moi avec l’écriture de ce roman. Dans le roman, Bettina, dont la parole a Ă©tĂ© mise rĂ©pĂ©titivement en doute par les traumatismes infligĂ©es par son ex et cet ultime trauma de l’incarcĂ©ration, dit ceci Je doutais de mes perceptions, de mes affects, de mes sensations intimes, j’étais tellement habituĂ©e Ă  ce que mes paroles subissent des distorsions que mon journal permettait de valider mes perceptions intimes ». Je vous propose de revenir Ă  vos personnages. Pour rĂ©sumer, Bettina le Goff, se retrouve dans la casa circondariale, une prison italienne, en attente d’extradition vers les États-Unis. De quoi est-elle accusĂ©e et quelle est la raison principale qui est Ă  l’origine de tout cela ? Bettina est accusĂ©e de l’enlĂšvement international de son enfant, Apolline, qu’elle a en fait tentĂ© de protĂ©ger de son pĂšre incestueux. Ne parvenant plus Ă  la protĂ©ger Ă  New York oĂč elle Ă©tait en butte Ă  des accusation d’aliĂ©nation parentale et oĂč elle perdait petit Ă  petit ses droits maternels, elle a emmenĂ©e Apolline en France oĂč, trĂšs exceptionnellement et contre toutes attentes, une Cour d’appel lui a donnĂ© gain de cause, jugeant qu’elle Ă©tait une mĂšre protectrice et le pĂšre un pĂšre dangereux. Le jugement de la Cour d’appel l’a donc autorisĂ© Ă  maintenir sa fille hors de son lieu de rĂ©sidence habituelle New York et Ă  demeurer sur le sol français. HĂ©las, Bettina ne savait pas que le FBI et le DĂ©partement d’État amĂ©ricain l’avaient inscrite sur la liste des criminels les plus recherchĂ©es de la planĂšte et qu’un mandat Interpol avait Ă©tĂ© Ă©mis Ă  son encontre malgrĂ© la dĂ©cision de la Cour d’appel en sa faveur. En voyage en Italie, des carabiniers l’ont incarcĂ©rĂ©e. C’est de sa cellule que Bettina entreprend d’écrire ce roman, Les Mal AimĂ©es. L’écriture d’un roman dans un roman est en fait une mise en abyme. En quoi le comportement de Hunter, l’ex-mari de Bettina, met en pĂ©ril la vie de leur fille Apolline ? Tout comportement d’emprise, ou d’aliĂ©nation de l’autre, est trĂšs dangereux car il s’agit d’une appropriation du psychisme de l’autre, d’une annexion psychique, avec des effets de contagion de la folie et de la terreur. L’autre n’est donc plus son propre sujet mais un objet de jouissance pour l’agresseur ou l’ empriseur ». Cela peut donner naissance Ă  ce que les psys appellent une folie Ă  deux ». En d’autres termes, cela peut rendre l’autre fou. On peut dĂšs lors parler d’ assassinat psychique ». Vous parlez d’une dynamique de fascination-idĂ©alisation » qui avait empĂȘchĂ© Bettina de distinguer les signaux alarmants de Hunter, son mari. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce mĂ©canisme d’emprise psychologique ? Je pense que certaines personnalitĂ©s pathologiques ont la capacitĂ© d’hypnotiser l’autre, ce sont souvent des personnalitĂ©s malsaines je pense Ă  des dictateurs comme Hitler, des personnalitĂ©s dites charismatiques comme Trump qui ont actuellement le vent en poupe sur le plan politique hĂ©las. C’est ce qui arrive Ă  Bettina en rencontrant Hunter, elle est fascinĂ©e par lui, elle l’idĂ©alise, mais elle n’est pas rĂ©aliste. Elle est aveuglĂ©e, Ă©blouie. Une relation se met en place sur le mode du sacrifice narcissique, car Hunter peut dĂšs lors opĂ©rer toutes sortes de projections il projette sur elle tous les dĂ©fauts et travers qu’il refuse de voir afin de ne pas les laisser le dĂ©sorganiser psychiquement sur elle, il la culpabilise sans fin au point qu’elle devient une sorte de dĂ©versoir. Il finit par absorber tout le peu d’amour que Bettina se portait Ă  elle-mĂȘme. J’énonce lĂ  le scĂ©nario classique de la violence conjugale. La projection en fait partie intĂ©grante. Dans les dĂ©dales de la justice française et europĂ©enne, un concept est de plus en plus citĂ© et pose des problĂšme Ă  Bettina dans le sillage des tribunaux amĂ©ricains. Il s’agit du syndrome d’aliĂ©nation parentale ». Pouvez-vous nous Ă©clairer sur ce sujet ? Le SAP » est une stratĂ©gie judiciaire Ă  la mode inventĂ©e par un psychiatre fou, un AmĂ©ricain du nom de Richard Gardner. Ce faux syndrome a engendrĂ© des catastrophes judiciaires un jeune homme de 16 ans s’est notamment pendu aux Etats-Unis aprĂšs que Gardner a convaincu les juges qu’il devait subir une thĂ©rapie par la menace » et vivre avec son pĂšre ; une mĂšre amĂ©ricaine a fait un AVC fatal aprĂšs qu’un juge lui a annoncĂ© que son enfant serait confiĂ© Ă  son pĂšre agresseur, les exemples sont multiples. Gardner Ă©tait convaincu que toutes les mĂšres qui dĂ©nonçaient des violences de la part du pĂšre de leur enfant lavaient le cerveau de cet enfant et le manipulaient pour qu’il fasse de fausses accusations sur son pĂšre. La sociĂ©tĂ© civile française est en train de dĂ©couvrir, grĂące au prĂ©sident de la CIIVISE le courageux Juge Edouard Durand, que ces accusations sont gĂ©nĂ©ralement vraies, que rares sont les enfants qui mentent sur ces sujets et que c’est une mĂ©thode bien pratique, utilisĂ©e par les pĂšres maltraitants et incestueux et leurs avocats pour dĂ©tourner l’attention des violences physiques ou sexuelles qu’ils commettent sur leur enfant. C’est une arme redoutable axĂ©e sur la projection, qui consiste Ă  projeter la faute, le rapport de domination pĂšre-enfant sur la mĂšre ce n’est pas moi qui suis coupable d’emprise physique de notre enfant, c’est la mĂšre qui est coupable d’emprise psychique et invente ces violences contre moi pour le maintenir sous son emprise ». C’est une stratĂ©gie perverse qui consiste Ă  inverser les culpabilitĂ©s car Ă©tymologiquement pervertere » signifie inverser, retourner. Ces accusations en miroir gĂ©nĂšrent un brouillard confusiogĂšne qui empĂȘche les intervenants psycho-judiciaires d’apprĂ©hender la rĂ©alitĂ© et de protĂ©ger l’enfant. Ils punissent la mĂšre en la privant de son enfant, ils condamnent celui-ci Ă  continuer Ă  ĂȘtre maltraitĂ© par le pĂšre et ils rĂ©compensent le pĂšre violent en lui confiant la garde de l’enfant. Toutes les valeurs morales sont inversĂ©es, ce qui est un grand classique des phĂ©nomĂšnes pervers le Bien est stigmatisĂ© et le Mal glorifiĂ©, les culpabilitĂ©s sont inversĂ©es, la haine est assimilĂ©e Ă  l’amour, la destruction Ă  la protection et bien-sĂ»r, la confusion et l’enfumage sont les maĂźtre mots. Vous imaginez sur quelles bases morales ces enfants se construisent ! Les acteurs psycho-judiciaires analysent donc cette dynamique comme un conflit parental sans comprendre qu’il s’agit d’une vĂ©ritable pathologie mentale, avec sa dimension intrinsĂšque de haine, de terreur et d’emprise, et en ne protĂ©geant ni la mĂšre ni l’enfant, les institutions permettent au pĂšre violent de garder le contrĂŽle sur la mĂšre et les enfants et de continuer Ă  les terroriser. Sur la photo de couverture de votre roman y figure un couple qui semble d’une autre Ă©poque. Cela renvoie le lecteur Ă  un autre constat que Bettina fera pendant le temps de sa dĂ©tention, en fouillant dans sa mĂ©moire. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la sĂ©rie des femmes portant le prĂ©nom de AimĂ©e dans la lignĂ©e de Bettina ? Qu’est-ce que cela reprĂ©sente pour elle, en tant que petite-fille et mĂšre ? Le livre raconte comment 4 gĂ©nĂ©rations de femmes, toutes ironiquement appelĂ©es AimĂ©es, soit de par leur prĂ©nom soit de par leur deuxiĂšme prĂ©nom, subissent une sorte de malĂ©diction transgĂ©nĂ©rationnelle centrĂ©e sur l’inceste, l’incestuel et les violences familiales. Les Mal AimĂ©es raconte comment ces hĂ©ritages nocifs, dĂšs lors qu’ils sont non Ă©laborĂ©s non symbolisĂ©s, se reproduisent de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration comme une force obscure et incontrĂŽlable. Il faut donc nommer cette force, la parler, pour qu’elle cesse de frapper et que le cycle vicieux transgĂ©nĂ©rationnel se rompe enfin. En effet, le refoulĂ© rĂ©apparaĂźt toujours. Bettina le dit d’ailleurs Ces femmes avaient en elles une sorte de boussole avec un 5e point cardinal qui les avait conduites vers l’homme qui ressemblait le plus Ă  leur parent sadique ». Pendant sa dĂ©tention, Bettina s’interroge Ă©galement sur sa relation avec sa mĂšre. Elle note des paroles comme ma terreur de la perdre » En quoi ce rapport fille-mĂšre est-il important dans son cas ? Et pourquoi Ă  un moment donnĂ©, elle parle de rĂŽles inversĂ©s j’étais pour elle ce qu’elle aurait dĂ» ĂȘtre pour moi » ? Bettina prend conscience que sa mĂšre ne l’aimait pas sainement », qu’elle l’aimait pour ses propres besoins Ă  elle, pour se rassurer, se consoler, ĂȘtre moins seule, etc. C’est en ce sens qu’elle craignait toujours de la perdre, en proie Ă  des angoisses abandonniques. La fille est d’une certaine maniĂšre le doudou » de la mĂšre. AimĂ©e essaie de combler le manque d’amour fondamental qui a marquĂ© sa construction par l’amour qu’elle attend en retour de la part de Bettina. Elle demande inconsciemment Ă  Bettina de panser ses blessures en Ă©tant justement ce qu’elle n’a pas pu ĂȘtre elle, mais elle ne la laisse pas s’individuer correctement, ce qui empĂȘche le surgissement des vraies potentialitĂ©s crĂ©atives de Bettina. Mais ce n’est pas pour autant que Bettina jette la pierre Ă  sa mĂšre car sa mĂšre est ce que les psychanalystes appellent une mĂšre crypte » elle est traumatisĂ©e, habitĂ©e par un souvenir traumatique, enfoui et figĂ© en elle qu’elle n’a pas pu symboliser. Elle renvoie donc sans fin du traumatisme Ă  sa fille, notamment Ă  travers ses comportements incestuels. Il est Ă  la portĂ©e de tous d’ aimer », mais aimer » sainement en octroyant suffisamment de libertĂ© Ă  l’autre n’est pas Ă  la portĂ©e de tout le monde. Il suffit de regarder les couples autour de nous, nombre d’entre eux s’aiment tout en se maltraitant
 Bettina aborde Ă©galement ce qu’il lui arrive dans la perspective transgĂ©nĂ©rationnelle. Pouvez-vous nous Ă©clairer Ă  ce sujet ? Les Mal AimĂ©es est un roman qui porte sur l’importance du regard maternel dans la construction de soi et sur la transmission de l’emprise et de la perversitĂ© d’une gĂ©nĂ©ration Ă  l’autre. C’est aussi un roman qui explore le lien entre l’emprise, les maltraitances et le dĂ©samour de soi, il pose la question suivante comment fait-on pour s’aimer lorsqu’on nous a martelĂ© Ă  grand renforts d’humiliations, physiques ou psychiques, qu’on n’était qu’un rebut, un dĂ©chet ? Les Mal AimĂ©es explore cette dialectique, mais, ne vous y trompez pas, ce n’est pas un roman sombre, c’est une ode Ă  l’amour car il est possible de s’aimer malgrĂ© tout. Les mal aimĂ©es que sont Bettina et Apolline au dĂ©but du roman finissent par ĂȘtre des bien aimĂ©es ». Au fond, en vous lisant, ce livre Ă  titre triste Les mal aimĂ©es n’est qu’un cri de dĂ©tresse pour dĂ©clencher dans les cƓurs des tous les enfants du monde la capacitĂ© de s’aimer. J’apporte ici comme tĂ©moignage les paroles que Bettina adresse en pensĂ©e Ă  sa mĂšre Tes yeux sur moi m’auraient permis de mener Ă  bien le grand dessein de ma vie m’aimer ». J’ai envie de vous demander en guise de conclusion, pensez-vous que plus que jamais et plus que tout un enfant doit ĂȘtre aimĂ© pour ĂȘtre vraiment protĂ©gĂ© ? Est-ce que vous faites de cela une cause ? Oui, plus que jamais, Ă  notre Ă©poque post moderniste, qui dĂ©structure les ĂȘtres, il faut aimer et protĂ©ger les enfants car les forces ultralibĂ©rales dĂ©structurantes gagnent du terrain. Les parents sont coincĂ©s sur leurs Ă©crans, ignorant leurs enfants qui rĂ©clament leur attention. La rĂ©alitĂ© virtuelle d’Instagram compte plus pour les ados que les relations rĂ©elles, les ados qui ne sont pas sur Insta et ont peu de likes sont considĂ©rĂ©s comme des losers. Les parents sont de moins en moins disponibles psychiquement et les enfants de plus en plus exposĂ©s cognitivement je pense notamment Ă  la pornographie et Ă  un certain rap avec leur cortĂšge de scĂšnes traumatisantes. Heureusement qu’il y a une prise de conscience croissante et de plus de trĂšs belles initiatives Ă  de petites Ă©chelles pour contrer ces forces dĂ©shumanisantes. Propos recueillis par Dan Burcea Caroline BrĂ©hat, Les Mal AimĂ©es, L’inceste, un piĂšge transgĂ©nĂ©rationnel, Éditions Art3 Galerie Plessis, 2021, 200 pages. Noussouhaitons orchestrer 3 portraits croisĂ©s d'enfants de parents homosexuels : de l'enfance (face aux questions que soulĂšve leur innocence), en passant par l'Ăąge adolescent (Ăąge des questions les plus sous-jacentes, et oĂč la construction de d'individu devient aiguĂ«), Ă  l'Ăąge adulte (quand on est conscient de la complexitĂ© de la famille et de la sociĂ©tĂ© dans laquelle nous
Auteurs À donner de ce que l’on a / Rien ne se perd / De ce qu’on n’avait guĂšre / À donner de ce que l’on a / Rien n’est perdu / De ce qu’on n’avait pas / Bonjour et bonsoir / Comment allez-vous? / Excusez, M
 À l’envers de nos corps, Ă  l’envers de nos Ăąmes / Une monde existe encore oĂč nous irons demain / À l’envers de nos pas, Ă  l’envers de nos danses / Il tourne une planĂšte oĂč nous avons chemins / / À l’
 Un et deux / Font du feu / Trois et quatre / Vont se battre / Cinq et six / Jusqu’à dix / Sept, huit, neuf / Pour un oeuf / Dix et onze / OEuf de bronze / Douze et treize / OEuf de braise / Quinze Ă  v
 Ah! que l’hiver tarde Ă  passer / Quand on le passe Ă  la fenĂȘtre / Avec des si et des peut-ĂȘtre / Et des vaut mieux pas y penser / L’homme est parti pour travailler / La femme est seule, seule, seule /
 Amour est un beau langage / Me faut l’apprendre / On dit que j’en pleurerai / Je l’apprendrai / Celui que j’aime / Ou que je n’aime pas / Je ne sais pas / Je crois qu’il m’aime / Un jour, en marchant 
 À Benjamin / Sortir de sa cage / Et trouver sa voix / C’est un long voyage / Arriver chez soi / Voici que ton pied s’amĂšne / Sur la trace de nos pas / La vieille dĂ©marche humaine / Ne change pas / Ave
 Ainsi que l’ont fait nos ancĂȘtres / Nos petits-enfants partiront / C’est dans l’espoir de se connaĂźtre / Qu’on tourne en rond / On fait des pas, des mots, des gestes / On chante pour cacher sa peur / 
 Au doux milieu de vous / Que ma chanson soit belle / Et qu’elle vous rappelle / Nos premiers rendez-vous / Au doux milieu de vous / Le lac noir du silence / Aux plages que je pense / Le temps se tient
 Pour toutes les fois que je ne t’ai pas dit / Je t’aime / Pour toutes les fois oĂč je me suis trahi / Moi-mĂȘme / Pour toutes les fois que le silence, autour de toi / Prenait ma voix / Pour tous ces mot
 Un jour tu trouveras, cachĂ© dans ma chanson / Chemin qui mĂšne Ă  petite maison / Une hirondelle / M’a parlĂ© d’elle / La clef, entre les mots pierre et caillou cachĂ©e / Elle est un peu par le temps doux
 Au jardin de mon pĂšre / L’était un gros ballon / Au jardin de mon pĂšre / L’était un gros ballon / Tout rond comme la terre / En vert et bleu profond / Sous le pont / Danse et ris, mon compĂšre / Les be
 Au loin sur l’eau grise oĂč le jour va finir / Au grĂ© des courants, une barque tangue / Le vent est tombĂ© depuis tĂŽt le matin / La mer, c’est la mer, et le port est lointain / Il reste une rame, accroc
 Autant le temps me presse, autant le temps me pĂšse / Un soir d’automne en moi ne s’en va qu’à demi / Et je n’ai plus d’amour et je n’ai plus d’ami / Soudain qui ne me soit pluie et vent et falaise / 
 Avec les vieux mots / Les anciennes rimes / J’arrive trop tĂŽt / J’arrive trop tard / J’arrive trop tĂŽt / Pour casser la lime / J’arrive trop tard / Pour prendre ma part / Ma part c’était toi / Ma part
 Avec nos mots, nos jeux, nos travaux et nos danses / Nos joies et nos chagrins aussi / Quatre cents ans de foi, d’amour et d’espĂ©rance / Avec ceux qui vivaient ici / Nos miroirs et nos diffĂ©rences / N
 Avec un bout de bois / Et deux bouts de ficelle / Trois clous / Quatre coups / De marteau sur les doigts / Cinq jurons, six gros mots / Sept oeillets de bottines / Pour les oeillets de voile / Huit he
 Avez-vous des sous? / J’en ai trois qui sonnent / Pour une personne / Que j’aime beaucoup / Coucou! / La connaissez-vous? / C’est une mignonne / La connaissez-vous? / C’est vous! / C’est le vieux Pipo
 J’avais dix ans lorsque mon pĂšre / Nous a laissĂ©s / La vie, c’est une forĂȘt d’misĂšre / À traverser / Mon frĂšre est parti, militaire / Ma soeur est entrĂ©e au couvent / À la p’tite voile, faut toujours 
 Passez le seuil de la saison / Passez le champ de marguerites / Passez ruisseau, passez maison / Passez la riviĂšre et la truite / Passez le pont, passez le bois / Et si la mousse vous mĂ©rite / Dormez-
 Il s’est fait long de temps perdu / Il est tombĂ© beaucoup de rimes / À dire ce qu’on aurait dĂ» / Perdre ou garder de cette escrime / OĂč le poĂšte hautain n’arrime / Aujourd’hui que bien peu de vers / Q
 C’est monsieur de la Misaine / Il dit qu’il est capitaine / Mais moi, j’ai vu son bateau / Naviguer dans le ruisseau / Barati, baratin, haut-fond / Un haut-fond dans son jardin / C’est monsieur de Car
 Beau voyageur, tu me viens, tu m’arrives / Avec ton sac de pays sur ton dos / Je t’attendais, ni triste, ni naĂŻve / Tu peux te taire et prendre ton repos / Tu me diras des nouvelles du monde / Dans to
 Tu peux dormir, le vent nous veille / Le vent qui va, qui vient dehors / Son nid bercĂ©, l’aiglon sommeille / Ton cheval dort, ton canard dort / Dans la maison de ton oreille / Un vieux rouet plein de 
 Le nuage est au grĂ© du vent / Et la feuille au grĂ© du courant / Ton coeur parle du temps qui fuit / Sur les eaux de la nuit / Comme au grĂ© de l’amour, l’enfant / Le nuage est au grĂ© du vent / Reste en
 Pour Marion qui sommeille / Le faiseur de rĂȘves est prĂȘt / Un grand navire appareille / Pour des rivages secrets / Moussaillon Marion / Va faire un joli voyage / Marion moussaillon / Fend le rĂȘve
 nou
 Berlu s’en va chez le marchand / Berlu s’en va chez le marchand / Pour acheter du pain, du beurre / De la farine et du sel fin / De la mĂ©lasse et des oranges / Du thĂ©, du sucre pis des raisins / Faut 
 Natashquan, c’est un village / CĂŽtĂ© nord du Saint-Laurent / C’est au bout d’un beau voyage / Qui raconte et qui surprend / À la voile ou en voiture / C’est un dĂ©part pour ailleurs / Et ça reste une av
 Je perdrais l’eau de ma riviĂšre / Si j’en parlais / Le caillou se refait poussiĂšre / Quand il lui plaĂźt / Mais si ton Ăąme s’appareille / À cause de mon peu de bruit / Navigue au coeur et Ă  l’oreille /
 C est le vieux Pipo / Qui a grand peur de l’eau / Il a un bateau / Grand comme un sabot / C’est beau! / / A fait sa misaine / Avec un mouchoir / À la mĂšre Germaine / Ils s’en vont ce soir / Bonsoir!
 Le jour de ses quatre-vingt-six ans / Caillou sortait du havre / Tous ses enfants le suivaient en disant / C’est pas l’nordet qui l’navre / / RamĂšne ta barge Ă  terre, Caillou / Caillou Lapierre / Ram
 Papa, pourrais-tu me faire une maison? / C’est pour mon ourson / Depuis un mois qu’il me demande / Ce n’est pas pour moi / Ce n’est pas pour moi / Moi, j’aime mieux dormir chez toi / Ce n’est pas pour
 Je dis que tout est paysage / Qu’on ne voit point dessous le champ / Les racines font des voyages / Qui mĂȘlent la sĂšve et le sang / Si j’ai mal compris mon feuillage / Ce n’est point la faute du vent 
 Deschamps / Pourquoi suis-je ce que je suis / Et non ce que je voudrais ĂȘtre? / Au beau milieu de la vie / Est-il encore possible de naĂźtre? / Je suis sans ĂȘtre, je fais l’aveu / La vie m’arrĂȘte, l
 Chacun fait selon sa façon / Moi, je fais encor des chansons / Des chansons pour vos sommeils / Des chansons pour vos rĂ©veils / Des chansons pour apprivoiser la nuit / Des chansons pour le matin / Des
 Cette chanson pour ceux que je n’ai pas nommĂ©s / Moi qui croyais nommer ton village et ta ville / Ceux qui s’en vont d’un pas que l’on dirait docile / En chemins fermĂ©s / Les derniers arrivĂ©s que je n
 L’hiver / Loin dans la plaine / PromĂšne / Ses courants d’air / L’envers / De tant d’attente / Invente / Un arbre vert / Le temps s’étale / Sur des jours pĂąles / Sans une escale / Au ciel couvert / L’h
 Il n’y a plus de temps Ă  perdre / Il n’y a que du temps perdu / Touche mes mains, calme mes lĂšvres / Couche tes pieds tout prĂšs des miens / Marche et marche et neige au loin / Cherche et cherche, on a
 Quel est donc ce langage / Qui fait que je t’entends / Qui fait que je t’attends / Comme animal en cage? / Dans la prison des mots / Qui nous dĂ©sappareillent / On frappe Ă  mon oreille / Avec un bruit 
 On n’a, pour nommer l’espace / Qu’un pas qui passe / De l’eau Ă  l’eau / Je ne suis qu’un mot qui danse / Sur ton silence / Comme un canot / Le canot de mon grand-pĂšre / N’avait que deux avirons / Pour
 Chaque fois qu’un enfant pleure / Je suis prĂšs, tout prĂšs de lui / Chaque fois qu’un ruisseau meurt / Je suis le fleuve et le puits / Chaque fois que vent les vente / Je suis la fleur et le fruit / Ch
 Avant d’aller Ă  l’école / I’ connaissait mot Ă  mot / Des chansons oĂč caracolent / Des chevaux / Grattait dĂ©jĂ  la guitare / Jouait dĂ©jĂ  du lasso / Avec des vieux bouts d’amarre / Charlie-Jos / SitĂŽt fi
 Chemin faisant / Le temps qui passe / A pris la place / De mes seize ans / Mon pas plus lent / N’est pas moins leste / Mais plus modeste / Chemin faisant / Aux premiers jours de ma route / Mon pied ba
 Combien de fois faut-il parler d’amour? / Combien de temps faut-il vivre? / Combien de fois ses chemins faut-il suivre / Pour qu’il demeure Ă  l’entour? / Combien de nuits, combien de jours / Combien d
 Comment vous donner des nouvelles? / Je suis allĂ© voir la maison / J’ai vu de l’or dans les poubelles / De la saison / Dans le petit bois du bonhomme / Un sapin que j’ai connu vert / Est devenu gris c
 Sans bĂątir de cage / Sans remords au coeur / Sans casser de branches / Sans cueillir de fleurs / / Comment, comment dire Ă  ma mie / Amour que j’ai pour elle? / Comment, comment dire Ă  ma belle / Chag
 Lundi / Un mouton, deux moutons blancs / S’en vont traverser le champ / Des moutons de porcelaine / Avec des sabots de laine / Un mouton, deux moutons blancs / S’en vont traverser le champ / / Mardi 
 Pour MaĂ«lle et Julie / Quel que soit ton Ăąge / Tu es en voyage / Quel que soit ton nom / Mille autres le font / En cherchant ta place / Tu trouves l’espace / En cherchant ton rang / Tu trouves le temp
 Comme je l’ai dit Ă  mon fils / Coyote Bill est un mĂ©tis / NĂ© d’un chef abĂ©naquis / Et d’la femme d’on sait pas qui / C’est Ă©crit dans son profil
 Coyote Bill / C’est Ă©crit dans son profil
 Coyote Bill
 Dans la nuit des mots / J’ai dit de la vie / De l’ñme et du corps / De l’homme et du loup / De l’air et de l’eau / De tout ce qui crie / Mais si peu de vous / Mais si peu de vous / Je ne sais pas bien
 Coule, ruisseau des jours perdus / Coule ton eau, lĂšche ta rive / Je passe le pont et j’arrive / Aux sables des pas inconnus / Coule, mon nom, au loin dĂ©rive / Et porte au fond ce que je fus / / Cote
 DĂ©vorer des kilomĂštres / Cela fait passer le temps / Je l’ai vu par la fenĂȘtre / Qui marchait au bout du champ / Mais le temps connaĂźt son maĂźtre / Il le suit partout au pas / On le prend pour un ancĂȘ
 Do you have some coins? / Yes, I have some here / For someone who’s dear / To my heart, it’s true / So true / / Do you know her well? / Sweet as morning dew / Do you know her well? / It’s you!
 Doux vos yeux, doux / Sur ma tristesse / Qui s’intĂ©resse / À tout de vous / Je m’appareille / À vous fĂȘter / Vos deux oreilles / Doivent tinter / Sur ma jeunesse / Doux vos yeux, doux / / Lents vos d
 Comme arc-en-ciel entre soleil et pluie / Comme grand-voile entre rade et partir / Comme l’écho entre lac et montagne / Du soir jusqu’à l’aube et d’ici Ă  loin / Je me dis adieu mais ne m’en vais point
 Encore une chanson d’amour / Croyez-vous cette lampe Ă©teinte? / C’est la mĂȘme cloche qui tinte / Dans le clocher des anciens jours / Encore une chanson d’amour / / Il a neigĂ© trois fois la hauteur de
 Entre musique et poĂ©sie / Entre prescience et nostalgie / Entre espoir et mĂ©lancolie / Entre la corde et l’arcanson / Entre le cri et la parole / Entre le ruisseau et l’école / Est nĂ©e un jour la sage
 Je ne sais quel vent / J’aurai dans ma voile / Je ne sais quel jour / On m’appellera / Mais en attendant / Je taille la toile / Je marche Ă  l’étoile / Sans compter mes pas / Je ne sais quel feu / Lave
 Faire un bateau / Ça prend des connaissances / Un peu d’expĂ©rience / Et des matĂ©riaux / Mais, par la baleine en bigoudis / Le premier outil / C’est la patience / Du bois dur et du bois mou / Des rivet
 Dans tout QuĂ©bĂ©cois / Un homme sommeille / Qui prĂ©tend qu’i’ veille / Sans lever le doigt / Moi j’prĂ©tends qu’i’ dort / Faut que j’le rĂ©veille / Faut que j’le rĂ©veille / Avant d’m’endormir / Moi j’pré  Fer et titane / Sous les savanes / Du nickel, du cuivre / Et tout c’qui doit suivre / Capital et mĂ©tal / Les milliards et les parts / Nous avons la jeunesse / Et les bras pour bĂątir / Nous avons, le t
 I just cracked an egg of stone / No yolk, not a joke / There were emeralds inside / Do you know who laid it? / Tell me now, my dear / Do you know who laid it? / It was never clear / It was never clear
 Gens du pays, c’est votre tour / De vous laisser parler d’amour / Gens du pays, c’est votre tour / De vous laisser parler d’amour / / Le temps que l’on prend pour dire Je t’aime / C’est le seul qui r
 Quand elle est partie en ville / La trop belle Laurelou / Quand elle est partie en ville / Gros Pierre est restĂ© chez nous / / Ti deli dam didelam didelou / Ti deli dam didelam dame li doux / / Il s
 Quand nous nous sommes reconnus / Il n’y avait point de riviĂšre / Point de lune, point de tonnelle / Point de rime en our ni en elle / La terre et le ciel Ă©taient nus / Quand nous nous sommes reconnus
 Ailleurs le monde est doux / L’air est meilleur, et de partout / Coulent des fleuves d’or et de musique / Ailleurs dormir, mon coeur tragique / Ailleurs est Ă  l’envers de nous / / Au loin j’entends c
 If you bump your knee / Have a cup of tea / Yuuki / / If you stub your toe / Hip hop to and fro / Kaito / / If your tummy’s sore / Lie down on the floor / Igor / / If you hurt your back / Walk arou
 Il est quatre heures / Le jour est gris / Je n’ai pas pris le temps de vivre, et c’est la nuit / Un train qui pleure / Va loin d’ici / Les gens s’en vont voir si le rĂȘve est dans leur lit / Et c’est l
 Il me reste un pays Ă  te dire / Il me reste un pays Ă  nommer / Il est au trĂ©fonds de toi / N’a ni prĂ©sident ni roi / Il ressemble au pays mĂȘme / Que je cherche au coeur de moi / / VoilĂ  le pays que j
 Il y a quelque chose / Entre la montagne et moi / Ces cheminĂ©es roses / Ces fenĂȘtres closes / Ces ciments moroses / Ont mis leur effroi / Entre la montagne et moi / / Il y a quelque chose / Entre le 
 Solitaire / Je me terre / Sous la terre / De mes mots / La console / Qui m’isole / Se dĂ©sole / À huis clos / Le temps d’un mot de passe Ă  la portĂ©e du doigt / Et me voici tournant autour de ma planĂšte
 J’ai levĂ© le pied / Pour entrer en danse / J’ai levĂ© le pied / Perdu mon soulier / J’ai battu des mains / J’ai fermĂ© les yeux / Mon soulier perdu / N’est pas revenu / J’ai levĂ© le pied / Pour entrer e
 J’ai mal Ă  la terre / Mal aux ocĂ©ans / Mal Ă  mes artĂšres / Aux poissons dedans / Mon ventre n’est plus qu’un cratĂšre / GĂ©ant / BĂ©ant / J’ai mal Ă  la terre / Le fond du pĂ©trolier est sale / Il faudra n
 J’ai plantĂ© un chĂȘne / Au bout de mon champ / Ce fut ma semaine / Perdrerai-je ma peine? / J’ai plantĂ© un chĂȘne / Au bout de mon champ / Perdrerai-je ma peine? / Perdrerai-je mon temps? / / L’amour e
 J’ai rentrĂ© le bois, mis le contrevent / Le froid peut coller son nez sur la porte / Il n’entrera pas, la place est trop forte / L’amour est dedans, l’amour est dedans / / Le merle s’est tu, la cigal
 J’ai un pays Ă  creuser, Ă  construire / J’ai un jardin Ă  planter dans l’hiver / Il est trop froid Ă  chauffer, je le brĂ»le / Il est trop long Ă  trouver, je le perds / / J’ai du bĂ©ton, du verre et puis 
 Jack Tatoo, c’est mon nom pour en d’dans / J’ai perdu mon vrai nom Ă  dix ans / Pour un beau tatouage
 au primaire / Ils m’ont mis Ă  la porte de l’Accueil / Un foyer oĂč m’avait mis ma mĂšre / Quand je l
 Je chante pour ne pas courir / Je chante pour ne pas mourir / / Pour oublier que mon chemin / Ne va pas plus loin que ma main / Pour oublier que l’escalier / N’est pas plus haut que mon soulier / Et 
 Je demeure oĂč l’amour loge / J’y retourne Ă  chaque pas / Le temps n’est pas dans l’horloge / Mais dans votre coeur qui bat / / C’est bien un coeur qui m’appelle / Je ne sais pas depuis quand / Sa mĂ©l
 Je m’ennuie d’un pays qui n’est pas loin d’ici / Je m’ennuie d’un pays qui n’est pas / Je m’ennuie d’un pays qui n’est pas aujourd’hui / Je m’ennuie d’un pays qui sera / / Ainsi parlait un voyageur /
 Dans la nuit des jours sans paroles / Dans l’ennui des projets fermĂ©s / Et l’oubli des mots qui consolent / Je n’ai pas cessĂ© de t’aimer / Je n’ai pas cessĂ© de t’aimer / Au beau jeu d’un autre langage
 Je ne dirai plus Je vous aime / Je ne dirai plus Pour toujours / Je l’ai tant dit aux alentours / Je l’ai dit Ă  l’Amour lui-mĂȘme / Je ne dirai plus Je vous aime / / Je dirai que la mer est haute / Je
 Je viens d’écrire une lettre / AdressĂ©e Ă  moi, prends-la / Pour me la remettre / Tu voyageras / Mon enfant, mon frĂšre / Pour me la remettre / Tu voyageras / / Je suis restĂ© Ă  ma porte / Au bout de me
 Te voilĂ  muet / Mon cousin, mon frĂšre / Jean Bourgeois, mon camarade / Tu parlais, tu es muet / VoilĂ  ce qui est / Qu’est-ce donc que c’est / Mon cousin, mon frĂšre / Jean Bourgeois, mon camarade / Qu’
 Quand Jean du Sud s’était mis dans la tĂȘte / D’aller chasser sur l’üle Anticosti / Le swell du large annonçait une tempĂȘte / Mais Jean du Sud Ă©tait dĂ©jĂ  parti / Appareille / Mets deux ris dans la voil
 Joe’s mother, she clucks / While feeding her ducks / They’re his, and that’s fine / Take yours, I’ll take mine. / / Yoshi raises geese / He says he’s for peace / But I have a hunch / Those geese are 
 Quand les bateaux s’montraient l’nez dans la baie / Du temps que John Ă©tait rien qu’un p’tit gars / D’aprĂšs les cris pis d’aprĂšs la fumĂ©e / Lui vous disait Vient d’en haut, vient d’en bas» / Premier
 Loin de mes pays, de mes amis, de mes amours / Se passe mon temps, s’en vont mes semaines / Seul sur des chemins qui vont au bout de mes beaux jours / Je m’en viens nommer le monde Ă  mon tour / / À s
 L’arbre du temps n’est pas le hĂȘtre / Il perd ses jours au moindre vent / Chaque matin le voit renaĂźtre / Et chaque soir mourir autant / Sous les regards de ma fenĂȘtre / Il mĂȘle octobre Ă  mon printemp
 C’est un enfant qui trouvera / Les mots qui vont sauver le monde / Regardez-les faire leur ronde / Avec l’air de n’ĂȘtre pas lĂ  / Il arrive Ă  l’hĂŽtel de ville / Il faudra bien le recevoir / Il n’est pa
 Un enfant et un pommier / Qui parlera le premier? / L’enfant est comme Ă  l’école / Le pommier prend la parole / Regarde-moi par la vitre / De quoi est fait ton pupitre? / Je suis ton cheval de bois / 
 Quand je dis la pluie / Je parle de vous / Sa mĂ©lancolie / Constelle de clous / Le mur de grisaille / Sans y faire un trou / Dis-moi qui travaille / C’est un vieux hibou / Sous la pluie / / Quand je 
 C’est un Ă©clair de juillet / L’éclat vermeil d’un oeillet / C’est le soleil que l’on cueille / Entre les feuilles / Du pommier doux / / C’est la pluie sur le jardin / Ça sent le feu et le thym / La r
 Le bonheur voyage toujours Ă  pied / Le bonheur dort au fond d’un vieux soulier / Ce sont vos bagages / Qui font nos voyages / Nous marchons toujours / Dans le lit des jours / L’ñme sĂ©dentaire / RivĂ©e 
 C’est un Ă©trange animal / Qui laisse aller sa folie / Entre le bien et le mal / L’art et la mĂ©lancolie / Et qui trouve tout normal / Pourvu qu’il se multiplie / Le mort lui sert de cheval / C’est un é  À jouer le jeu de l’horloge / Je me suis fait calendrier / Je vous ai faite sablier / Je ne sais plus oĂč mon coeur loge / C’est comme l’ñme au corps liĂ©e / Je ne sais plus qui j’interroge / / Vous me
 L’odeur des feux de feuilles / Revient de loin / Le vent qui les recueille / M’en soit tĂ©moin / Septembre Ă©tait un livre / OĂč je me voyais vivre / L’automne et le printemps / En mĂȘme temps / L’air ple
 Ce nuage te ressemble / Qui passe au-dessus d’ici / Et qui semble / Sans souci / S’en aller oĂč bon lui semble / Au grĂ© du vent que voici / Le vent et la mer aussi / Quand ils font l’amour ensemble / C
 Quand ça vient l’temps d’me faire un puits / J’creuse oĂč ça m’plaĂźt, quand ça me l’dit / Puis si j’me trompe / J’m’en fous, y aura toujours de l’eau / Puis j’me fous ben des Ă©colos / Puis j’plante ma 
 J’ai trouvĂ© ma mie en haute montagne / La lune Ă©tait ronde, le hibou, muet / En haute montagne je l’y ai laissĂ©e / À la nuit tombante j’irai la trouver / / Ma mie a les pieds comme biche vive / Sa pe
 N’en veuillez pas Ă  ma complainte / Qui m’est venue de l’air du temps / Plus vieille que moi de vingt ans / C’est dans ma tĂȘte qu’elle tinte / Depuis longtemps / Je l’ai reconnue entre maintes / / El
 Sur le chemin de la dĂ©route / La lune ment / La moindre Ă©toile Ă©met un doute / Au firmament / Sur les chemins de la retraite / Est-ce un vieil homme qui s’arrĂȘte / Est-ce une enfant? / Ce n’est plus q
 Samedi soir Ă  Saint-Dilon / Y avait pas grand-chose Ă  faire / On a dit On fait une danse / On va danser chez Bibi / On s’est trouvĂ© un violon / Un salon des partenaires / Puis lĂ  la soirĂ©e commence /
 C’est en remontant la riviĂšre / Qu’on apprend le sens de l’eau / Compagnon, maĂźtre ou capitaine / Nous Ă©tions bien la soixantaine / De tout Ăąge et de tous mĂ©tiers / Ayant recommandĂ© nos Ăąmes / Le ving
 La fleur du temps pousse Ă  mon pied / J’ai beau ne pas la reconnaĂźtre / Lui fermer l’oeil et la fenĂȘtre / Lui fermer l’ñme et le soulier / La fleur du temps pousse Ă  mon pied / / La fleur du temps vi
 Hier au soir j’étais dehors / Je regardais la lune / Elle Ă©tait en or / VĂȘtue en argent / Et parĂ©e en broderie / / La lune est tournĂ©e / Nous aurons du vent / Nous aurons gros temps, ma mie / Et du v
 Et quand ils sont retournĂ©s / Dans la maison du Bonhomme / Il faisait beau, c’était comme / S’il ne s’était rien passĂ© / Les voici sur le perron / C’est toujours Sophie qui sonne / Mais il n’y a plus 
 Était-ce femme ou bien riviĂšre? / Était-ce la vie Ă  la mort / MĂȘlĂ©e ainsi que l’ñme au corps? / Laquelle chantait la premiĂšre? / C’était la femme et la riviĂšre / Et l’amour mĂȘlĂ© Ă  la mort / / Ils ont
 Ils ont mis dans la marmite / Trois bottines dĂ©jĂ  cuites / Ils ont mis dans le chaudron / Le vieux lustre du salon / Le chapeau du vieux garçon / Les oreilles du dragon / Avec trois petits cochons / T
 La mer est un berceau qui attend / Un enfant perdu sur la terre / Et qui construit radeaux et chalands / Paquebots et voiliers et galĂšres / En rĂȘvant / L’amour est un vaisseau qui attend / Un enfant c
 La mĂšre Ă  Maillard / Nourrit trois canards / Qui sont pas les siens / Un tien pour le mien / Le papa d’Éloi / Élevait des oies / C’est le vieux Perras / Qui les mangera / C’est le vieil ivrogne / Qui 
 Comme un trappeur qui retrouve le nord / Comme un pĂȘcheur qui retrouve le port / Ainsi je suis / Lorsque la nuit / LĂšve la voile et m’invite Ă  son bord / Ainsi je suis / Lorsque la nuit / LĂšve la voil
 J’avance des mots sur la page / Comme on avancerait des pas / Sur le sable blanc d’une plage / Que la mer ne connaĂźtrait pas / Un vol de pensĂ©es qui me frĂŽle / S’en va s’abattre un peu plus loin / Je 
 Pour Charlotte / La petite AdĂšle / Était toute seule / Avec une feuille / Et un vieux stylo
 oh! / Elle a fait un A / Elle a fait un L / Avec un autre L / Puis tracĂ© un O / Es-tu un oiseau? / Oui, Mad
 Avec sa lunette / La petite Annette / A vu des planĂštes / Qui n’existent pas / Elle a des boulettes / Au bout de ses couettes / Comme la comĂšte / Qu’elle a vue lĂ -bas / Mais sous sa casquette / La pet
 Dormir auprĂšs de ma belle / Serait dormir amour / Marcher si c’est avec elle / J’y marcherais mes jours / Mais vivre au loin de ma mie / Il m’est plus doux de mourir / N’aurai mieux fait de ma vie / Q
 Me sus l’vĂ© de bon matin / C’est pour trouver mon pays / Me sus l’vĂ© de bon matin / C’est pour trouver mon pays / / ÉtĂ© voir mon voisin / C’est mon voisin qui m’a dit / Faut qu’tu dĂ©fasses ta maison
 Ah! c’était un fameux pirate / Qu’on appelait La Quille-en-Or / La face en forme de tomate / Un oeil Ă  l’est, un oeil au nord / Quand il Ă©tait dans les parages / On dĂ©sertait les ocĂ©ans / On prĂ©fĂ©rait
 En descendant la rue Saint-Jean / J’ai rencontrĂ© mon pĂšre / Qui s’en allait sur son chemin de terre / Et moi sur ton ciment / Et moi sur mon ciment / LevĂ© ma main pour l’arrĂȘter / Mais il ne me vit gu
 La source qui fait le ruisseau / N’en demande pas son salaire / La source qui fait le ruisseau / La source ne vend pas son eau / Le ruisseau d’entre les cailloux / Le ruisseau qui fait la riviĂšre / Qu
 Il pleut sur des jouets rouillĂ©s / L’intĂ©rieur des enfants brĂ»le / Le nĂ©on prend des majuscules / En trois couleurs, pour bafouiller / / Le ciel est un grand dĂ©potoir / D’oĂč tombe un parfum de latrin
 Entendez-vous la tourterelle / Dans le jardin? / Pour qui ce chant toujours fidĂšle / Mais si chagrin? / / Le Prince de Trompe-Racine / A envoyĂ© / Ses employĂ©s / Ils sont descendus dans les mines / Il
 Sautez la passe au vent qui tombe / Montez la voile au vent qui prend / Ce sont les gens d’un village / Qu’il est poli d’oublier / Cherchaient pas loin de leur plage / De quoi se dĂ©sennuyer / Ils ont 
 Hier, j’ai revu ma vieille Ă©cole / Qu’on a gardĂ©e en souvenir / Un oeil qui pleure, un qui rigole / L’enfance ne veut plus finir / Comme la neuve a pris sa place / On l’a traĂźnĂ©e au bord du bois / Seu
 Aussi vrai que j’m’appelle Margot / C’est par quarante en bas d’zĂ©ro / Ma mĂšre m’envoye quĂ©rir de l’eau / Dans l’puits qu’est gelĂ© su’ l’p’tit coteau / Vas-y / C’est en r’gardant le p’tit oiseau / Qu’
 Larguez les amarres / On est embarquĂ©s / Je suis Ă  la barre / C’est pour naviguer / Le temps nous prĂ©pare / De quoi bourlinguer / Pour changer de quai / Larguez les amarres / / Carguez la voilure / N
 Le bonheur est une jeune fille / Qui ne sait pas qu’elle est le bonheur / D’un gamin qu’elle a touchĂ© au coeur / Qui s’est arrĂȘtĂ© de jouer aux billes / Surpris / Le bonheur est un parfum qui fuit / /
 Par son coeur Ă  peine entrouvert sur l’espace / Une Ă©toile a posĂ© son oeil sur mes jours / Et j’ai beau brouiller la surface / Et j’ai beau effacer ma trace / Dans ma main le destin suit son cours / D
 Le clairon, le tambour / N’ont jamais fait de musique / Le clairon, le tambour / N’ont jamais parlĂ© d’amour / J’ai rencontrĂ© mon grand-pĂšre / J’ai rencontrĂ© mon enfant / Et j’en conclus que la guerre 
 Approchez, mesdames et messieurs, approchez, approchez, / le spectacle va commencer, / approchez, madame, approchez, monsieur, approchez, / les enfants, venez voir danser comme on n’a jamais vu encore
 Un jour je ferai mon grand cerf-volant / Un cĂŽtĂ© rouge, un cĂŽtĂ© blanc / Un jour je ferai mon grand cerf-volant / Un cĂŽtĂ© rouge, un cĂŽtĂ© blanc / Un cĂŽtĂ© tendre / Un jour je ferai mon grand cerf-volant 
 Le livre que j’ai lu, je n’en sais point l’auteur / Le livre que j’ai lu n’est pas chez le libraire / Je n’en sais point le titre et fus mauvais lecteur / Et si vous le trouvez, il faut parfois se tai
 Le matin / En patins / Le midi / En ski / Le soir / I’ fait noir / La folie a fait son lit / Dans les coteaux de la nuit / Dans la nuit tous les traĂźneaux / S’en vont glisser sur la butte / Dans la nu
 Il Ă©tait seul et marchait vers le nord du nord / / ThĂ©o m’a dit qu’il l’avait vu en revenant de ses collets / Il l’avait aperçu trĂšs loin, par su’ les plaines / Était tout habillĂ© en gris, on aurait 
 Le pays que je veux faire est pareil Ă  la forĂȘt / Le pays que je veux faire est pareil Ă  la forĂȘt / Et du lac Ă  la lisiĂšre / Du coteau Ă  la clairiĂšre / De la source Ă  la riviĂšre / Tout le monde y trou
 Non! Non! Non! Je ne changerai pas de nom / Oui! Oui! Oui! Je prendrai le nom de Pays / L’Histoire est une voiture / Qui ne met jamais les freins / Le moindre de ses refrains / Nous propose l’aventure
 Il vient tĂŽt, le beau matin / Qu’il faut quitter pĂšre et mĂšre / Pour aller voir si la terre / Est bonne pour les marins / Qui cherchent l’embarcadĂšre / Il vient tĂŽt, le beau matin / Des rĂȘves de voile
 Pour Émile / Le poĂšme d’un enfant / Est un grand marchĂ© aux puces / On y voit des Ă©lĂ©phants / Mettant leur trompe Ă  l’encan / Le tambour du rĂ©giment / Cause avec des poupĂ©es russes / Un capitaine asse
 Le premier soir des noces / C’est pour faire les oreilles
 Oui! / Le premier soir des noces / C’est pour faire les oreilles
 Oui! / Parce que pas d’oreilles / On n’a pas d’plaisir / On n’a pas d’enfan
 J’ai mis de cĂŽtĂ© des silences / Dans un coin du temps / Ils ont inventĂ© des romances / À mon coeur battant / Mettez de cĂŽtĂ© quelques rires / Dans un coin du jour / Il faut si peu pour interdire / Le s
 Le vent qui parlait de voyage / Était un vent trĂšs doux / Le ciel me faisait du nuage / Et du soleil surtout / / Et mon bateau de grande allure / Mettait le cap sur l’étranger / Tournant le dos aux n
 Nous l’appellerons la Matine / Mon amour, la voile et le vent / Elle, Matine et lui, Robert / Le vent de la mer / Ne court pas les champs / Le vent de la mer / M’attend / / Se sont trouvĂ© une chaloup
 Le voyageur se dit souvent / OĂč donc est celle qui m’attend? / Le voyageur se dit souvent / OĂč donc est celle qui m’attend? / Est-elle en fĂȘte ou en priĂšre? / Elle est enfermĂ©e au couvent / OĂč je l’ai
 Le mot innocence / Pour les gens heureux / Et le mot silence / Pour les amoureux / Tous les amoureux de la mer / Ont toujours en Ă©quipage / Vent et voile, haut-fond et tangage / Ces mots sont prĂ©cieux
 Le pas d’un homme seul au loin / C’est souvent celui d’un Indien / Le moindre geste quotidien / Les amours, les travaux / MĂȘme le chant d’un oiseau / Ton coeur, mes mots / Font tourner le monde / / L
 Ma mĂšre m’envoye au marchĂ© / Un p’tit galop, un pas dansĂ© / Ma mĂšre m’envoye au marchĂ© / Un p’tit galop, un pas dansĂ© / Ma mĂšre m’envoye au marchĂ© / Pour acheter des arpilles / Y avait pas d’arpilles 
 Le charpentier dit volontiers / Rien de niveau sur ma planĂšte» / Mais ça reste un mĂ©tier honnĂȘte / Tu pourrais faire un charpentier / / Mais ne fais pas un militaire / Car ce n’est pas un beau mĂ©ti
 Une boĂźte en soie / Pour cacher sa joie / Une boĂźte en flamme / Pour cacher son Ăąme / Une boĂźte en feu / Pour cacher ses yeux / Une boĂźte en fleur / Pour cacher son coeur / Une boĂźte en pluie / Pour c
 Tous les cerfs-volants se ressemblent / C’est toujours un enfant qui tient le bout d’un fil / Et sa main tremble, et son oeil tremble / On ne sait plus lequel veut s’évader de l’autre au vent subtil /
 Ah! que le temps nous semblait beau / Ah! que le temps m’a brisĂ© d’elle / Je dessinais des hirondelles / Sous le vol moqueur des corbeaux / Ah! que le temps m’est infidĂšle / Ah! que le temps me fait d
 Pour que la feuille aille au plus haut / Chanter le travail des racines / Des fleurs aux fruits qu’on imagine / Il faut de l’eau / Il faut de l’eau / Pour que la grive ou le pivert / Trouve pour la sa
 Les gens de mon pays / Ce sont gens de paroles / Et gens de causerie / Qui parlent pour s’entendre / Et parlent pour parler / Il faut les Ă©couter / C’est parfois vĂ©ritĂ© / Et c’est parfois mensonge / M
 Les Ăźles de l’enfance / Dorment sur l’eau du Temps / On ne saurait y revenir qu’avec des pas d’enfant / On ne saurait tout retenir, l’eau et le vent / S’en vont devant / Sans emporter un souvenir / Le
 À propos de nos richesses naturelles, faudrait p’t-ĂȘtre pas non / plus s’conter trop de grosses menteries
 / / La plus grande Ă©pinette noire, avec un pavillon rouge Ă  gauche / dans une de ses branche
 J’ai pris mes mots du dimanche / Pour parler de mes amours / J’ai pris mes mots du dimanche / Pour parler de mes amours / Mais la semaine est en cours / Et ma page toute blanche / J’ai donc demandĂ© se
 Le premier couplet dit que le temps passe / Le deuxiĂšme apprend que c’est aujourd’hui / Un troisiĂšme a mis le coeur Ă  sa place / L’ñme est au couplet qui n’est pas fini / Le cinquiĂšme tourne au fond d
 Ami de bel ouvrage / Apporte tes outils / Tes mots et tes mirages / Et tout ce qui bĂątit / Sur l’eau et sur le sable / On bĂątit rarement / L’eau est insaisissable / Et le sable est mouvant / Mais tous
 J’ai cassĂ© mon oeuf de pierre / Pas de jaune, pas de blanc / Y avait un diamant dedans / Qui l’avait pondu? / Savez-vous, Madame? / Qui l’avait pondu? / On l’a jamais su! / On l’a jamais su! / J’ai ca
 On s’enfuit d’un pays / Pour diverses raisons / On y revient pour d’autres / Oh! bien souvent les mĂȘmes / Pour retrouver des gens / Et des mots que l’on aime / Le langage des gens / C’est beaucoup leu
 Trois par trois, en rangs / Vont les robots, bardĂ©s de chair et de sang / Ils ont tous le pas / Un robot ne perd pas le pas, il ne peut pas / Ils ont Ă  la main / Comme une bĂȘche, mais ce n’est pas une
 Sur la plage de mon silence / Une femme marche et
 c’est toi / Qui ne sait pas que je la vois / Et que l’aventure commence / Et ne sait pas que je la vois / Dans l’église de mon silence / Une femme pr
 J’ai vu la jolie fille / Qui faisait du filet / J’ai vu la jolie fille / Qui faisait du filet / Qui tirait de l’aiguille / L’aiguille qui maillait / Que fais-tu donc la belle? / Tu mailles bien trop g
 C’est heureux que les enfants / Se dĂ©pensent dans la danse / Imaginez qu’ils commencent / À regarder les plus grands / Laissons mesurer le temps / De leur danse la plus belle / Les danses qui les appe
 Immobile / Dans la ville / J’entends les retours et les dĂ©parts se disputer le carrefour / Quatre Ă  quatre / J’entends battre / Le gros coeur poussif de la citĂ©, de son chagrin toujours plus / lourd /
 Les voyageurs sont arrivĂ©s / Donnez-nous des nouvelles / Ah! les voyageurs sont arrivĂ©s / Donnez-nous des nouvelles / Ah! des nouvelles on va vous en donner / À commencer par le premier / Mais c’est p
 Little Miss AdĂšle / Sitting in her clothes / With a page in hand / And a pen that glows / Oh
 / / Writes the letter H / Then an E and L / And another L / Then a little O / / Could you be a bird? / T
 C’était un paysan qui respectait la terre / Et comme il respectait aussi bien l’air et l’eau / Les voisins de Lucas l’appelaient l’Écolo / Louise et Lucas avaient un fils au secondaire / Lucas allait 
 Je ne suis qu’un pauvre Ă©tudiant / Secondaire IV trĂšs secondaire / J’sais pas quoi c’que j’fais sur la terre / HabillĂ© comme un mendiant / Je ne suis qu’un pauvre Ă©tudiant / / Je suis un poids pour m
 Je n’ai pas fait tout mon chemin / Que dĂ©jĂ  je tourne la tĂȘte / Pour dĂ©couvrir comment s’est faite / Ma jeunesse et je n’en sais rien / Ma jeunesse et je n’en vois rien / / Elle a dĂ» passer poliment 
 D’un long voyage / Ma mie est de retour / M’a rapportĂ© l’amour / Et davantage / M’a rapportĂ© ses mains / Qui sont si douces / Je les tiendrai demain / Seront plus douces / La la la la la la seront plu
 Elle ne fait peur Ă  personne / Et pas plus de bruit que son pas / Elle ouvre Ă  tout enfant qui sonne / Mais les journaux n’en parlent pas / Madame Adrienne, c’est une infirmiĂšre / Qu’un chagrin d’amou
 Entrez, je vous en prie / Madame la Souris / Il est presque midi / À l’horloge» / InvitĂ©e par Julie / La souris s’interroge / Fromage et pain rassis / Et biscuits / Le nounours est assis / Et la poup
 Fut-il amoureux? / Fut-elle fidĂšle? / On ne sait rien d’elle / On ne sait rien d’eux / Mademoiselle Émilie / Vivait seule en sa maison / Avait Ă©tĂ© trĂšs jolie / En de lointaines saisons / Les photos qu
 Maintenant que tu connais mes rĂȘves / Maintenant que tu connais mes peurs / Maintenant que tu me sais par coeur / Je ne sais plus quel vent se lĂšve / / Tu te demandes si parfois / Je te vois comme tu
 Comme les continents dĂ©rivent / Comme les Ă©popĂ©es s’écrivent / Jour aprĂšs jour et mot Ă  mot / En de personnelles Ă©glises / L’homme se fait dieu sans surprise / À l’horizon des animaux / Ma fiĂšre, ma d
 Ce sont les gens de ce pays / Ce sont les gens de ce pays / Un gros navire ils ont bĂąti / Pour aller sur l’eau, sur l’onde / Aller voir au bord du monde / Mettez vot’ parka, j’mets l’mien / Vous verre
 Mon bateau et mon quai / Mon havre, ma tempĂȘte / Le jour est fatiguĂ© / De tourner dans ta tĂȘte / Ah! / / Je m’en vais m’embarquer bientĂŽt / Vent debout, vent arriĂšre / Et ho! bientĂŽt / Je m’en vais m
 Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver / Mon jardin, ce n’est pas un jardin, c’est la plaine / Mon chemin, ce n’est pas un chemin, c’est la neige / Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
 Mon pays, c’est une fenĂȘtre / Au bord de laquelle un enfant / Observe les saisons renaĂźtre / Et sur dehors couler le temps / Et sur dehors couler le temps / Mon pays dort dans sa fenĂȘtre / / Mon pays
 Le p’tit frĂšre de not’ vicaire / Money Bum le vieux garçon / A fait d’mander son p’tit frĂšre / Pour r’cevoir l’extrĂȘme-onction / Mon cher frĂšre, faut vous faire faire / D’abord une bonne confession / 
 D’oĂč c’est qu’tu viens, monsieur P’titpas / Toujours en d’ssous d’ton canot d’toile? / C’est toujours ben pas des Ă©toiles / La tĂȘte en bas, tu les vois pas / As-tu fait l’école des ch’mins / Pour fair
 Morning breaks / On skates / Noon breeze / On skis / Nights are / Black as tar / Tell me what goes on at night / When the kids are sleeping tight? / / The toboggans in the night / Slide away upon the
 C’est une chanson qu’j’ai composĂ©e / Pour une soirĂ©e dans les chantiers / Pour faire chanter la compagnĂ©e / Qui commençait Ă  s’ennuyer / On Ă©tait cinq tout seuls dans l’camp / Pis moi qui yeu disais t
 On ne sait jamais qui frappe Ă  la porte / On ne sait jamais ce qu’il nous apporte / Cet Ă©tranger / Le voyageur / Il ne faut pas fermer son coeur / Il ne faut pas fermer son coeur / À l’étranger / Au v
 Ichi, ni, san, shi, go / Roku, shichi, hachi, kyu, ju / / One and two
 fire on cue / Three and four
 settle a score / Five and six
 stones and bricks / Seven, eight, nine
 draw the line / Ten, eleven
 Vous qui doutez, Ă©coutez donc ceci / / Dans les magasins du Galet, la nuit / On parle de gens qui travaillent / On entend remuer des bailles / On entend rouler des barils / Dans celui du vieux Paul a
 Un jour les gens d’une province / Ont voulu se faire un pays / Un jour les gens d’une province / Ont voulu se faire un pays / La diffĂ©rence n’est pas mince / C’est ce que la rumeur en dit / / Mais la
 J’arrive Ă  toi de partout / C’est de ta peau qu’il fait doux / C’est de ton souffle qu’il vente / Ta parole me construit / Ton silence me nourrit / Tout ce que tu dis m’invente / / LĂšvres de chaque s
 Il est bon de vous dire que chez nous, un gros courrier, quand / on a ben de la malle, comme on dit, Ă  la poste, oh! un gros / courrier, madame, c’est un statut social. Je vous mens pas, / un abonneme
 Pendant que les bateaux / Font l’amour et la guerre / Avec l’eau qui les broie / Pendant que les ruisseaux / Dans le secret des bois / Deviennent des riviĂšres / / Moi, moi, je t’aime / Moi, moi, je t
 Il a neigĂ© sur le bois / Et sur la riviĂšre / On ne voit plus les orniĂšres / Au chemin du roi / Fais ton somme / Petit homme / Un JĂ©sus tout comme toi / Est nĂ© chez les Iroquois / C’est un grand mystĂšr
 Petite gloire, pauvre fortune / Me voici pour vous conquĂ©rir / Avec mes sacs de clairs de lune / Et mes carquois de souvenirs / J’ai de collĂ©s Ă  mes semelles / De la neige et du goĂ©mon / J’ai bien con
 Triste et doux, Ă  regarder descendre / D’un ciel lourd comme la mer / Comme du temps lentement / Du temps / Le matin tombe vĂȘtu de cendre / Sur la ville et les enfants, l’hiver / / La grisaille entre
 Pour beaucoup, c’est l’hirondelle / Qui rapporte d’un coup d’aile / La clef des printemps perdus / On dit que c’est partant d’elle / Que le froid se dĂ©mantĂšle / Et que l’hiver est fondu / Mais pour mo
 Quand elle dit le mot silence / J’entends du sable sud et nord / Composer Ă  sa ressemblance / Une rose Ă©trange qui dort / Des millĂ©naires de silence / / Mais dit-elle le mot amour / Mais dit-elle le 
 Quand j’étais petit garçon / Je m’amusais de ferrailles / Je m’inventais des batailles / De grappins et d’hameçons / Comme j’ai grandi aux sons / Du marteau et de l’enclume / Chaque matin quand j’allu
 Quand je te ferai ta chanson / Nous serons deux Ă  la connaĂźtre / Nous serons seuls Ă  la fenĂȘtre / OccupĂ©s au jeu des saisons / Quand je te ferai ta chanson / / Un couplet pour la joie, un pour la pei
 Quand la tendresse vient faire un peu de mĂ©nage / Dans le coeur que l’amour laisse tout Ă  l’envers / Il ne faut surtout pas lui demander son Ăąge / Et la laisser finir de prĂ©parer l’hiver / / On ne sa
 Quand nous partirons pour la Louisiane / Anne, ma soeur Anne / Quand nous partirons / Nous saurons par coeur toutes nos chansons / Anne, ma soeur Anne / Je nous vois venir / Et nous souvenir / / DĂ© d
 Quand on perd un ami / Tout est gris / La pluie et le soleil / C’est pareil / On s’endort dans les plis / De l’ennui / Quand on perd un ami / Quand on perd un ami / C’est la nuit / On est un cerf-vola
 I’ m’faut ça demain sans faute / J’peux pas m’en passer / Attention, la marche est haute / Faudrait pas tomber / / Quand tu vas chez l’marchand, mon ami / T’es en danger d’acheter / Quand tu vas chez
 Quand vous mourrez de nos amours / J’irai planter dans le jardin / Fleur Ă  fleurir de beau matin / MoitiĂ© mĂ©tal, moitiĂ© papier / Pour me blesser un peu le pied / Mourez de mort trĂšs douce / Qu’une fle
 Sous la peau / La chair et la chaĂźne / Sous les mots / La joie et la peine / Sous la main / La lame et la haine / Sous le sein / Le lait et le coeur / Sous le champ / La source et la sĂšve / Sous le ve
 Snow has fallen on the woods / And upon the stream / Buried underneath the weight / Quail and pheasants dream / Sleep, sleep now, baby, sleep now / There’s a Jesus golden boy / Born among the Iroquois
 Snow has fallen on the woods / And upon the stream / Buried underneath the weight / Quail and pheasants dream / Sleep, sleep now, baby, sleep now / There’s a Jesus golden boy / Born among the Iroquois
 Si les bateaux que nous avons bĂątis / Prennent la mer avant que je revienne / Cargue ta voile, aussi la mienne / Fais comme si, fais comme si / Nous en Ă©tions toujours les capitaines / Nous en Ă©tions 
 Si t’as mal aux dents / Marche au bout du champ / Mon grand / Si t’as mal aux yeux / Ferme un oeil sur deux / Mon vieux / Si t’as mal au coeur / Trouve un feu qui meurt / Ma soeur / Si t’as mal au dos
 Sleep tight, my love, the wind is here / To keep you safe outside till dawn / For horse and ducky, sleep is near / As the nest sways, birdie will yawn / And in the mansion of your ear / A spinning whe
 Have you heard of old man Joe? / He was born in Cajun land / He walks with a cane in hand / But he plays a mean banjo / / Now he lives in Kyoto / For his wife is Japanese / See her fingers dance with
 La mariĂ©e a perdu son anneau dans la riviĂšre / L’anneau dans un poisson pis le poisson dans le
 / J’avais ça su’ l’bout d’la langue / Si tu l’as trouvĂ©, tu devrais pas l’oublier / / J’ai perdu mon di
 Sur la vitre des automnes / Je dessine des printemps / Je travaille Ă  contretemps / Mais jamais je n’abandonne / / Un peu d’herbe et d’hirondelle / Une marguerite au vent / M’ont fait croire trĂšs sou
 Tam ti delam tam ti dela ditĂ© dela di / Tam ti delam tam ti dela ditam / / Si on voulait danser sur ma musique / On finirait par y trouver des pas / / J’ai fait cinq cents milles / Par les airs et p
 Qui dira que l’amour s’enfuit / Que la rose passe avec lui? / / Connaissez-vous l’histoire / De ce chemin / Qui menait chez GrĂ©goire / Le musicien? / Plus personne n’y rĂŽde / Qu’un vent peureux / Et 
 One day I’ll make my great big kite / One side red and one side white / One day I’ll make my great big kite / One side red and one side white / A tender side
 / One day I’ll make my great big kite /
 Oh
 the poem of a child / Is a flea market running wild / We see elephants with kids / Putting their trunks up for bid / / And a regimental drum / With pretty Russian dolls / A captain dressing from 
 Quand j’étais gamin / Je perdis mon pĂšre et ma mĂšre / ThĂ©o l’Orphelin / Ainsi m’appelaient les voisins / Plus tard je devins / Comme on dit un homme Ă  tout faire / C’était mon destin / C’était Ă©crit 
 Tous les chemins s’en allaient vers la ville / Je les ai pris / Tu crois qu’t’es l’maĂźtre de ton automobile / T’as rien compris / J’ai remarquĂ© que dans le sens contraire / Y a moins d’écrits / Quand 
 Connaissez-vous un dĂ©nommĂ© Timor la Peur? / Si ça fait trente ans qu’il a quinze ans / Ça fait ben deux fois autant qu’il a peur / / D’avoir peur du pĂ©chĂ©, du Diable et du bon Dieu / De la faim et pi
 Tire, mon coeur, tes accents de jeunesse / On vit loin de ses amours / Tire, mon coeur, que je te reconnaisse / Dans le bruit des alentours / Tire, mon coeur, de l’armoire aux mensonges / Quelques acc
 Pas haut, pas gros, pas beau / Mais les murs du cerveau / Tout finis en idĂ©es / Pas haut, pas gros, pas sot / Tit-DĂ© / DĂ©jĂ , Ă  la p’tite Ă©cole / Tit-DĂ© la Bricole / Avait d’l’invention / C’est lui qu’
 Je suis parti, j’étais toute jeunesse / Gagner ma vie et me faire un mĂ©tier / À mes parents j’avais fait la promesse / De revenir aussitĂŽt fortunĂ© / J’ai vu de loin s’effacer mon village / Midi sonnan
 Au bout du fil de ma chanson / Est un pays bonheur-misĂšre / Tout commencĂ©, tout reste Ă  faire / Je suis Ă  lui trouver un nom / Entre Jeunesse, Amour et Terre / / TombĂ©e la nuit, fermĂ© le jour / Il n’
 Ton pĂšre est parti Ă  la pĂȘche / Avec Wilfrid, et en partant / Il a dit AssociĂ©, dĂ©pĂȘche! / La mer est encore au montant / Pour manger de la morue fraĂźche / Il faut la prendre avant le vent / / Je le
 Tout l’monde est malheureux / Tam ti dela da ti / Dela da di delĂ© dilam / Tam ti delĂ© dilam / Tout l’monde est malheureux / Tam ti delĂ© dilam / Tout l’monde est malheureux tout l’temps / Tout l’temps 
 Un monde finit, un autre commence / Tu peux ravaler ta romance / J’ai tout compris, je pense / Qu’on n’est plus du mĂȘme pays / Tant qu’on Ă©tait dans l’vieux systĂšme / L’homme avait toute l’autoritĂ© / 
 Je ne prends que deux secondes / Pour Ă©crire le mot temps / À la troisiĂšme, j’attends / Que l’éternitĂ© rĂ©ponde / Mais l’éternitĂ© se tait / Mon coeur qui bat la mesure / Me rĂ©veille et me rassure / Je 
 Une branche Ă  la fenĂȘtre / M’a rappelĂ© qu’à renaĂźtre / L’amour ne se lasse pas / Et qu’à traverser l’espace / Tout oiseau laisse une trace / Plus vivace que mes pas / / Rien n’est jamais vain, ni l’h
 Une chanson blanche / Cherche ses couleurs / Une chanson penche / Au bord de mon coeur / Sauvage mĂ©moire / Me reviendrez-vous / Comme de nuit noire / Le regard du loup? / / J’ai repris mon arc / Remp
 Une chanson pomme / Pour un petit homme / Qui fera dodo / Dans son lit, tantĂŽt / Une chanson poire / C’est pour la nuit noire / Un refrain gris-bleu / C’est pour quand il pleut / Une chanson prune / C
 Un vieux caillou presque tout rond / Avec trois arbres squelettiques / Et trente pas de sable blond
 une Ăźle / Le vent de noroĂźt / Un jour m’a surpris / Cherchant un abri / Revenant de pĂȘche / Des goé  Faudrait qu’tu fasses changer tes pneus / On est mardi jour des poubelles / Faut absolument qu’tu m’appelles / Avant ce soir
 c’est ton neveu / I’ dit qu’il vient en fin d’semaine / Avec sa mĂšre qu’e
 Trois petits sifflets / Un jeu d’osselets / Et des glands de chĂȘne / Pour Emilio / Un petit bateau / Gros comme un noyau / Un harmonica / Un bijou inca / Ça, c’est pour Sophie / Un anneau de bois / Qu
 Vivre
 Vivre debout / Pour me survivre / DĂ©lestĂ© de mes vieux tabous / Mais le coeur toujours prĂȘt Ă  suivre / Le pas pressĂ© du caribou / Vivre
 Vivre debout! / Vivre les peurs fermĂ©es mais la conscien
 Vos mains qui sont tout prĂšs et pourtant si lointaines / Vos mains que vous posiez sur la vitre du temps / Sont venues ce matin causer avec les miennes / Quand s’en sont retournĂ©es mon coeur Ă©tait ded
 Vos mots que je lance / Loin de nous s’en vont / Briser des silences / Et bĂątir des ponts / Je pose un mot sur un autre / Comme pierre sans ciment / Mais avec le sentiment / D’aller rejoindre les vĂŽtr
 Vu de lĂ -haut / Les fourmis ont trouvĂ© le cĂŽtĂ© du rectangle / Vu de lĂ -haut / Vu de lĂ -bas / Les chevaux ont ruĂ© jusqu’à casser leurs sangles / Vu de lĂ -bas / / Vu de lĂ -haut / Les oiseaux font leurs
 When the dance began / When I heard the music / When the dance began / My foot took the floor / But my shoe shot out / Sailing past the dancers / And my silly shoe / Flew right out the door / / When 
 Yoshi loves to float / Float upon the sea / In a paper boat / Of origami / You see / / Does a moonlight dance / What a pretty sight / Wants to sail to France / He will go tonight / Goodnight / Bonsoi

UncomitĂ© ad hoc composĂ© de quatre membres du conseil de surveillance du conglomĂ©rat est sur le point d'examiner les nouvelles propositions des deux candidats qui ont revu Ă  la hausse leurs propositions ces derniĂšres heures pour tenter d'emporter la mise. Le groupe de communication et de BTP Bouygues a abattu son jeu dĂšs le dĂ©but de matinĂ©e en De Jeunes MariĂ©s Ă  Parents - La Voie Vers Le ParadisPublished on Nov 22, 2017No Jesouhaite apporter Ă  tous mon avis sur l'agence Hors Circuit Maroc. Je suis partie avec mon copain 1 semaine complĂšte dans le sahara occidental depuis Agadir, pris en charge entiĂšrement par Le Maroc et l'Espagne viennent de refermer la parenthĂšse d'une crise sans prĂ©cĂ©dent qui a fortement altĂ©rĂ© les relations entre les deux Royaumes et soulevĂ© plusieurs interrogations quant Ă  leur avenir. Vendredi dernier, le PrĂ©sident du gouvernement espagnol, Pedro SĂĄnchez, a envoyĂ© un message Ă  Sa MajestĂ© le Roi Mohammed VI dans lequel il souligne qu'il reconnaĂźt l’importance de la question du Sahara pour le Maroc» et affirme que l’Espagne considĂšre l’initiative marocaine d’autonomie, prĂ©sentĂ©e en 2007, comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible pour la rĂ©solution du diffĂ©rend». Dans son message, M. Sanchez assure Ă©galement que l'objectif de l'Espagne est de construire une nouvelle relation, basĂ©e sur la transparence, la communication permanente et le respect mutuel. Ces positions positives et engagements constructifs de l'Espagne sur le dossier du Sahara marocain ont Ă©tĂ© hautement apprĂ©ciĂ©s par le Royaume qui, par l’intermĂ©diaire du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres, de la coopĂ©ration africaine et des Marocains rĂ©sidant Ă  l’étranger, a indiquĂ© que les termes de ce message permettent d’envisager une feuille de route claire et ambitieuse afin d’inscrire, durablement, le partenariat bilatĂ©ral dans le cadre des bases et des paramĂštres nouveaux, soulignĂ©s dans le Discours Royal du 20 aoĂ»t dernier. Discours dans lequel le Souverain S'est arrĂȘtĂ© sur la crise qui a marquĂ© ces derniers mois les relations entre les deux Royaumes. Certes, ces relations ont traversĂ© rĂ©cemment une crise sans prĂ©cĂ©dent qui a fortement Ă©branlĂ© la confiance mutuelle et a soulevĂ© plusieurs interrogations sur leur devenir. NĂ©anmoins, nous avons travaillĂ© avec la partie espagnole, dans le plus grand calme, la clartĂ© la plus totale et un esprit de responsabilité», avait indiquĂ© le Roi, prĂ©cisant J’ai suivi personnellement et directement le processus de dialogue ainsi que l’évolution des discussions. Le but n’était pas seulement de trouver une issue Ă  cette crise, mais aussi de saisir l’opportunitĂ© pour redĂ©finir les bases et les paramĂštres qui rĂ©gissent ces relations. Avec un optimisme sincĂšre, Nous formons le souhait de continuer Ă  Ɠuvrer avec le gouvernement espagnol et son PrĂ©sident, Son Excellence Pedro Sanchez, afin d’inaugurer une Ă©tape inĂ©dite dans les relations entre nos deux pays. DĂ©sormais, celles-ci devront reposer sur la confiance, la transparence, la considĂ©ration mutuelle et le respect des engagements». Et ce discours a Ă©tĂ© bien reçu par le PrĂ©sident du gouvernement espagnol qui a dĂ©clarĂ© dans son message que Notre objectif est de construire une nouvelle relation, basĂ©e sur la transparence et la communication permanente, le respect mutuel et les accords signĂ©s par les deux parties et l’abstention de toute action unilatĂ©rale, Ă  la hauteur de l’importance de tout ce que nous partageons». Madrid, tout comme Berlin, a donc rĂ©agi positivement aux attentes du Maroc envers ses partenaires pour qu'ils adoptent des positions plus audacieuses et plus claires quant Ă  l'intĂ©gritĂ© territoriale du Royaume. Les deux capitales ont conclu que la volontĂ© de Rabat de dĂ©velopper des rapports Ă©quilibrĂ©s, basĂ©s sur la transparence et le respect mutuel, ne pouvait faire l'objet d'aucune concession. Le Royaume rĂ©pond dĂ©sormais positivement Ă  tout partenariat qui prend clairement en compte son intĂ©gritĂ© territoriale. Et en matiĂšre de partenariats stratĂ©giques dans la rĂ©gion, avec qui, sinon le Maroc, les grandes capitales europĂ©ennes et mondiales sauraient-elles les nouer ? ************** Le professeur de droit et politologue affirme que l’Espagne avait sous-estimĂ© la rĂ©action du Maroc en accueillant en catimini le chef des sĂ©paratistes Mustapha Sehimi La fermetĂ© de Rabat a conduit Madrid Ă  faire un grand geste» Le Matin Dans un Message adressĂ© Ă  Sa MajestĂ© le Roi, Pedro SĂĄnchez affirme Notre objectif est de construire une nouvelle relation, basĂ©e sur la transparence et la communication permanente, le respect mutuel et les accords signĂ©s par les deux parties et l’abstention de toute action unilatĂ©rale, Ă  la hauteur de l’importance de tout ce que nous partageons.» Peut-on en dĂ©duire un engagement de Madrid Ă  ne plus agir dans le dos de Rabat s’agissant de la question du Sahara ? Mustapha Sehimi Je dois rappeler cette cĂ©lĂšbre citation du gĂ©nĂ©ral De Gaulle Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intĂ©rĂȘts». Tout cela pour dire qu’il faut espĂ©rer que la tension, voire la crise avec Madrid, depuis avril dernier – soit pas moins de onze mois – va enfin stabiliser les relations bilatĂ©rales. Durablement mĂȘme. Il faut Ă©galement appeler de nos vƓux que la relation privilĂ©giĂ©e Ă  laquelle le gouvernement espagnol fait dĂ©sormais rĂ©fĂ©rence ait un contenu conforme aux principes Ă©voquĂ©s par Pedro Sanchez dans son message en date du 18 mars Ă  le Roi. Faut-il rappeler que ces principes sont ceux-lĂ  mĂȘmes consacrĂ©s dans le TraitĂ© d’amitiĂ©, de bon voisinage et de coopĂ©ration, en date du 4 juillet 1991, signĂ© Ă  Rabat, entre les deux États ? C’est dire que l’on attend instamment de Madrid et du cabinet Pedro Sanchez, aujourd’hui en responsabilitĂ©, de s’attacher au respect des exigences d’une relation bilatĂ©rale. Il faut, par ailleurs, solliciter l’histoire pour rappeler des tensions, voire des crises au cours des trois dĂ©cennies Ă©coulĂ©es. En 2000, il y a eu l’épisode d’El Ejido, avec l’instrumentalisation de la question migratoire – une page noire oĂč la chasse aux Moros Ă©tait devenue un sport populaire avec les vexations et les mauvais traitements dont ont Ă©tĂ© victimes les MRE traversant ce pays. Il faut y ajouter la visite de JosĂ©-Maria Aznar, chef de l’exĂ©cutif, Ă  Sebta et Mellila, durant cette mĂȘme pĂ©riode, alors qu’il Ă©tait en campagne Ă©lectorale. Il faut encore mentionner, en juillet 2002, la crise liĂ©e Ă  l’épisode de l’ülot Leila Persil qui n’a Ă©tĂ© surmontĂ©e qu’un an plus tard. Avec le cabinet dirigĂ© par le socialiste JosĂ© Luis Zapatero en 2004, une certaine normalisation a pu ĂȘtre relevĂ©e. Sauf Ă  prĂ©ciser tout de mĂȘme un autre moment de crise suite Ă  la visite du Roi d’Espagne, Juan Carlos, dans les deux prĂ©sides de Sebta et Mellila. Puis, la crise ouverte par le sĂ©jour du chef des sĂ©paratistes, Brahim Ghali, en avril dernier, pour une hospitalisation, avec de faux papiers, une fausse identitĂ© et Ă  l’insu du Maroc. La rĂ©union de haut niveau entre les deux Chefs de gouvernement a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e avec un calendrier qui sera fixĂ© ultĂ©rieurement. Elle va avoir lieu suite Ă  la visite du ministre espagnol, JosĂ© Manuel Albares, dans les prochains jours. AssurĂ©ment, entre les deux pays, manque une sorte d’amortisseur» permettant de gĂ©rer sans escalade ni surchauffe telle ou telle conjoncture. Pourtant le matelas des intĂ©rĂȘts communs», si l’on ose dire, est important. Preuve en est que Madrid est devenue le premier partenaire commercial, surclassant la France depuis 2014, avec des flux de 144 milliards de DH en 2021, et le deuxiĂšme investisseur aussi, le Maroc est le premier marchĂ© africain des exportations dans le continent 46 %, une forte implantation de entreprises dans le Royaume dans de multiples secteurs, de nombreuses opportunitĂ©s d’investissement industries d’exportation, Ă©nergies renouvelables, traitement de l’eau ou encore en joint-venture industrie agroalimentaire, industrie chimique, transport ferroviaire Ăš grande vitesse, digitalisation industrielle.... Sans oublier la dimension humaine des rapports entre les deux pays flux touristiques dans les deux sens 2,5 millions d’un cĂŽtĂ© et visiteurs Marocains, une forte communautĂ© marocaine de plus de personnes, quelque Ă©tudiants marocains
. Il y a lĂ  de quoi conforter et consolider un partenariat avancĂ© qui ne peut que se renforcer avec d’autres domaines coopĂ©ration dans la lutte antiterroriste, contrĂŽle des flux migratoires, sĂ©curisation des cĂŽtes mĂ©diterranĂ©enne et atlantique Sud ainsi que du DĂ©troit. Au total, pourquoi ne pas le dire tout net une telle capitalisation adossĂ©e Ă  tant d’intĂ©rĂȘts communs ne peut que pousser Madrid Ă  ouvrir prochainement un consulat gĂ©nĂ©ral Ă  Dakhla, un pĂŽle Ă©conomique d’avenir oĂč d’ailleurs sĂ©journent des ressortissants de ce pays et oĂč opĂšrent Ă©galement des entreprises. M. SĂĄnchez a soulignĂ© qu’il reconnaĂźt l’importance de la question du Sahara pour le Maroc». Est-ce Ă  dire selon vous que l’Espagne a mesurĂ© enfin la gravitĂ© de sa dĂ©marche en accueillant le chef des sĂ©paratistes Ă  l’insu du Maroc ? Il aura fallu bien du temps – des dĂ©cennies mĂȘme – pour que Madrid prenne conscience de la nĂ©cessitĂ© de nouveaux termes de rĂ©fĂ©rence sur la question nationale. Aujourd’hui, un ex-prĂ©sident du Conseil socialiste, JosĂ©-Luis Zapatero, dĂ©clare dans un entretien Ă  MĂ©di 1 radio» qu’il avait soutenu en 2008 le plan marocain d’autonomie dans les provinces sahariennes. Il considĂšre que le message adressĂ© au Souverain est judicieux, trĂšs positif mĂȘme, et qu’il marque une normalisation dans le sens d’un retour de la bonne relation entre le Maroc et l’Espagne». Ce responsable socialiste a Ă©tĂ© prĂ©sident du gouvernement durant sept annĂ©es ininterrompues, de 2004 Ă  2011. Jusqu’à plus ample informĂ©, on n’a pas trace de 2007 Ă  2011 de quelque initiative de Madrid illustrant un ferme soutien Ă  Rabat. En avril dernier, en accueillant – dans les conditions que l’on sait – le chef du mouvement sĂ©paratiste, les autoritĂ©s officielles espagnoles ont fait, me semble-t-il, une double faute. La premiĂšre a trait Ă  une mauvaise apprĂ©hension des principes de la diplomatie marocaine. Elles escomptaient sans doute une rĂ©action de Rabat, nĂ©gative bien entendu, pouvant aller jusqu’au rappel de notre ambassadrice pour quelques semaines au plus, et puis, dans cette mĂȘme ligne, elles tablaient sur des contacts officieux pour tourner la page... C’était lĂ  mĂ©connaĂźtre la doctrine de notre diplomatie dont les principes ont Ă©tĂ© rappelĂ©s, en diffĂ©rentes occasions, par le Roi, extrĂȘmement sourcilleux quant aux lignes rouges» Ă  ne pas franchir. L’Espagne nous est proche, Ă  de multiples titres, et prĂ©cisĂ©ment elle aurait dĂ» faire montre de davantage de sagacitĂ©. L’autre faute, liĂ©e Ă  la prĂ©cĂ©dente d’ailleurs, est celle-ci l’apprĂ©hension minorĂ©e du patriotisme marocain. Comme un seul homme, les Marocains ne se sont-ils pas mobilisĂ©s en effet derriĂšre le Roi, pour prĂ©server et dĂ©fendre une partie intĂ©grante du territoire national comme les provinces mĂ©ridionales du Royaume ? Il faut y ajouter autre chose un manquement patent aux principes rĂ©gissant les relations bilatĂ©rales, fondĂ©es sur la transparence, le dialogue, la concertation et le respect, le Maroc n’ayant pas Ă©tĂ© informĂ© du sĂ©jour du chef de mouvement sĂ©paratiste. La confiance a Ă©tĂ© ainsi mise en Ă©quation, il faut la restaurer. Et le Maroc ne pouvait qu’en tirer les conclusions appropriĂ©es. Pourquoi selon vous Madrid n’est-elle pas allĂ©e jusqu’à reconnaĂźtre purement et simplement la souverainetĂ© du Maroc sur ses provinces sahariennes, Ă  l’instar des États-Unis ? Madrid pouvait-elle, aujourd’hui, faire plus que le message adressĂ© par le Chef du gouvernement Ă  le Roi le vendredi 18 mars ? C’était Ă©videmment souhaitable. Mais cela Ă©tait-il possible en termes de politique intĂ©rieure propre Ă  ce pays. Ce qui frappe en effet dans le cabinet Pedro Sanchez actuel, c’est la fragilitĂ© de la majoritĂ© parlementaire. C’était vrai dans le gouvernement I 2018-2019, mais aussi dans celui formĂ© en janvier 2020 Ă  la suite des Ă©lections gĂ©nĂ©rales de novembre 2019. Ce cabinet est aujourd’hui constituĂ© d’une coalition de centre gauche entre le parti socialiste ouvrier espagnol PSOE, le Parti des socialistes de Catalogne PSC et l’Alliance Podemos UP. Ensemble, ces formations ne disposent pas de la majoritĂ©, ni au CongrĂšs des dĂ©putĂ©s 155 siĂšges sur 350 ni au SĂ©nat 118 sur 265. Le Parti Podemos, s’est vu confier un poste de vice-prĂ©sident en la personne de son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, Pablo Iglesias, et quatre autres ministĂšres. Cette formation est connue pour son hostilitĂ© Ă  l’endroit de l’intĂ©gritĂ© territoriale du Royaume et pour son soutien aux sĂ©paratistes de Tindouf. Aujourd’hui, un recadrage s’est fait qui a conduit Ă  cette rĂ©vision de la position de Madrid sur la question nationale, malgrĂ© la dĂ©sapprobation de Podemos. L’Espagne n’a pas reconnu – pas encore ? – la souverainetĂ© pleine et entiĂšre du Maroc sur ses provinces sahariennes rĂ©cupĂ©rĂ©es, mais il est sĂ»r que la dĂ©cision amĂ©ricaine Ă  cet Ă©gard, le 10 dĂ©cembre 2020, a fait bouger les lignes espagnoles, comme celles d’autres pays comme l’Allemagne. De plus, la fermetĂ© de Rabat depuis onze mois a fortement poussĂ© dans ce sens et a conduit Madrid Ă  faire un grand geste» permettant de tourner la page et d’asseoir dĂ©sormais les relations bilatĂ©rales sur de nouvelles bases. Le Maroc a campĂ© sur ses positions. Il n’a pas bougĂ© d’un iota». C’était Ă  Madrid de donner des signes forts, crĂ©dibles et explicites, de sa volontĂ© de renouer. Des messages ont Ă©tĂ© Ă©mis, en plusieurs circonstances, par le voisin ibĂ©rique. La ministre des Affaires Ă©trangĂšres, Arancha Gonzalez Laya, a Ă©tĂ© limogĂ©e dans le remaniement de juillet 2021, remplacĂ©e par JosĂ© Manuel Albares, ambassadeur Ă  Paris. Elle a Ă©tĂ© Ă  l’origine de la crise avec Rabat en dĂ©cidant d’accueillir, le chef du mouvement sĂ©paratiste, en complicitĂ© avec l’AlgĂ©rie. Le Chef du gouvernement Pedro Sanchez n’a-t-il pas validĂ© cet acte ? Un magistrat espagnol poursuit en tout cas ses instructions dans ce sens... Mais en mĂȘme temps, elle a reçu, par dĂ©cret royal, pris en Conseil des ministres tenu le 28 dĂ©cembre dernier, la grande Croix de Charles III, la plus haute distinction civile en Espagne, et ce sur proposition de... Pedro Sanchez, PrĂ©sident du gouvernement... Un remerciement pour ses services» Ă  la tĂȘte de la diplomatie espagnole ? Pourquoi, selon vous, l’UE en gĂ©nĂ©ral multiplie les signaux positifs Ă  l’adresse du Maroc ces derniers temps ? Il est vrai que l’on observe une certaine amĂ©lioration des relations entre l’UE et le Maroc. Voici quatre mois, la Commission europĂ©enne a ainsi interjetĂ© appel de l’arrĂȘt de la Cour de justice de l’UE du 29 septembre annulant les dĂ©cisions du Conseil de l’UE relatives Ă  des accords incluant le Sahara marocain. Le commissaire europĂ©en Ă  l’Environnement, aux ocĂ©ans et Ă  la pĂȘche, Virginijus Sinkevicius, a rĂ©itĂ©rĂ© Ă  cette occasion la confirmation de l’attachement Ă  l’accord de partenariat de pĂȘche UE-Maroc. Sur la question nationale, elle a prĂ©cisĂ© que la position de l’UE est guidĂ©e par les rĂ©solutions du Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies». Dans cette mĂȘme ligne, le chef de la diplomatie europĂ©enne, Josep Borrell, a soulignĂ©, le 8 mars courant, la position de l’UE au sujet de la non-reconnaissance de la pseudo Rasd» et de la question du Sahara marocain. Il a prĂ©cisĂ© qu’aucun des États membres de l’Union europĂ©enne ne reconnaĂźt la Rasd, et que la participation au sommet UE-UA de Bruxelles ne change rien Ă  la position de l’Union europĂ©enne et de ses États membres». Un mois auparavant, c’était la prĂ©sidente de la Commission europĂ©enne, Ursula von der Leyen, qui a effectuĂ© une visite au Maroc – la premiĂšre dans un pays non europĂ©en. Elle a assurĂ© que le Maroc est un pays avec lequel nous avons construit un partenariat stratĂ©gique, Ă©troit et solide». À l’issue d’une rĂ©union avec le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, elle a rĂ©affirmĂ© la volontĂ© de l’UE de continuer Ă  approfondir nos relations en tant que voisins, en tant que partenaires et en tant qu’amis». Deux jours plus tard, le 10 mars, c’était la visite durant de deux jours du commissaire europĂ©en chargĂ© du Voisinage et de l’élargissement, OlivĂ©r VĂ rehelyi. Un document relatif au projet Link Up Africa» a Ă©tĂ© signĂ© Ă  l’issue des entretiens avec Nasser Bourita, ministre des Affaires Ă©trangĂšres. Ce projet s’appuie sur la prioritĂ© donnĂ©e au dĂ©veloppement de la coopĂ©ration avec l’Afrique sur la base d’une approche triangulaire Maroc-UE au profit des États africains. Ce responsable europĂ©en a Ă©tĂ© Ă©galement reçu par la CGEM, ce qui est une grande premiĂšre. Le Maroc est dotĂ© de la plus grande enveloppe du Voisinage Sud avec plus de 900 millions d’euros programmĂ©s 2021-2024 et 1,6 milliard d’euros annoncĂ©s pour 2021-2027, avec un rythme annuel de 227 millions d’euros. Le Maroc est le premier pays en termes de flagship projects projets phares, cinq d’entre eux dĂ©jĂ  engagĂ©s et les autres Ă  un stade avancĂ© de structuration. Cela dit, avec le printemps 2022, le Maroc ne peut qu’apprĂ©cier les avancĂ©es enregistrĂ©es dans le partenariat avec l’UE. Il reste Ă  Bruxelles Ă  les hisser Ă  un niveau politique plus Ă©levĂ© dans le sens d’une réévaluation de la position des États membres sur la question nationale. L’Allemagne a opĂ©rĂ© une Ă©volution significative dans ce sens, l’Espagne aussi, aujourd’hui. D’autres devraient sortir de leur zone de confort» – pour reprendre la formule du ministre des Affaires Ă©trangĂšres, Nasser Bourita – et tourner ainsi le dos Ă  certaines ambiguĂŻtĂ©s... Hicham Oukerzaz **************** Entretien avec Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales Vu son poids dans le dossier du Sahara, la nouvelle position de l’Espagne incitera d’autres pays Ă  lui emboĂźter le pas» Dans cet entretien, Zakaria Abouddahab, professeur Ă  l’UniversitĂ© Mohammed V de Rabat, analyse la portĂ©e stratĂ©gique du soutien annoncĂ© par Madrid au plan d’autonomie du Maroc et ses consĂ©quences sur le dĂ©veloppement des relations bilatĂ©rales entre les deux pays et l’édification d’un partenariat plus solide. Le Matin Le gouvernement espagnol s’est engagĂ© Ă  garantir la souverainetĂ© et l’intĂ©gritĂ© territoriale» du Maroc dans le cadre de la nouvelle Ă©tape». Peut-on parler d’un tournant historique dans les relations entre Rabat et Madrid ? Zakaria Abouddahab Ce que l’on peut d’abord tirer comme conclusion du message adressĂ© par le PrĂ©sident du gouvernement espagnol Pedro Sanchez Ă  Sa MajestĂ© le Roi, c’est que l’Espagne a enfin compris l’importance fondamentale et cruciale que revĂȘt la question de l’intĂ©gritĂ© territoriale pour le Royaume. Par ailleurs et pour rĂ©pondre Ă  votre question, j’estime que le soutien annoncĂ© du PrĂ©sident du gouvernement espagnol au plan d’autonomie du Maroc comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible pour la rĂ©solution» du diffĂ©rend sur le Sahara marocain marquera certainement un tournant historique dans les relations entre les deux pays, dans la mesure oĂč l’Espagne reconnaĂźt indirectement la marocanitĂ© du Sahara. La prospĂ©ritĂ© du Maroc est liĂ©e Ă  celle de l’Espagne, et inversement». Pourquoi selon vous le Maroc est-il important pour l’Espagne et pourquoi l’Espagne est-elle importante pour le Maroc ? Il est tout Ă  fait normal que la prospĂ©ritĂ© des deux pays soit intimement liĂ©e. L’Espagne et le Maroc sont liĂ©s par l’histoire et la gĂ©ographie. Seize kilomĂštres seulement sĂ©parent les rives des deux pays. Le voisin ibĂ©rique est par ailleurs le premier partenaire Ă©conomique du Royaume selon les statistiques les plus rĂ©centes. Sachant qu’outre les Ă©changes commerciaux importants qui lient les deux pays, l’Espagne accueille une communautĂ© marocaine importante qui participe au dĂ©veloppement et Ă  la prospĂ©ritĂ© de ce pays. Par ailleurs, Ă©tant considĂ©rĂ© Ă©galement comme un pays de transit pour des milliers de Marocains rĂ©sidant Ă  l’étranger souhaitant rejoindre le Royaume pendant l’étĂ© pour passer leurs vacances auprĂšs de leurs proches, l’Espagne profite pleinement des recettes gĂ©nĂ©rĂ©es par le transit de ce flux migratoire. Donc tous ces Ă©lĂ©ments-lĂ  font que les deux pays soient intimement liĂ©s. Dans quelle mesure cette reconnaissance dans le fond de la souverainetĂ© marocaine sur le Sahara pourra-t-elle encourager Ă  votre avis les pays europĂ©ens Ă  emboĂźter le pas Ă  l’Espagne et Ă  prendre une position claire sur ce dossier ? Cette reconnaissance peut jouer un rĂŽle majeur dans le changement de position des pays membres de l’Union europĂ©enne. Les propos de M. Sanchez Ă©taient clairs quant au soutien de l’Espagne au plan d’autonomie proposĂ© par le Royaume. Ces dĂ©clarations peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme un message clair adressĂ© aux autres pays europĂ©ens encore dans une attitude d’hĂ©sitation et de rĂ©ticence par rapport Ă  ce conflit rĂ©gional, surtout lorsqu’on sait que Madrid a jouĂ© historiquement un rĂŽle important dans la genĂšse de ce problĂšme, dans la mesure oĂč l’Espagne est une ancienne puissance coloniale et un pays frontalier du Maroc. Donc stratĂ©giquement, le changement de position de ce pays contribuera Ă  inciter d’autres pays Ă  faire pareil. L’Espagne agira avec la transparence absolue qui correspond Ă  un grand ami et allié». Je vous assure que l’Espagne tiendra toujours ses engagements et sa parole», a affirmĂ© Pedro SĂĄnchez. Selon vous, l’Espagne a-t-elle enfin rĂ©alisĂ© la gravitĂ© de sa dĂ©marche en accueillant le chef des sĂ©paratistes Ă  l’insu du Maroc ? Bien sĂ»r que l’Espagne a rĂ©alisĂ© la gravitĂ© de sa dĂ©marche et ceci s’est traduit d’abord par la destitution de la ministre des Affaires Ă©trangĂšres qui Ă©tait en grande partie responsable de la crise qui avait Ă©clatĂ© entre les deux pays, il y a prĂšs d’un an. Cette dĂ©cision pouvait dĂ©jĂ  ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un message positif Ă©mis par le gouvernement espagnol envers le Maroc. Ensuite, il faut rappeler le message adressĂ© par le Roi Felipe VI, en janvier 2022 Ă  l’occasion de la ConfĂ©rence des ambassadeurs, Ă  Sa MajestĂ© le Roi Mohammed VI. Le Souverain espagnol avait en effet plaidĂ© pour l’élaboration d’un partenariat original et inĂ©dit. Tous ces messages reprĂ©sentaient les prĂ©mices du rĂ©tablissement des relations entre les deux pays. Le gouvernement de Madrid semble en effet avoir tirĂ© les enseignements d’une erreur qui Ă©tait Ă  mon sens stratĂ©gique, Ă  savoir l’accueil du chef des sĂ©paratistes en mai 2021. Les deux pays sont actuellement en train de recentrer leurs relations sur de bonnes bases, notamment la transparence et le respect des engagements. Je pense mĂȘme que les deux partenaires pourront mettre en place de nouveaux mĂ©canismes de dialogue permanent sur le plan politique, stratĂ©gique et sĂ©curitaire, ce qui pourra donner lieu Ă©ventuellement Ă  l’avenir Ă  la rĂ©vision de l’accord de bon voisinage. Peut-on dire que la fermetĂ© de la diplomatie marocaine a finalement pu imposer le respect des intĂ©rĂȘts supĂ©rieurs du Royaume ? Quelles cartes le Maroc pourrait-il avoir jouĂ© justement pour que l’Espagne dĂ©cide de tenir compte de la sensibilitĂ© de la question du Sahara ? Effectivement, le Maroc a changĂ© depuis longtemps sa politique Ă©trangĂšre pour adopter une dĂ©marche offensive et proactive au lieu de la dĂ©marche conciliante adoptĂ©e auparavant. Et il rĂ©colte aujourd’hui les fruits de cette nouvelle approche. En outre, le Royaume a mis en place un plan de dĂ©veloppement des provinces du Sud qui a rendu ces territoires plus attractifs, ce qui a encouragĂ© plusieurs pays Ă  ouvrir des consulats Ă  LaĂąyoune ou Dakhla. Par ailleurs, la rĂ©intĂ©gration par le Maroc de l’Union africaine lui a donnĂ© plus de visibilitĂ© sur le plan continental et lui a permis de conclure des partenariats avec des pays qui traditionnellement avaient des positions nĂ©gatives vis-Ă -vis de l’intĂ©gritĂ© territoriale du Royaume, notamment le Nigeria et l’Éthiopie. Tout cela a fait que le pouvoir de nĂ©gociation du Royaume est plus fort. D’abord, le Maroc jouit d’une position gĂ©opolitique et gĂ©ostratĂ©gique importante. Ensuite, le Royaume est perçu comme Ă©tant un partenaire politique crĂ©dible par plusieurs puissances internationales, notamment les États-Unis et l’Union europĂ©enne. Le Royaume est par ailleurs trĂšs apprĂ©ciĂ© et considĂ©rĂ© pour sa position modĂ©rĂ©e vis-Ă -vis de plusieurs questions sur le plan international. Le Royaume est par ailleurs un pays stable qui sort du lot dans le monde arabe. Tous ces atouts ne peuvent que pousser l’Espagne Ă  reconsidĂ©rer sa position. Yousra Amrani ******************* Chercheuse en relations maroco-espagnoles et ex-directrice de l’Institut d’études hispano-lusophones Fatiha Benlabbah La dĂ©cision du gouvernement espagnol dynamite» les positions maintenues jusqu’à prĂ©sent par les prĂ©cĂ©dentes administrations PP et PSOE La dĂ©cision du gouvernement espagnol d’entamer une nouvelle Ă©tape dans sa relation avec le Maroc en reconnaissant l’importance de la question du Sahara pour le Royaume, ainsi que la proposition marocaine d’autonomie comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible pour la rĂ©solution de ce diffĂ©rend artificiel, a eu l’effet d’une bombe dans la mesure oĂč elle dynamite» les positions maintenues jusqu’à prĂ©sent par les gouvernements espagnols successifs PP et PSOE. Le message adressĂ© par le PrĂ©sident du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, Ă  Sa MajestĂ© le Roi Mohammed VI, rendu public par le Cabinet Royal, annonce une Ă©volution majeure de la position du gouvernement espagnol par rapport Ă  la question du Sahara marocain. C’est un revirement de fond, aprĂšs de longs mois de brouille diplomatique», a dĂ©clarĂ© au Matin» la chercheuse en relations maroco-espagnoles et ex-directrice de l’Institut d’études hispano-lusophones, Fatiha Benlabbah. Madrid a ainsi franchi le pas que le Maroc attendait. La dĂ©termination, la rigueur et l’intransigeance de la diplomatie marocaine sous l’impulsion de le Roi ont donc portĂ© leurs fruits», a soulignĂ© Mme Benlabbah, notant que le communiquĂ© du gouvernement espagnol commence par une prĂ©cision qui mĂ©rite d’ĂȘtre soulignĂ©e ante los comunicados del Palacio Real de Marruecos y del Ministerio de Asuntos Exteriores », c’est-Ă -dire que c’est en rĂ©ponse aux messages du Roi du Maroc et du ministre des Affaires Ă©trangĂšres... que le gouvernement espagnol change sa position sur la question du Sahara et s’engage Ă  soutenir la proposition d’autonomie faite par le Maroc et saluĂ©e par les Nations unies et la majoritĂ© des pays Ă  travers le monde. Ce changement de position du gouvernement espagnol, affirme Mme Benlabbah, intervient aprĂšs une crise diplomatique sans prĂ©cĂ©dent entre Rabat et Madrid, la plus grave jamais enregistrĂ©e au cours des derniĂšres dĂ©cennies, dĂ©clenchĂ©e par un incident qui a rĂ©vĂ©lĂ© aux Marocains toute l’ambiguĂŻtĂ© de la position espagnole sur le dossier du Sahara. Et de poursuivre Le Maroc, faisant suite au message de Pedro Sanchez, dit apprĂ©cier les positions positives et les engagements constructifs de l’Espagne au sujet de la question du Sahara. Madrid a donc dĂ©cidĂ© de passer Ă  une nouvelle phase dans ses relations avec notre pays en reconnaissant l’importance de la question du Sahara pour le Maroc et en considĂ©rant que la proposition marocaine est l’unique solution sĂ©rieuse et viable pour la rĂ©solution de conflit artificiel». La chercheuse, tout en faisant rĂ©fĂ©rence au message de M. Sanchez dans lequel il est dit que les deux pays sont unis inextricablement par des affections, une histoire, une gĂ©ographie, des intĂ©rĂȘts et une amitiĂ© partagĂ©e» et que l’Espagne agira avec la transparence absolue qui correspond Ă  un grand ami et allié» et tiendra toujours ses engagements et sa parole», souligne qu’il s’agit lĂ  du dĂ©but d’un processus dans lequel il faudra mettre en pratique ce qui a Ă©tĂ© convenu, avec confiance et engagement. VoilĂ  donc une dĂ©cision du gouvernement espagnol qui a fait couler beaucoup d’encre, affirme Mme Benlabbah qui, reprenant les termes de la presse espagnole, souligne que cette dĂ©cision a eu l’effet d’une bombe», dans la mesure oĂč elle est venue dynamiter» les positions maintenues jusqu’à prĂ©sent par les gouvernements espagnols successifs PP et PSOE. D’aucuns pensent que Sanchez ne cĂ©derait pas et ne prendrait pas parti pour le Maroc», affirme-t-elle. Cette dĂ©cision a Ă©galement profondĂ©ment bouleversĂ© les ennemis de l’intĂ©gritĂ© territoriale du Royaume qui ne la voyaient pas venir», ajoute la chercheuse, rappelant que pour le Royaume le processus de rĂ©solution de la question du Sahara ne peut qu’aller de l’avant dans le cadre de la souverainetĂ© marocaine, il est au point de non-retour». Et Mme Benlabbah de conclure l’annonce des prochaines visites au Maroc du ministre espagnol des Affaires Ă©trangĂšres, JosĂ© Manuel Albares, et du PrĂ©sident du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, est un signe supplĂ©mentaire de la sortie de crise et du passage Ă  une nouvelle Ă©tape dans les relations entre les deux pays. C’est donc un moment dĂ©cisif un nouveau point de dĂ©part pour des relations plus fortes et une coopĂ©ration stratĂ©gique plus renforcĂ©e, au bĂ©nĂ©fice des peuples marocain et espagnol». n Hicham Oukerzaz ************* Ils ont dĂ©clarĂ©... Isabel Rodriguez, porte-parole du gouvernement espagnol La nouvelle Ă©tape entre l’Espagne et le Maroc, une excellente nouvelle» L’ouverture d’une nouvelle Ă©tape dans les relations entre l’Espagne et le Maroc est une excellente nouvelle», a soulignĂ© la porte-parole du gouvernement espagnol, Isabel Rodriguez. Il faut saluer comme une excellente nouvelle l’ouverture de cette nouvelle Ă©tape dans les relations entre l’Espagne et le Maroc, deux pays voisins unis pas des liens historiques», a affirmĂ© Mme Rodriguez dans un entretien au quotidien La Razon», publiĂ© dimanche. Cette nouvelle Ă©tape garantit la stabilitĂ© nĂ©cessaire 
 et nous apportera des certitudes, tant sur le plan politique que sur celui de ses effets positifs sur le commerce entre l’Espagne et le Maroc», a relevĂ© la responsable espagnole. Nous avons pris des engagements mutuels et nous les avons respectĂ©s parmi eux, l’absence d’actions unilatĂ©rales et le maintien d’une communication fluide et franche afin de continuer Ă  renforcer la gestion des flux migratoires. La clĂ© sera la coopĂ©ration», a-t-elle expliquĂ©. Tout en rĂ©itĂ©rant la position de son pays vis-Ă -vis de la question du Sahara marocain, Mme Rodriguez a fait observer que l’accord entre les deux pays a valeur d’exemple», notamment en cette pĂ©riode de turbulence marquĂ©e par la crise ukrainienne. Dans un Message adressĂ© Ă  le Roi Mohammed VI, le PrĂ©sident du gouvernement espagnol a soulignĂ© que l’Espagne considĂšre l’Initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible pour la rĂ©solution du diffĂ©rend» au sujet du Sahara marocain. Reconnaissant l’importance de la question du Sahara pour le Maroc», le Chef de l’ExĂ©cutif espagnol a mis l’accent sur les efforts sĂ©rieux et crĂ©dibles du Maroc dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution mutuellement acceptable» Ă  ce diffĂ©rend. - Felix Bolanos, ministre de la PrĂ©sidence espagnole L’Espagne et le Maroc s’engagent dans une relation stable et bonne» En reconnaissant la prééminence de l’initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible», l’Espagne veut s’engager avec le Maroc dans une relation stable et bonne», a affirmĂ©, samedi, le ministre de la PrĂ©sidence espagnole, Felix Bolanos. Le monde a besoin de coopĂ©ration entre les pays et de travailler ensemble sur des problĂšmes communs», a fait observer M. Bolanos dans des dĂ©clarations Ă  la presse, assurant que la nouvelle position de son pays sur le Sahara marocain s’inscrit dans cette logique. Dans ce contexte, il a mis en exergue l’importance du Maroc pour l’Espagne, notamment en matiĂšre de coopĂ©ration dans la gestion des flux migratoires et la lutte contre les rĂ©seaux de trafic d’ĂȘtres humains. En ouvrant une nouvelle page dans leur relation bilatĂ©rale, l’Espagne et le Maroc s’engagent Ă  consolider une coopĂ©ration stable et bonne», a-t-il martelĂ©. Vendredi, Pedro Sanchez a adressĂ© un message au Souverain dans lequel il a soulignĂ© que l’Espagne considĂšre l’initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible pour la rĂ©solution du diffĂ©rend» au sujet du Sahara marocain. Reconnaissant l’importance de la question du Sahara pour le Maroc», le Chef de l’ExĂ©cutif espagnol a mis l’accent sur les efforts sĂ©rieux et crĂ©dibles du Maroc dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution mutuellement acceptable» au diffĂ©rend. En rĂ©action au message de Pedro Sanchez, le Maroc a indiquĂ© qu’il apprĂ©ciait hautement les positions positives et les engagements constructifs de l’Espagne au sujet de la question du Sahara marocain. - JosĂ© Luis Rodriguez Zapatero, ancien chef du gouvernement espagnol Le message du PrĂ©sident du gouvernement espagnol Ă  le Roi, judicieux pour asseoir une relation de confiance et de sincĂ©ritĂ© entre Le message adressĂ© Ă  le Roi Mohammed VI par le PrĂ©sident du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, est judicieux pour asseoir une relation de confiance et de sincĂ©rité» entre le Maroc et l’Espagne, a soulignĂ©, samedi, l’ancien chef du gouvernement espagnol, JosĂ© Luis Rodriguez Zapatero. Le message adressĂ© Ă  le Roi Mohammed VI a Ă©tĂ© un message judicieux pour asseoir une relation de confiance sur des bases solides, avec une sincĂ©ritĂ© absolue de la part des deux parties», a affirmĂ© M. Zapatero dans un entretien spĂ©cial diffusĂ© sur les ondes de MĂ©di1 radio». Qualifiant de trĂšs positive» la dĂ©claration du gouvernement espagnol en faveur du plan marocain d’autonomie au Sahara, M. Zapatero a estimĂ© que cette position marque le retour de la bonne relation et de la confiance entre le Maroc et l’Espagne». La position du gouvernement espagnol sur le plan d’autonomie proposĂ© par le Maroc est une position que j’ai dĂ©fendue depuis 2008, quand j’étais le prĂ©sident du gouvernement ... et qui, maintenant, se manifeste Ă  nouveau», a-t-il soutenu, formant le souhait de voir le conflit du Sahara connaĂźtre dans un futur proche une solution ou un accord basĂ© sur le plan marocain d’autonomie». J’ai toujours pensĂ© que la relation avec le Maroc devait se baser sur une confiance, une sincĂ©ritĂ© et une transparence totales en matiĂšre de sĂ©curitĂ©, d’intĂ©gritĂ© territoriale ou d’immigration», a-t-il prĂ©cisĂ©. M. Zapatero a tenu, par ailleurs, Ă  fĂ©liciter les ministĂšres des Affaires Ă©trangĂšres du Maroc et de l’Espagne pour ces rĂ©sultats aprĂšs des mois de diplomatie et de travail discret. Il a mis l’accent sur la nĂ©cessitĂ© pour les deux pays d’avoir une vision tournĂ©e vers l’avenir. Parfois, les crises sont une grande opportunitĂ© pour en sortir renforcé», a-t-il arguĂ©. Pour avancer sur la voie d’une relation de confiance, M. Zapatero a estimĂ© qu’il est impĂ©ratif d’Ɠuvrer dans les domaines de l’économie, de la sĂ©curitĂ© et de la culture. Mettant en avant les liens culturels et linguistiques dans ces moments d’inquiĂ©tudes dans le monde, il a qualifiĂ© de trĂšs positive» cette nouvelle position qui a donnĂ© un nouvel Ă©lan Ă  la diplomatie et Ă  l’amitiĂ© ainsi qu’à l’entente entre deux pays comme l’Espagne et le Maroc. les deux pays» - Julissa Reynoso, ambassadrice des États-Unis en Espagne Le plan d’autonomie marocain raisonnable et viable» L’ambassadrice des États-Unis en Espagne, Julissa Reynoso, a rĂ©affirmĂ© le soutien de son pays Ă  l’initiative marocaine d’autonomie pour le Sahara, la qualifiant de raisonnable et viable». Les États-Unis considĂšrent que le plan marocain d’autonomie pour le Sahara est raisonnable et viable», a soulignĂ© Mme Reynoso qui Ă©tait l’invitĂ©e d’une Ă©mission, samedi soir, sur la radio espagnole Cadena Ser». Les États-Unis plaident pour cette solution lors des contacts avec les parties concernĂ©es», a fait savoir la diplomate, ancienne conseillĂšre du PrĂ©sident amĂ©ricain Joe Biden. Nous soutenons le processus impulsĂ© par les Nations unies pour rĂ©soudre ce diffĂ©rend et nous appuyons l’initiative du Maroc», a relevĂ© Mme Reynoso. La diplomate amĂ©ricaine est intervenue sur les ondes de la radio espagnole suite Ă  la dĂ©cision de Madrid de reconnaĂźtre l’initiative marocaine d’autonomie comme Ă©tant la seule solution sĂ©rieuse, rĂ©aliste et viable pour rĂ©soudre le diffĂ©rend rĂ©gional sur le Sahara marocain. Samedi, un porte-parole du dĂ©partement d’État amĂ©ricain a prĂ©cisĂ© aux agences de presse espagnoles EFE» et Europa press» que Washington partage la position de l’Espagne sur la question du Sahara marocain. Nous continuons Ă  considĂ©rer le plan d’autonomie prĂ©sentĂ© par le Maroc comme sĂ©rieux, crĂ©dible et rĂ©aliste» et qui a un potentiel clair pour rĂ©pondre aux aspirations des populations de la rĂ©gion, a-t-il dĂ©clarĂ©. - Aymeric Chauprade, gĂ©opolitologue français Le soutien espagnol Ă  l’autonomie, fruit de la politique sage et en mĂȘme temps ferme de le Roi Le soutien par le gouvernement espagnol de l’initiative d’autonomie du Sahara marocain comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible» pour la rĂ©solution du diffĂ©rend au sujet du Sahara marocain est le fruit de la politique sage et Ă  la fois ferme de le Roi Mohammed VI, affirme le gĂ©opolitologue français Aymeric Chauprade. Le Souverain a toujours Ă©tĂ© d’une fermetĂ© sans faille s’agissant de l’intĂ©gritĂ© territoriale du Maroc et donc de sa souverainetĂ© sur le Sahara marocain. Cette ligne claire paie aujourd’hui», affirme-t-il dans une dĂ©claration Ă  la MAP. L’Espagne considĂšre donc dĂ©sormais que l’autonomie dans la souverainetĂ© est la meilleure solution pour en finir avec le diffĂ©rend autour du Sahara marocain. C’en est fini de cette non-position qui consistait ... Ă  s’abriter derriĂšre une solution politique dans le cadre des Nations unies tout en maintenant de maniĂšre cachĂ©e des relations avec le polisario», relĂšve-t-il. L’Espagne rejoint ainsi la France et l’Allemagne qui ont publiquement affirmĂ© leur soutien au plan d’autonomie proposĂ© par le Maroc, rappelle le gĂ©opolitologue, qualifiant la nouvelle position espagnole de retournement spectaculaire de l’Histoire aprĂšs l’erreur que l’Espagne avait commise dans le dos du Maroc en cachant un criminel du polisario». À ses yeux, ce changement de position constitue Ă©galement une grande victoire, Ă  la fois pour le Roi Mohammed VI et la diplomatie marocaine et pour la raison et la sagesse», note-t-il, faisant observer ainsi que l’Espagne renonce Ă  ce qui pouvait apparaĂźtre comme une position du passĂ©, dĂ©coulant de l’ancienne domination espagnole sur cette rĂ©gion, au profit d’une relation constructive avec son voisin marocain dans laquelle les deux pays riverains ont tout Ă  gagner. Et de poursuivre que l’Espagne et le Maroc ont tellement Ă  bĂątir ensemble en termes de sĂ©curitĂ© rĂ©gionale, de flux migratoires, de sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique, maritime etc. Le gĂ©opolitologue français rappelle en ce sens la reconnaissance par les États-Unis d’AmĂ©rique de la marocanitĂ© du Sahara, estimant qu’elle montre le chemin que doit emprunter l’Europe. La France, l’Allemagne et maintenant l’Espagne soutiennent le plan marocain de l’autonomie dans la souverainetĂ©. Autrement dit, deux partenaires historiques et Ă©conomiques europĂ©ens importants du Maroc et un pays essentiel dans l’UE l’Allemagne. Comment les autres membres de l’UE ne pourraient pas suivre ?» s’interroge Aymeric Chauprade. Rappelant Ă  cet Ă©gard son ouvrage paru en 2019 GĂ©opolitique d’un Roi, essai sur un Maroc moderne et multipolaire», dans lequel il insiste sur ce dĂ©ploiement multipolaire du Royaume, un pays qui, certes, maintient et consolide des relations fortes avec le monde occidental Europe et États-Unis, mais a su se diversifier et se dĂ©ployer aussi vers l’Asie, l’Afrique, l’AmĂ©rique latine, le gĂ©opolitologue souligne que cette politique multipolaire est rĂ©compensĂ©e aujourd’hui au cƓur mĂȘme de l’Union europĂ©enne». De plus en plus de pays europĂ©ens savent que le Maroc est un acteur Ă©mergent sur la scĂšne internationale, une puissance de mĂ©diation. Pourquoi dĂšs lors continuer Ă  tourmenter cette puissance en entretenant un conflit artificiel en son Sud ? se demande-t-il. - Ilan Berman, analyste amĂ©ricain La dĂ©cision de l’Espagne traduit la reconnaissance internationale croissante» des droits lĂ©gitimes du Maroc Le soutien apportĂ© par l’Espagne au plan marocain d’autonomie comme Ă©tant la solution la plus sĂ©rieuse et crĂ©dible pour clore le diffĂ©rend rĂ©gional sur le Sahara traduit la reconnaissance croissante de la communautĂ© internationale de la lĂ©gitimité» des droits du Maroc, a indiquĂ© le vice-prĂ©sident de l’American Foreign Policy Council Ă  Washington, Ilan Berman. La dĂ©cision de l’Espagne est capitale pour deux raisons», a expliquĂ©, dans une dĂ©claration Ă  la MAP, ce spĂ©cialiste des relations internationales et des questions de sĂ©curitĂ©, en rĂ©action Ă  la teneur du message adressĂ© Ă  le Roi Mohammed VI par le PrĂ©sident du gouvernement espagnol, Pedro SĂĄnchez, dans lequel il a affirmĂ© que l’Espagne considĂšre l’initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible pour la rĂ©solution du diffĂ©rend» au sujet du Sahara marocain. PremiĂšrement, cela marque une sorte de “rĂ©initialisation” des relations entre Madrid et Rabat, ce qui Ă©tait indispensable, compte tenu de la proximitĂ© gĂ©ographique des deux pays et de leur importance l’un pour l’autre», a prĂ©cisĂ© M. Berman. Selon cet ancien conseiller des dĂ©partements d’État et de la DĂ©fense des États-Unis, la deuxiĂšme raison qui explique l’importance de la nouvelle position espagnole est qu’elle reflĂšte une reconnaissance croissante de la part de la communautĂ© internationale de la lĂ©gitimité» des droits du Maroc sur le Sahara ainsi que de l’importance de l’initiative d’autonomie comme Ă©tant la seule solution viable Ă  un problĂšme de longue date». Les implications d’une telle dĂ©cision sont importantes», a tenu Ă  relever cet auteur d’une sĂ©rie d’ouvrages sur les questions internationales. Avec cette dĂ©cision, le gouvernement espagnol signale qu’il veut ouvrir une nouvelle Ăšre dans les relations bilatĂ©rales et qu’il considĂšre le Royaume comme un acteur politique clĂ© et un pourvoyeur de sĂ©curitĂ© sur le continent africain», a dit l’analyste et contributeur dans diffĂ©rentes publications spĂ©cialisĂ©es. - Crispiano Adames Navarro, prĂ©sident de l’AssemblĂ©e nationale du Panama La dĂ©cision de l’Espagne favorise une solution dĂ©finitive La dĂ©cision de l’Espagne de reconnaĂźtre l’initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible» pour rĂ©soudre le diffĂ©rend autour du Sahara est susceptible de favoriser une solution dĂ©finitive qui prĂ©serve la paix et l’intĂ©gritĂ© nationale», a indiquĂ© le prĂ©sident l’AssemblĂ©e nationale du Panama, Crispiano Adames Navarro. L’initiative marocaine d’autonomie constitue le cadre le plus objectif, responsable, rĂ©aliste et pertinent en vue de solutions qui prĂ©servent la paix et l’intĂ©gritĂ© nationale, conformĂ©ment au droit international», Ă©crit M. Adames Navarro dans une rĂ©action publiĂ©e sur le compte Twitter de l’AssemblĂ©e nationale du pays caribĂ©en. Et d’ajouter qu’en tant que prĂ©sident de l’AssemblĂ©e nationale panamĂ©enne, il fĂ©licite et est fier de la position rĂ©cente de l’Espagne, en rĂ©ponse Ă  l’initiative du Royaume du Maroc, en 2007, pour rĂ©soudre le diffĂ©rend du Sahara». Dans un message adressĂ© Ă  le Roi Mohammed VI, le PrĂ©sident du gouvernement espagnol, Pedro SĂĄnchez, a soulignĂ© que l’Espagne considĂšre l’Initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sĂ©rieuse, rĂ©aliste et crĂ©dible pour la rĂ©solution du diffĂ©rend» au sujet du Sahara marocain. Lepoint sur l’invasion russe de l’Ukraine . L’offensive russe dans le Donbass (est), qui progresse « lentement », en raison de la rĂ©sistance acharnĂ©e des Ukrainiens, a pris du retard

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Enraison de l’importance de la faute, le Conseil a adressĂ© un blĂąme Ă  la journaliste Kathleen LĂ©vesque et au quotidien La Presse. Martineau : comparer le port du voile Ă  celui de l’étoile jaune Ă©tait irresponsable D2013-10-044 : M. Michel Jean, M. Dany Harvey et Mme Leila Khellef c. M. Richard Martineau, journaliste, M. Dany Doucet, rĂ©dacteur en chef et le quotidien Le Journal De prime abord, je dois avouer que je ne prĂ©tends nullement Ă  une objectivitĂ© totale, mais j’ai essayĂ©, dans ce qui va suivre, de m’appuyer, autant que faire se peut, sur des Ă©lĂ©ments tangibles et objectifs. En premier lieu, il convient de souligner que c’est bien IsraĂ«l, en rĂ©alitĂ©, qui a créé le Hamas, en pensant comme l’assure Zeev Sternell, historien et Professeur Ă  l’universitĂ© hĂ©braĂŻque de JĂ©rusalem que c’était intelligent de jouer les islamistes contre l’OLP ». En effet l’histoire du Hamas a commencĂ© au dĂ©but des annĂ©es soixante-dix, quand Ahmed Yassine, de retour du Caire, fonde une association islamique de bienfaisance, et ce bien avant la crĂ©ation du Hamas lui-mĂȘme, en 1987. Golda Meir, alors premier ministre, Ă©tait la premiĂšre Ă  percevoir dans ce mouvement un contrepoids efficace au Fatah d’Arafat et aux autres organisations palestiniennes de gauche. D’ailleurs, l’hebdomadaire israĂ©lien, Koteret Rashit Ă©crivait en octobre 1987 cf., le quotidien le Monde du 18 novembre 1987 Le gouvernement militaire en charge de l’administration de la Cisjordanie et de Gaza Ă©tait convaincu que ces activitĂ©s les activitĂ©s de ladite association crĂ©ation d’orphelinats, de dispensaires, d’une UniversitĂ© Islamique Ă  Gaza, en 1978, 
 mise en place d’un rĂ©seau scolaire, d’ateliers de confections pour l’emploi des femmes,
 affaibliraient l’OLP et les organisations de gauche Ă  Gaza ». La premiĂšre Intifada, qui a dĂ©butĂ© en octobre 1987, a pris au dĂ©pourvu le mouvement islamiste d’Ahmed Yassine et a Ă©tĂ© l’un des Ă©lĂ©ments moteur qui a conduit ce mouvement Ă  prendre le train de la rĂ©sistance » Ă  IsraĂ«l en marche, et ce en crĂ©ant, le 14 dĂ©cembre 1987, sans ĂȘtre inquiĂ©tĂ© par le gouvernement militaire, le Hamas acronyme partiel de l’expression Mouvement de la rĂ©sistance islamique » en arabe. Initialement, le Hamas a dĂ©clarĂ© dans sa Charte que son but essentiel est la LibĂ©ration de la Palestine » historique le territoire actuel composĂ© de l’État d’IsraĂ«l, la Cisjordanie et la Bande de Gaza. On peut, d’abord, considĂ©rer cette DĂ©claration comme Ă©tant un des principaux arguments qui ont servi le plus IsraĂ«l pour s’opposer Ă  tout traitĂ© de paix qui ne soit pas une Pax israelia » et qui l’ont conduit Ă  ĂȘtre tolĂ©rant envers le Hamas, tant qu’il ne l’abandonne pas. Et c’est ainsi, grĂące Ă  la bĂ©nĂ©diction d’IsraĂ«l, que les islamistes ont pu tisser, calmement, leur toile, au prix d’une rĂ©pression impitoyable frappant les militants du Fatah et de la gauche palestinienne. Se nourrissant des Ă©checs successifs du processus de paix, Ă©checs auxquels il a contribuĂ© , indirectement, de concert avec IsraĂ«l IsraĂ«l qui multiplie les entraves Ă  l’application des accords d’Oslo et qui refuse d’appliquer les rĂ©solutions de l’ONU ou toute autre feuille de route », et le Hamas qui continue Ă  prĂŽner la LibĂ©ration de la Palestine historique, le Hamas a pu prospĂ©rer » avant de prendre le pouvoir Ă  Gaza en juin 2007. On peut, aussi, considĂ©rer que c’est l’abandon de ladite DĂ©claration par le Hamas, en 2006, qui a conduit IsraĂ«l, se trouvant dans la position de l’arroseur arrosĂ©, Ă  abandonner son alliĂ© implicite dans sa farouche opposition Ă  la conclusion d’un TraitĂ© de Paix des Braves. En effet, Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas, a dĂ©clarĂ© dans le Monde Diplomatique du 22 dĂ©cembre 2008 Le Hamas et les forces palestiniennes ont offert une occasion en or d’apporter une solution raisonnable au conflit israĂ©lo-arabe. Malheureusement, personne ne s’en est saisi, ni l’administration amĂ©ricaine, ni l’Europe, ni le Quartet. Notre bonne volontĂ© s’est heurtĂ©e au refus israĂ©lien que personne n’a la capacitĂ© ou la volontĂ© de surmonter. Dans le document d’entente nationale de 2006 signĂ© avec toutes les forces palestiniennes Ă  l’exception du Jihad islamique, nous affirmons notre acceptation d’un Etat palestinien dans les frontiĂšres du 4 juin 1967, avec JĂ©rusalem comme capitale ». En outre Khaled Mechaal a dĂ©clarĂ©, en fĂ©vrier 2006 Ă  un journal russe Si IsraĂ«l reconnait nos droits et s’engage Ă  se retirer de tous les territoires occupĂ©s en 1967, le Hamas, et avec lui l’ensemble du peuple palestinien, dĂ©cideront de mettre un terme Ă  la rĂ©sistance armĂ©e ». Enfin, en dĂ©cembre 2008, quelques jours avant la meurtriĂšre offensive israĂ©lienne Plomb Durci » dans la Bande de Gaza, le mĂȘme dirigeant du Hamas, Khaled Machaal, a dĂ©clarĂ© Nous avons une position de rĂ©serve par rapport Ă  la reconnaissance d’IsraĂ«l. Mais, malgrĂ© cela, nous avons dit que nous ne serions pas un obstacle aux actions arabes pour la mise en Ɠuvre de l’initiative arabe de 2002 celle-ci propose Ă  IsraĂ«l une reconnaissance globale en Ă©change de la fin de l’occupation IsraĂ©lienne de JĂ©rusalem Est, de la Cisjordanie, du Golan et des fermes de Cheeba. Les Arabes ont multipliĂ© les initiatives. Ils ont renouvelĂ© leur proposition en 2007. Et, malgrĂ© cela, la direction israĂ©lienne refuse l’initiative de paix arabe, elle la dĂ©coupe en parties, elle joue sur les mots, elle multiplie les manƓuvres ». Aussi, continuer Ă  proclamer, aujourd’hui, que le Hamas prĂŽne la destruction de l’Etat d’IsraĂ«l relĂšve de l’intox et de la dĂ©sinformation dont le seul but est de justifier la farouche opposition de la direction israĂ©lienne actuelle Ă  tout traitĂ© de paix qui ne soit pas une Pax israelia ». La StratĂ©gie israĂ©lienne a connu un premier revers au Liban en 2006, un second Ă  Gaza, en janvier 2009, et un troisiĂšme, tout rĂ©cemment, suite au massacre subi, le 31 mai 2010, par la Flottille de la Paix » de la part de la Marine IsraĂ©lienne. Ce dernier revers sonne comme Ă©tant le dĂ©but de la fin de l’impunitĂ© d’IsraĂ«l, impunitĂ© qui a fait repousser toutes les opportunitĂ©s de paix IsraĂ«l, Ă©tant au dessus des lois, n’était prĂȘt qu’à signer une Pax israelia », Ă  sa pointure, que le peuple palestinien doit accepter sans conditions. En outre, Ă  dĂ©faut d’acheminer sa cargaison Ă  bon port, la Flottille de la Paix », avec le massacre qu’elle a subi, a ouvert une importante brĂšche dans la stratĂ©gie israĂ©lienne, dans laquelle s’est glissĂ©e l’administration amĂ©ricaine, en conduisant la communautĂ© internationale Ă  dĂ©noncer, rigoureusement et d’une seule voix, le blocus de Gaza, en vigueur depuis 2007, et ses tragĂ©dies humanitaires insupportables. La question qui s’impose, devant le massacre subi par la Flottille de la Paix » et devant les souffrances du peuple palestinien, qui perdurent depuis plus de six dĂ©cennies, est de se demander comment se fait-il qu’un peuple qui a subi la barbarie nazie la plus atroce peut se montrer aussi cruel envers un autre peuple ? Je suis sĂ»r que ce qui se passe, aujourd’hui, sur la Terre de Palestine doit indigner ces millions d’innocentes victimes de la Shoa qui nous regardent de lĂ -haut ou de quelque part ! Dans ce cadre, le quotidien Haaretz troisiĂšme quotidien d’IsraĂ«l n’a pas hĂ©sitĂ©, moins de deux semaines avant le drame de la Flottille de la Paix, Ă  Ă©crire, sous la plume de Bradley Burston, que certaines dĂ©cisions du gouvernement israĂ©lien d’aujourd’hui sont dignes d’un Ă©tat fasciste Que tous ces Ă©vĂ©nements puissent conduire tous ceux qui partagent la devise MĂȘme quand IsraĂ«l a tort, IsraĂ«l a raison », et dont le cerveau bogue dĂšs qu’il est question d’IsraĂ«l, Ă  se rendre compte qu’IsraĂ«l ne peut plus continuer longtemps Ă  rester sourd aux injonctions du Droit International, que le temps est comptĂ©, que le vent tourne, et qu’ĂȘtre raisonnable se conjugue, aussi, en hĂ©breu et se trouve au centre de la Sagesse Talmudique. Que ce qui s’est passĂ© ce 31 mai puisse prĂ©cipiter les pourparlers israĂ©lo-palestiniens, ĂȘtre les prĂ©misses de la fondation d’un État palestinien, indĂ©pendant et prospĂšre, de la conclusion d’une Paix des braves entre tous les belligĂ©rants de la rĂ©gion, de la transformation de JĂ©rusalem la Sainte El-QĆ«ds, aprĂšs avoir Ă©tĂ©, de tous les temps, le terrain d’affrontement et de dĂ©chirement de toutes les croyances et de tous les empires, en un terrain de la concorde de toutes les spiritualitĂ©s, avec, en premier, celles des descendants des enfants d’Abraham. HORCHANI Salah
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Ilvaut mieux se rĂ©fĂ©rer la la thĂšse de doctorat de LeĂŻla Qadr (Les trois visages du Coran) qui est plus prĂ©cise. Reste que le Coran Ă©tait loin d’ĂȘtre finalisĂ© au 8Ăšme siĂšcle et le
RĂ©sumĂ© Tu nies les calomnies et les accusations absurdes, une par une
 Tu te dĂ©fends contre les coups bas, l’un aprĂšs l’autre
 Tu parles, parles et parles encore. Mais Ă  la fin, d’une maniĂšre ou d’une autre, ils t’auront. » - Omar Radi, journaliste Le journaliste indĂ©pendant Omar Radi, 33 ans, avait l'air un peu fatiguĂ© ce 15 juillet 2020, pendant son entretien avec Human Rights Watch sur la terrasse d'un cafĂ© Ă  Rabat. Radi sortait tout juste d'une confĂ©rence de presse pendant laquelle, assistĂ© de son avocat, il avait rĂ©futĂ© les multiples accusations portĂ©es contre lui par un procureur, la police judiciaire et les mĂ©dias alignĂ©s sur l'État au cours des mois prĂ©cĂ©dents partage de renseignements avec des gouvernements, des entreprises et des organisations Ă©trangers, atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure et extĂ©rieure de l'État, ivresse sur la voie publique
 La liste ne cessait de s'allonger. [1] La fatigue de Radi pourrait Ă©galement s’expliquer par les cinq sĂ©ances d'interrogatoires-marathon par la police – environ neuf heures chacune – qu'il avait subies au cours des deux semaines prĂ©cĂ©dentes. Je dois mettre fin Ă  cet entretien », s'est-il excusĂ©. Il faut que je retourne aux locaux de la police, tout de suite, pour une nouvelle sĂ©ance d'interrogatoire. » Six autres allaient suivre dans les deux semaines suivantes. La police a fini par arrĂȘter Radi le 29 juillet 2020. Il passera un an en dĂ©tention prĂ©ventive, avant qu'un tribunal ne le dĂ©clare coupable, le 19 juillet 2021 – non seulement pour les accusations initiales d'espionnage, mais Ă©galement pour attentat Ă  la pudeur et viol – et ne le condamne Ă  six ans de prison. La peine sera confirmĂ©e en appel le 3 mars 2022. Radi est toujours en prison Ă  l’heure oĂč ces lignes sont Ă©crites. Omar Radi est un journaliste d'investigation. Il s'est fait connaĂźtre au dĂ©but des annĂ©es 2010, aprĂšs avoir dĂ©noncĂ© la vaste corruption de l'État dans les secteurs des ressources naturelles et de l'immobilier[2]. Il a dĂ©fendu les manifestants descendus dans la rue pour revendiquer leurs droits sociaux et Ă©conomiques dans la rĂ©gion du Rif, au nord du Maroc. Il s’est Ă©galement fait remarquer par des propos incendiaires tenus lors d'un talk-show en 2018, restĂ© dans les mĂ©moires Le ministĂšre de l'IntĂ©rieur, qui a abritĂ© la plus grande opĂ©ration de corruption jamais organisĂ©e au Maroc, devrait ĂȘtre dissous. »[3] Avant que Radi ne soit arrĂȘtĂ© puis condamnĂ© en 2021, il avait Ă©tĂ© dĂ©tenu, jugĂ© et condamnĂ© pour un tweet, son smartphone avait Ă©tĂ© infectĂ© par un logiciel espion, et des mĂ©dias alignĂ©s sur l’État l’avaient pilonnĂ© par des centaines d’articles diffamatoires. En 2019, il avait mĂȘme subi une agression physique d’origine douteuse sur laquelle la police, malgrĂ© ses promesses, n'avait apparemment jamais enquĂȘtĂ©. ProcĂšs pour dĂ©lits d’expression, poursuites pĂ©nales Au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies, Human Rights Watch et d'autres organisations de dĂ©fense des droits humains ont documentĂ© la maniĂšre dont les tribunaux marocains ont condamnĂ© des dizaines de journalistes et d’activistes ; et comment ils ont fermĂ©, condamnĂ© Ă  de lourdes amendes ou sanctionnĂ© de diverses façons les mĂ©dias indĂ©pendants pour publication de fausses nouvelles », insultes » ou diffamation » d’autoritĂ©s locales, d’organes officiels ou de chefs d'État Ă©trangers, ainsi que pour atteinte » Ă  la sĂ©curitĂ© de l'État ou Ă  l'institution monarchique.[4] Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, d’Est en Ouest, les journalistes critiques, commentateurs sur Internet ou simples manifestants sont encore couramment punis par des procĂšs d’opinion, dont le principe mĂȘme viole clairement le droit Ă  la libertĂ© d'expression. Le Maroc ne fait pas exception. En 2021 et 2022, les commentateurs sur les mĂ©dias sociaux Chafik Omerani, Mustapha Semlali, Jamila Saadane, Ikram Nazih, Saida El-Alami et Rabie al-Ablaq, ainsi que le manifestant Noureddine Aouaj, ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  des peines de prison fermes, simplement pour avoir critiquĂ© pacifiquement des personnalitĂ©s publiques. ParallĂšlement Ă  ces poursuites pour dĂ©lits d'expression, les autoritĂ©s marocaines, depuis le milieu des annĂ©es 2010, ont de plus en plus souvent accusĂ© et poursuivi des journalistes et des activistes Ă©minents pour des crimes autres que d'expression – notamment pour des relations sexuelles consensuelles, mais hors du mariage, seul cadre lĂ©galement admis pour les relations intimes au Maroc. Puis, vers la fin des annĂ©es 2010, les autoritĂ©s ont commencĂ© Ă  poursuivre leurs dĂ©tracteurs les plus cĂ©lĂšbres pour d’autres types de crimes, grĂąces et reconnus par le droit international, ceux-lĂ  blanchiment d'argent, espionnage, viol, agression sexuelle
 et mĂȘme traite d’ĂȘtres humains. Selon l'historien et militant de la libertĂ© d'expression Maati Monjib, emprisonnĂ© pendant trois mois en 2021 pour blanchiment d'argent, les procĂšs politiques d’autrefois donnaient du prestige aux dissidents [marocains], faisaient d’eux des hĂ©ros, mobilisaient l'opinion publique autour d'eux. Les dĂ©signer comme des traĂźtres, des voleurs et des violeurs est la meilleure façon de les rĂ©duire au silence. »[5] Assassinat symbolique » Par principe, les crimes graves tels que les agressions sexuelles ou les dĂ©lits financiers doivent faire l'objet d'enquĂȘtes sans discrimination, et les responsables ĂȘtre traduits en justice et sanctionnĂ©s, Ă  l'issue de procĂšs Ă©quitables tant pour les plaignants que pour les accusĂ©s. Mais pendant son examen approfondi de 12 affaires judiciaires de ce type au Maroc, impliquant des opposants de l’Etat, Human Rights Watch a constatĂ© que les autoritĂ©s ne cessaient de violer les droits des accusĂ©s, et de maniĂšre gĂ©nĂ©rale leur droit Ă  un procĂšs Ă©quitable. Dans leur quĂȘte agressive pour condamner des opposants en vertus d’infractions graves, les autoritĂ©s ont, de plus, violĂ© les droits de leurs connaissances, partenaires et familles
 et mĂȘme ceux des personnes que les autoritĂ©s prĂ©tendaient ĂȘtre leurs victimes. Par exemple, Afaf Bernani, une employĂ©e de journal devenue activiste, a fui le Maroc aprĂšs avoir Ă©tĂ© condamnĂ©e en 2018 pour propos mensongers », parce qu’elle avait accusĂ© la police d'avoir falsifiĂ© un PV d’interrogatoire dans lequel elle semblait affirmer que son ancien patron, l’éditeur d’un journal d’opposition Taoufik Bouachrine, l'avait agressĂ©e sexuellement. Niant avoir jamais portĂ© une telle accusation contre Bouachrine, elle a dĂ©clarĂ© Ă  un journaliste Les autoritĂ©s marocaines ont compris qu'accuser quelqu'un d'un crime sexuel est un assassinat symbolique » efficace. Cela dĂ©pouille leurs cibles de la solidaritĂ© internationale et en fait des parias dans leurs propres communautĂ©s, rejetĂ©s par leurs amis et leurs familles qui sont soit gĂȘnĂ©s, soit effrayĂ©s d’ĂȘtre associĂ©s Ă  eux. »[6] Les poursuites contre Bouachrine, qui purge une peine de 15 ans de prison depuis 2019, tout comme celles contre Omar Radi, Maati Monjib, Soulaiman Raissouni et d'autres dĂ©tracteurs virulents du systĂšme monarchique marocain actuel, ne peuvent qualifiĂ©es d’emblĂ©e d’attaques contre la libertĂ© d'expression par un gouvernement rĂ©pressif. IndĂ©pendamment des professions et des statuts sociaux des accusĂ©s, de telles accusations doivent toujours ĂȘtre prises au sĂ©rieux. Ce rapport cherche Ă  examiner la maniĂšre dont les autoritĂ©s ont enquĂȘtĂ© sur ces affaires, les faits sur lesquels les accusations Ă©taient basĂ©es, et les procĂ©dures judiciaires par lesquelles elles ont Ă©tĂ© jugĂ©es. AprĂšs avoir Ă©tudiĂ© huit cas impliquant 12 procĂšs, dans lesquelles environ 20 militants ou journalistes Ă©taient impliquĂ©s Ă  diffĂ©rents titres, ainsi que les attaques contre eux par un groupe de mĂ©dias manifestement Ă©troitement alignĂ©s sur l'establishment sĂ©curitaire marocain, Human Rights Watch conclut dans ce rapport que les autoritĂ©s marocaines ont dĂ©veloppĂ© et affinĂ© tout un manuel de techniques pour museler les opposants, tout en prĂ©tendant simplement appliquer la loi contre eux de maniĂšre neutre. Ce faisant, les autoritĂ©s ont violĂ© une longue liste de droits, notamment les droits Ă  la vie privĂ©e, Ă  la santĂ©, Ă  la sĂ©curitĂ© physique, Ă  la propriĂ©tĂ©, et le droit Ă  un procĂšs Ă©quitable – tout en transformant des procĂ©dures pour crimes graves tels que le viol, le dĂ©tournement de fonds ou l’espionnage, en parodies de procĂšs. Le diable est dans les dĂ©tails Dans deux des affaires examinĂ©es par ce rapport, les tribunaux ont prononcĂ© des condamnations en vertus d’accusations contraires au droit international des droits humains. Dans un cas, un tribunal a condamnĂ© la journaliste Hajar Raissouni pour avoir eu des relations sexuelles hors mariage avec son fiancĂ© et un avortement illĂ©gal. Dans l’autre, un tribunal a condamnĂ© le journaliste Hicham Mansouri pour complicitĂ© d'adultĂšre avec une femme mariĂ©e, elle aussi condamnĂ©e. Ces accusations de relations sexuelles extraconjugales et d’avortement violent des droits fondamentaux tels que le droit Ă  la vie privĂ©e, Ă  la santĂ©, et Ă  la non-discrimination. Le Maroc devrait supprimer ces crimes de son code pĂ©nal et abandonner immĂ©diatement toutes les poursuites sous de tels chefs d'accusation. Dans d’autres autres affaires judiciaires, qui se sont toutes dĂ©roulĂ©es aprĂšs celles de Mansouri et de Raissouni, des journalistes et des activistes ont Ă©tĂ© accusĂ©s d'infractions sexuelles ou financiĂšres universellement criminalisĂ©es – des accusations desquelles personne ne devrait ĂȘtre Ă  l'abri. Cependant, toute action policiĂšre ou judiciaire dans de tels cas doit ĂȘtre Ă©quitable, non-discriminatoire , et conforme aux normes internationales. Pour comprendre comment les autoritĂ©s marocaines Ă©crasent et musĂšlent l’opposition, il faut garder en tĂȘte un principe-clĂ© le diable est dans les dĂ©tails. Pour comprendre pourquoi les poursuites contre des opposants sont souvent des attaques politiques dĂ©guisĂ©es, il est nĂ©cessaire d'examiner une par une les failles procĂ©durales qui entachent le traitement de ces affaires, tant dans leurs phases policiĂšres que dans leurs phases judiciaires. MĂȘme quand les accusations criminelles Ă©taient graves, le traitement de l'affaire a donnĂ© l'impression, de fait, que les autoritĂ©s ne prenaient pas ces crimes au sĂ©rieux. La violence sexuelle est un problĂšme grave au Maroc – il est important que les autoritĂ©s combattent la violence sexuelle de maniĂšre appropriĂ©e et cohĂ©rente, en respectant les droits de la personne plaignante tout comme ceux de la personne accusĂ©e. Les outils que l’État utilise pour rĂ©primer ses dĂ©tracteurs les plus virulents et intimider tous les autres sont nombreux et variĂ©s surveillance physique et Ă©lectronique, incarcĂ©rations abusives, procĂšs biaisĂ©s conclus par des verdicts injustes, campagnes de diffamation dans des mĂ©dias alignĂ©s sur l'État, ciblage des membres de la famille ou de proches des dĂ©tracteurs, tout comme, apparemment, le recours occasionnel Ă  l'intimidation et Ă  la violence physique
 Ces outils, mis bout-Ă -bout, forment un manuel des techniques employĂ©es au Maroc pour Ă©craser l’opposition. En voici les chapitres principaux ProcĂ©dures judiciaires inĂ©quitables Au Maroc, les procĂšs ciblant des opposants sont souvent entachĂ©s de graves violations du droit Ă  une procĂ©dure rĂ©guliĂšre et Ă©quitable. PremiĂšre de ces violations les dĂ©tentions provisoires prolongĂ©es sans justification individualisĂ©e. Les normes internationales exigent qu'un magistrat rendant une ordonnance de dĂ©tention provisoire justifie sa dĂ©cision par Ă©crit, en exposant les motifs individualisĂ©s de cette mesure – qui devrait constituer l’exception et non la rĂšgle – et que l'ordonnance fasse l'objet d’un examen judiciaire significatif immĂ©diat, puis pĂ©riodique, par un juge ou un tribunal indĂ©pendant du magistrat qui a rendu l'ordonnance. Cependant, aucune justification de ce type n'a Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©e dans les affaires des journalistes Omar Radi et Soulaiman Raissouni, qui ont tous les deux passĂ© un an en dĂ©tention provisoire, soit la durĂ©e maximale prĂ©vue par la lĂ©gislation marocaine. Des juges ont Ă©galement empĂȘchĂ© les opposants emprisonnĂ©s d'accĂ©der Ă  leurs dossiers et de prĂ©parer ainsi leur dĂ©fense de maniĂšre adĂ©quate. Radi et Raissouni n'ont eu accĂšs Ă  leurs dossiers qu'aprĂšs le dĂ©but de leurs procĂšs. L’activiste Maati Monjib a Ă©tĂ© maintenu en dĂ©tention provisoire pendant trois mois alors qu'il faisait l'objet d'une enquĂȘte pour dĂ©tournement de fonds, mais il n'a jamais Ă©tĂ© autorisĂ© Ă  accĂ©der Ă  son dossier. L'affaire qui s'est ouverte en septembre 2020 est toujours en cours, et en juillet 2022, Monjib n'a toujours pas eu accĂšs Ă  son dossier. Les tribunaux ont Ă©galement frĂ©quemment refusĂ© de convoquer les tĂ©moins requis par la dĂ©fense, sans fournir de justifications raisonnables pour leur refus. Le tribunal de premiĂšre instance de Casablanca a ainsi rejetĂ© un tĂ©moin clĂ© dans l'affaire d'espionnage de Radi, arguant que l'entendre aurait [inutilement] prolongĂ© le procĂšs ». Les tribunaux ont Ă©galement contraint des individus Ă  tĂ©moigner en faveur de l'accusation, mĂȘme quand ils s’y refusaient avec vĂ©hĂ©mence. Dans le procĂšs pour viol du patron de presse d’opposition Taoufik Bouachrine, la police a exercĂ© d'intenses pressions sur les journalistes Hanan Bakour, Afaf Bernani et Amal Houari pour qu'elles tĂ©moignent contre Bouachrine – mĂȘme si elles ne l’accusaient de rien, et mĂȘme si elles avaient dĂ©clarĂ© aux magistrats et Ă  la presse qu’elles refusaient toute implication dans son procĂšs, Ă  quelque titre que ce soit. Les trois femmes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es et conduites au tribunal par la force. Houari et Bernani ont par la suite Ă©tĂ© condamnĂ©es, respectivement pour refus de coopĂ©ration avec la justice, et pour avoir diffamĂ© la police ». Bernani a fui le Maroc pour Ă©chapper Ă  la prison, et se trouve toujours Ă  l'Ă©tranger. Des tribunaux ont Ă©galement condamnĂ© des opposants en leur absence
 alors mĂȘme qu’ils Ă©taient en prison pendant le dĂ©roulement du procĂšs. En aoĂ»t 2021, un tribunal de premiĂšre instance a ainsi condamnĂ© Omar Radi pour ivresse sur la voie publique », sans l’entendre. Pourquoi ? Simplement parce que ni lui ni ses avocats n’avaient jamais Ă©tĂ© notifiĂ©s de la tenue des audiences, et parce que la police ne l'a jamais sorti de prison ou il Ă©tait en dĂ©tenu provisoirement dans le cadre d’une autre affaire pour l’amener en salle d’audience. En janvier 2020, Maati Monjib a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  un an de prison pour atteinte Ă  la sĂ»retĂ© de l'État –en son absence lui aussi, alors qu'il Ă©tait au mĂȘme moment, lui aussi, en dĂ©tention provisoire dans le cadre d’une autre affaire. L’affaire d’atteinte Ă  la suretĂ© de l’Etat a Ă©tĂ© jugĂ©e en une audience, dont Ni Monjib ni ses avocats n’avaient Ă©tĂ© informĂ©s de la tenue – et la police ne l'a pas conduit dans la salle d'audience. Dans une autre affaire, un accusĂ© s'est vu refuser l'accĂšs Ă  l'un de ses avocats. En juin 2021, la police a arrĂȘtĂ© un avocat belge engagĂ© par la famille Radi au moment de son arrivĂ©e Ă  Casablanca, et l'a empĂȘchĂ© d'accĂ©der Ă  la salle d'audience. Il a Ă©tĂ© expulsĂ© vers la Belgique le lendemain. Surveillance digitale et vidĂ©o Toutes ces violations de procĂ©dure se sont produites dans un contexte gĂ©nĂ©ral de harcĂšlement policier et de violations multiformes des droits des opposants. Peut-ĂȘtre parallĂšlement Ă  ceux de milliers d’autres d'individus, les smartphones d'au moins cinq journalistes indĂ©pendants et activistes dont Monjib, Radi, Bouachrine, Raissouni et Aboubakr Jamai, ainsi que ceux de plusieurs dĂ©fenseurs des droits humains dont Fouad Abdelmoumni, et d'avocats dont Abdessadek Bouchattaoui, ont Ă©tĂ© infectĂ©s par le logiciel espion Pegasus entre 2019 et 2021, selon une enquĂȘte menĂ©e par Amnesty International et une autre par le consortium journalistique Forbidden Stories. [7] Pegasus, un puissant logiciel que son dĂ©veloppeur, la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne NSO Group, affirme ne vendre qu'aux gouvernements, est capable d'accĂ©der aux listes de contacts, de lire les e-mails et les SMS, de tracer les appels, de collecter les mots de passe, de localiser l'appareil ciblĂ© et de prendre le contrĂŽle de son microphone et de sa camĂ©ra vidĂ©o pour en faire un outils de surveillance contre son dĂ©tenteur. [8] Les autoritĂ©s marocaines ont niĂ© avoir utilisĂ© Pegasus pour espionner des opposants.[9] Fouad Abdelmoumni, un de ceux dont le tĂ©lĂ©phone a Ă©tĂ© infectĂ© par Pegasus, a en outre fait l'objet de vidĂ©osurveillance. En 2020, un expĂ©diteur anonyme a envoyĂ© sur WhatsApp six courtes vidĂ©o montrant Abdelmoumni et sa compagne ils se marieront l’annĂ©e suivante, en privĂ© et dans des situations intimes, Ă  plusieurs membres de leurs familles et amis proches. Au Maroc, les relations sexuelles entre personnes non mariĂ©es constituent un crime puni de prison et une cause de stigmatisation sociale, en particulier pour les femmes. Selon Abdelmoumni, Ă  en juger par l'angle des prises de vue, les camĂ©ras qui ont enregistrĂ© les scĂšnes intimes ont Ă©tĂ© installĂ©es Ă  l'intĂ©rieur de deux climatiseurs placĂ©s dans la chambre et le salon de son appartement. La mise en examen de Taoufik Bouachrine pour de multiples affaires de viols et agressions sexuelles Ă©tait en partie fondĂ©e sur plusieurs clips vidĂ©o montrant le patron de presse – ou un homme lui ressemblant – dans des situations sexuelles plus ou moins explicites avec plusieurs femmes, dans le bureau de Bouachrine Ă  Casablanca. La police a dĂ©clarĂ© avoir trouvĂ© deux camĂ©ras dans le bureau de Bouachrine et affirmĂ© qu'il avait lui-mĂȘme enregistrĂ© les vidĂ©os. Bouachrine a niĂ© que les camĂ©ras lui appartenaient ou qu'il les avait installĂ©es. Il a affirmĂ© que des inconnus avaient, Ă  son insu, placĂ© les camĂ©ras dans le faux plafond de son bureau. Des agents de la police les ont rĂ©cupĂ©rĂ©es le jour de son arrestation. Bouachrine ne les a pas le faire car, Ă  ce moment-lĂ , il Ă©tait dĂ©tenu dans un autre bureau, dans les locaux du journal. Campagnes de harcĂšlement dans les mĂ©dias pro-Makhzen Bien que les individus dont les affaires sont examinĂ©es dans ce rapport n'aient pas tous fini devant un tribunal ou en prison, ils ont tous un dĂ©nominateur commun ils ont fait l'objet, avant mĂȘme d'ĂȘtre convoquĂ©s dans un poste de police, de fĂ©roces campagnes de diffamation dans une certaine constellation de sites Internet. En 2020, 110 journalistes marocains ont signĂ© un Manifeste contre les mĂ©dias de diffamation » dans lequel ils dĂ©claraient À chaque fois que les autoritĂ©s ont poursuivi une voix critique, certains sites et journaux se sont empressĂ©s d’écrire des articles diffamatoires sans aucune Ă©thique professionnelle, voire enfreignant les lois organisant la presse au Maroc. » [10] De multiples articles d'investigation ont dĂ©crit les sites en question comme proches du palais royal », ou ayant des liens Ă©troits avec la police et les services de renseignement marocains.[11] La derniĂšre section de ce rapport, intitulĂ©e Études de cas Institutions mĂ©diatiques », examine ces allĂ©gations en dĂ©tail, en se concentrant sur trois sites Web Chouf TV, Barlamane et Le360. Dans un e-mail envoyĂ© le 14 avril 2022 en rĂ©ponse Ă  une lettre de Human Rights Watch, Wadi El Moudden, directeur de publication de Le360, a catĂ©goriquement dĂ©menti que son site web fasse partie de ce que le manifeste qualifie de mĂ©dias de diffamation ». À la mi-juillet 2022, Human Rights Watch n'avait encore reçu aucune rĂ©ponse Ă  des lettres similaires envoyĂ©es le 1er avril, puis Ă  nouveau le 9 mai, Ă  Chouf TV et Barlamane. Le 10 mai 2022, Human Rights Watch a recherchĂ© l'expression mĂ©dias de diffamation » sur les sites Chouf TV et Barlamane. Cette recherche n'a donnĂ© aucun rĂ©sultat indiquant une rĂ©ponse claire ou un positionnement de Chouf TV Ă  l'Ă©gard du manifeste. Toutefois, un article publiĂ© sous pseudonyme dans Barlamane en novembre 2020 a accusĂ© une journaliste marocaine et militante des droits humains basĂ©e aux États-Unis de produire du journalisme de diffamation ».[12] Un autre article publiĂ© dans Barlamane en mars 2022, Ă©galement sous pseudo, a qualifiĂ© plusieurs mĂ©dias français dont Le Monde, Mediapart et Radio France Internationale de mĂ©dias de diffamation » en raison de leur campagne systĂ©matique et coordonnĂ©e contre le Maroc et ses services de sĂ©curitĂ© ».[13] À partir d’ici, ce rapport dĂ©signera ces sites, dont Chouf TV, Barlamane et Le360, comme des mĂ©dias ou des sites pro-Makhzen ». Makhzen » est un terme que les Marocains et les observateurs du Maroc utilisent pour dĂ©signer un rĂ©seau d’hommes et de femmes de pouvoir liĂ©s au roi et Ă  son entourage par des liens d’allĂ©geance, de nĂ©potisme et de clientĂ©lisme.[14] Il ne s’agit pas d’une entitĂ© officielle ; il n'y a pas non plus de liste convenue et unique des personnes qui composent le Makhzen. À certains Ă©gards, ce terme pourrait ĂȘtre analogue Ă  l’expression l'État profond » appliquĂ©e Ă  certains segments des autoritĂ©s dans d'autres pays. Le Makhzen fait rĂ©fĂ©rence aux personnes qui font office de dĂ©cideurs de l'ombre au Maroc, avec un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant jouĂ© par les services de sĂ©curitĂ© et de renseignement. Dans son acceptation courante au Maroc, le terme Makhzen » fait aussi rĂ©fĂ©rence aux services de sĂ©curitĂ© et Ă  leurs membres en gĂ©nĂ©ral. Les mĂ©dias pro-Makhzen sont spĂ©cialisĂ©s dans la publication d'un flot d'articles sur les dĂ©tracteurs du Makhzen, contenant souvent des insultes vulgaires et des informations personnelles sur eux – notamment des relevĂ©s bancaires et immobiliers, des captures d'Ă©cran de conversations Ă©lectroniques privĂ©es, des allĂ©gations sur des relations sexuelles ou des menaces de les exposer, ainsi que des dĂ©tails biographiques intimes concernant les membres des familles des individus ciblĂ©s ainsi que leurs supporters. Par exemple, aprĂšs qu'une femme ait postĂ© une dĂ©claration sur Facebook en soutien au journaliste incarcĂ©rĂ© Soulaiman Raissouni, Chouf TV a publiĂ© les noms de ses deux parents et leurs appartenances politiques, ainsi que des informations sur des amis de cette femme et mĂȘme sur les endroits oĂč elle les rencontrait – vraisemblablement dans le but d’intimider la femme en question en montrant qu'ils disposaient d’informations personnelles la concernant, mĂȘme si elle n'Ă©tait en aucun cas une personne publique. Le mĂȘme site a publiĂ© l'identitĂ© d'une colocataire d'Omar Radi et a insinuĂ© qu'il l'avait impliquĂ©e dans des activitĂ©s prĂ©tendument malhonnĂȘtes ».[15] AprĂšs l'arrestation de Radi, le mĂȘme site a publiĂ© une liste de plusieurs personnes prĂ©sentĂ©es comme son comitĂ© de soutien », accompagnĂ©e d’insultes et d’allĂ©gations scandaleuses sur chacune d'elles. Le comitĂ© de soutien », qui ne s'Ă©tait jamais prĂ©sentĂ© comme tel, Ă©tait en fait un groupe informel Ă©changeant des informations sur l’affaire de Radi, et discutant de stratĂ©gies de soutien dans un salon de discussion privĂ© sur l'application de messagerie cryptĂ©e Signal. De tels articles Ă  scandale » dans des mĂ©dias sensationnalistes pourraient ĂȘtre dĂ©fendus, Ă  la rigueur, comme une forme de discours protĂ©gĂ© par le droit Ă  la libertĂ© d’expression, dans un pays oĂč un large Ă©ventail de voix mĂ©diatiques s'Ă©panouiraient. Cependant, dans l'Ă©cosphĂšre mĂ©diatique fortement restreinte du Maroc, aucun mĂ©dia n'ose couvrir de cette maniĂšre les personnalitĂ©s puissantes du Makhzen. Seuls les opposants et ceux qui gravitent dans leur orbite sont ainsi pris pour cibles. De nombreux dĂ©tracteurs marocains des autoritĂ©s ont confiĂ© Ă  Human Rights Watch que mĂȘme en l'absence de menaces judiciaires Ă  leur encontre, la perspective d'ĂȘtre pris pour cibles dans des sites Web pro-Makhzen les dissuade de s'exprimer. Quand vous voyez votre nom et vos informations privĂ©es exposĂ©s lĂ -dedans, vous rĂ©flĂ©chissez Ă  deux fois avant de reprendre position publiquement », a dĂ©clarĂ© l'un d'eux, demandant Ă  rester anonyme. Le journaliste Hicham Mansouri, qui a obtenu l'asile en France aprĂšs avoir passĂ© dix mois en prison au Maroc pour adultĂšre, a dĂ©clarĂ© Ă  un journal français en 2020 Il y a un climat d'inquisition. Ils connaissent tous nos dĂ©fauts, toutes nos faiblesses. Ils nous connaissent mieux que nous nous connaissons nous-mĂȘmes. Le but est que chacun de nous finisse par se considĂ©rer comme une cible potentielle. Sexe, drogue, alcool
 s'ils ne trouvent rien, ils fabriqueront des accusations [contre vous]. » Surveillance des articles diffamatoires aux salles d'audience Plusieurs personnes ciblĂ©es ont indiquĂ© Ă  Human Rights Watch que si la plupart des informations publiĂ©es Ă  leur sujet dans les mĂ©dias pro-Makhzen Ă©taient fausses ou dĂ©formĂ©es, certaines d'entre elles Ă©taient vraies – et suffisamment prĂ©cises pour les amener Ă  conclure qu'elles n'auraient pu ĂȘtre obtenues que par la surveillance, notamment de leurs communications Ă©lectroniques. Par exemple, un mois avant qu'un expĂ©diteur anonyme envoie des vidĂ©os filmĂ©es secrĂštement d'Abdelmoumni en situation intime avec sa partenaire aux parents et amis du couple, Barlamane avait publiĂ© une vidĂ©o dĂ©nonçant sans le nommer un activiste senior » qui [se dĂ©bauche] avec des jeunes filles dont il pourrait ĂȘtre le grand-pĂšre ». Abdelmoumni, auquel la mĂȘme vidĂ©o reproche, nommĂ©ment cette fois, son comportement d'adolescent rĂ©pugnant », Ă©tait alors ĂągĂ© de 62 ans. Sa partenaire d’alors, aujourd'hui son Ă©pouse, est une femme d'une trentaine d'annĂ©es. Les poursuites engagĂ©es contre Omar Radi pour partage de renseignements avec des entitĂ©s Ă©trangĂšres » ont Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©es de deux articles dans Chouf TV l'accusant d'ĂȘtre un espion ». Ces articles contenaient des informations spĂ©cifiques qui, selon Radi, ne pouvaient ĂȘtre obtenues qu'en surveillant ses e-mails et ses conversations sur WhatsApp. Bien que les informations en question soient anodines, elles ont ensuite Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©es par le tribunal comme une preuve de culpabilitĂ©. Dans une indication claire de leurs connexions avec la police, des mĂ©dias pro-Makhzen ont correctement prĂ©dit les dates d'arrestation d'opposants, alors qu’ils Ă©taient encore libres au moment de la parution de l’article. Par exemple, Chouf TV a annoncĂ© le 24 juillet 2020 qu'Omar Radi serait derriĂšre les barreaux d'ici le 29 juillet – date Ă  laquelle la police l'a effectivement arrĂȘtĂ©. L'article a depuis Ă©tĂ© supprimĂ©, mais il est toujours disponible sur les archives Web.[16] Dans un autre cas, Chouf TV a publiĂ© le 17 mai 2020 un article Ă©galement supprimĂ© depuis, mais Ă©galement consultable dans les archives Web intitulĂ© Soulaiman Raissouni DerniĂšres rĂ©vĂ©lations avant destruction ». L'auteur y Ă©crivait, s'adressant au journaliste Les portes de l'enfer s'ouvriront [pour toi]... Nous cĂ©lĂ©brerons tous l'AĂŻd al-Fitr [une fĂȘte musulmane] un jour qui sera historique, et que tu ne vivras qu'une fois dans ta vie. »[17] Raissouni a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© dans la soirĂ©e du 22 mai, la veille de l'AĂŻd al-Fitr cette annĂ©e-lĂ . Chouf TV, vraisemblablement prĂ©venu du jour, de l'heure et du lieu de l'arrestation, Ă©tait lĂ  pour la filmer.[18] Surveillance physique, intimidation, agressions Plusieurs opposants marocains interviewĂ©s par Human Rights Watch pour ce rapport ont indiquĂ© avoir Ă©tĂ© suivis, Ă  pied ou par des inconnus dans des voitures banalisĂ©es, Ă  divers moments et pendant de longues pĂ©riodes. Monjib a dĂ©clarĂ© que la surveillance physique intermittente faisait partie de sa vie depuis des annĂ©es. Pendant des semaines ou des mois, selon lui, diffĂ©rentes voitures l'ont suivi partout oĂč il allait, Ă  Rabat et au-delĂ , ou Ă©taient stationnĂ©es devant chez lui 24 heures sur 24. Des chercheurs de Human Rights Watch ont Ă©tĂ© Ă©pisodiquement suivis par des inconnus dans des voitures banalisĂ©es Ă  divers moments au cours des derniĂšres annĂ©es. En 2019, le concierge d'un immeuble de Casablanca a informĂ© un membre du personnel de Human Rights Watch, qui vivait alors dans l'immeuble, que deux policiers Ă©taient venus poser des questions sur lui et sur sa famille. Abdellatif Hamamouchi, un proche collaborateur de Monjib et membre de l'Association marocaine des droits de l'homme, le groupe de dĂ©fense des droits humains le plus important au Maroc, a Ă©crit sur Facebook le 26 avril 2021 Depuis plus de trois mois, une voiture avec deux ou trois passagers est garĂ©e prĂšs de chez moi Ă  TĂ©mara [prĂšs de Rabat]. Cette voiture me suit partout oĂč je vais [
] mĂȘme quand je suis dans une autre ville. Chose Ă©trange la mĂȘme voiture, et le mĂȘme chauffeur, suivaient le professeur Maati Monjib ou se garaient devant chez lui jusqu'Ă  son arrestation. La mĂȘme voiture a apparemment Ă©tĂ© chargĂ©e de me surveiller, jusqu'Ă  aujourd'hui.[19] Le 16 juillet 2014, un autre collĂšgue de Monjib, le journaliste et militant la libertĂ© d'expression Hicham Mansouri, a Ă©tĂ© agressĂ© dans une rue de Rabat. Vers 21h30, peu aprĂšs que Mansouri ait quittĂ© Monjib, deux inconnus sont sortis d'une voiture aux vitres teintĂ©es et l’ont violemment passĂ© Ă  tabac, mĂȘme aprĂšs qu'il soit tombĂ© au sol, avant de sauter dans leur voiture et de s’enfuir. Mansouri a Ă©tĂ© transportĂ© aux d’urgences, prĂ©sentant de multiples ecchymoses sur le visage et le corps. AprĂšs qu’il a portĂ© plainte pour voies de fait, la police a dĂ©clarĂ© avoir menĂ© une enquĂȘte, mais l'a finalement classĂ©e faute de preuves. Le 7 juillet 2019, le journaliste Omar Radi conduisait sa voiture vers minuit Ă  Ain Sebaa, une banlieue de Casablanca, lorsqu'une dizaine d'hommes ont surgi d'un coin sombre et ont attaquĂ© sa voiture Ă  coups de bĂąton, de pierres et de briques, a racontĂ© Radi Ă  Human Rights Watch. Les agresseurs ont brisĂ© la vitre avant du cĂŽtĂ© passager, avant que Radi ne parvienne finalement Ă  fuir la scĂšne. Human Rights Watch a consultĂ© des photos montrant les lourds dĂ©gĂąts infligĂ©s au vĂ©hicule. Le lendemain matin, Radi s'est rendu Ă  un poste de police prĂšs de la scĂšne de l'incident et a dĂ©posĂ© plainte. Un policier a promis une enquĂȘte, a fourni Ă  Radi un reçu avec un tampon de police et un numĂ©ro de dossier, et lui a dit d'utiliser ce numĂ©ro pour suivre l’avancement de sa plainte au tribunal d'Ain Sebaa. Des mois plus tard, l'avocat de Radi s'est rendu au tribunal pour voir oĂč en Ă©tait la plainte. Il a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que le numĂ©ro de sĂ©rie indiquĂ© sur le reçu Ă©tait faux et ne concernait aucun dossier judiciaire existant. En aoĂ»t 2019, la police a arrĂȘtĂ© Hajar Raissouni devant le cabinet de son gynĂ©cologue, sur la base de soupçons qu'elle venait de subir un avortement illĂ©gal. Le mĂȘme jour, un procureur a dĂ©clarĂ© par communiquĂ© que l'arrestation de la journaliste n’était survenue que fortuitement, parce que le cabinet de gynĂ©cologie Ă©tait sous surveillance policiĂšre dans le cadre d'une enquĂȘte – lĂ©galement mandatĂ©e – sur des activitĂ©s illĂ©gales que le cabinet abriterait. Cependant, Raissouni a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que lors d'une sĂ©ance d'interrogatoire dans un poste de police plus tard dans la mĂȘme journĂ©e, des agents de police lui ont fourni des dĂ©tails sur sa relation avec son fiancĂ© de l'Ă©poque. Les dĂ©tails Ă©taient aussi prĂ©cis que les dates et les heures auxquelles Raissouni Ă©tait venue Ă  l'appartement de son fiancĂ© pour promener son chien, et mĂȘme le nom du chien. Raissouni a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que ces informations n'auraient pu ĂȘtre obtenues que par la surveillance physique ou Ă©lectronique d'elle et de son fiancĂ©. En dĂ©cembre 2019, la sƓur du militant des droits humains Fouad Abdelmoumni a reçu un appel d'un individu se prĂ©sentant comme de la police, l'informant Ă  tort qu'Abdelmoumni et une femme avec laquelle [ils] l'ont surpris » avaient Ă©tĂ© emprisonnĂ©s. Abdelmoumni a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu'il a interprĂ©tĂ© cet appel comme un geste destinĂ© Ă  l'intimider par le biais de sa famille. En fĂ©vrier 2019, Ouahiba Khourchech, une policiĂšre qui avait Ă©tĂ© harcelĂ©e pendant des mois par des agents de sĂ©curitĂ© prĂ©sumĂ©s aprĂšs qu’elle ait portĂ© plainte pour harcĂšlement sexuel contre son supĂ©rieur hiĂ©rarchique, a Ă©tĂ© abordĂ©e par deux inconnus dans une rue de Casablanca, qui lui ont dit Ta fille [ils ont mentionnĂ© le nom de l'enfant de 6 ans] est morte, tu ne la reverras jamais », avant de s’éloigner. Khourchech a immĂ©diatement appelĂ© sa mĂšre, chez qui se trouvait l'enfant, pour vĂ©rifier qu'elles allaient bien. Toutes deux Ă©taient en sĂ©curitĂ©. Maati Monjib a indiquĂ© Ă  Human Rights Watch qu’en juillet et septembre 2014, des inconnus qui marchaient derriĂšre lui dans les rues de Rabat l'ont menacĂ© de violences physiques s'il ne cessait ses critiques contre l'État, avant de s'Ă©loigner rapidement. La deuxiĂšme fois, a dĂ©clarĂ© Monjib, l’homme lui a dit Si tu ne te tais pas, Daech s’occupera de toi. » Des proches pris pour cibles Hajar Raissouni a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu’au cours de son interrogatoire policier en aoĂ»t 2019, la plupart des questions ne portaient pas sur les crimes qu'elle Ă©tait soupçonnĂ©e d'avoir commis — relations sexuelles hors mariage et avortement — mais concernaient plutĂŽt ses deux oncles, le savant religieux Ahmed Raissouni et le journaliste Soulaiman Raissouni, tous deux considĂ©rĂ©s des dĂ©tracteurs rĂ©putĂ©s du system monarchique. Hajar Raissouni a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu'elle pensait que son ciblage n'Ă©tait pas une rĂ©ponse Ă  sa supposĂ©e mauvaise conduite, mais plutĂŽt un moyen pour les autoritĂ©s de s'en prendre Ă  sa famille. Raissouni a ensuite Ă©tĂ© condamnĂ©e Ă  un an de prison pour relations sexuelles hors mariage et avortement illĂ©gal, ce qu'elle avait niĂ© avoir commis. Le roi Mohammed VI l’a graciĂ©e quarante-cinq jours plus tard, Ă  la suite d'un tollĂ© des organisations marocaines de dĂ©fense des droits humains et de la communautĂ© internationale. En octobre 2020, Chouf TV a citĂ© le nom de la compagne de Fouad Abdelmoumni, aprĂšs qu'ils aient Ă©tĂ© filmĂ©s clandestinement en situation intime chez lui. Le site web a stigmatisĂ© la femme pour avoir eu des relations sexuelles extraconjugales et a nommĂ©ment mentionnĂ© certains membres de sa famille, apparemment pour les embarrasser Ă  leur tour. Chouf TV a Ă©galement prĂ©tendu en fĂ©vrier 2021 que la mĂšre d'un journaliste dissident basĂ© en France avait Ă©tĂ© victime de chantage Ă  la sextape par ses amants ». Les noms du journaliste et de sa mĂšre ont Ă©tĂ© mentionnĂ©s dans l'article. Le mĂȘme site Web a allĂ©guĂ© en juin 2020, et plusieurs fois ensuite, qu'un dĂ©fenseur des droits humains avait engendrĂ© un enfant illĂ©gitime » c'est-Ă -dire un enfant conçu en dehors du mariage, ce qui est considĂ©rĂ© comme un crime selon la loi marocaine avec une autre militante des droits humains. Le site Web a publiĂ© les noms intĂ©graux de l'homme, de la femme ainsi que de l'enfant. En juillet 2020, une Ă©quipe de tournage de Chouf TV s'est rendue dans un lieu rural au Maroc afin d’y interviewer un agriculteur, qui est le pĂšre d'une journaliste dissidente. À un moment donnĂ©, l'intervieweur a demandĂ© Ă  l'homme ce qu'il ferait s'il apprenait que sa fille avait eu des relations sexuelles sans ĂȘtre mariĂ©e. L'agriculteur a rĂ©pondu qu'une telle situation serait une catastrophe » et qu'elle ne serait plus [sa] fille et [il] la rayerait du livret de famille ». Quelques jours plus tard, Chouf TV a publiĂ© un article nommant la journaliste et affirmant qu'elle avait eu des relations sexuelles avec un militant des droits humains, faisant rĂ©fĂ©rence aux dĂ©clarations prĂ©cĂ©dentes de son pĂšre. Auparavant, et par la suite, Chouf TV ainsi que d'autres mĂ©dias pro-Makhzen ont publiĂ© de nombreux articles fustigeant la vie privĂ©e de la journaliste. Elle vit maintenant en France et n'est pas retournĂ©e au Maroc depuis 2018 car elle a peur de revenir aprĂšs cette campagne de lynchage », a-t-elle confiĂ© Ă  Human Rights Watch. Afin d’éviter que les personnes mentionnĂ©es dans les deux paragraphes prĂ©cĂ©dents ne soient davantage stigmatisĂ©es, Human Rights Watch les a anonymisĂ©s et s'est abstenu de publier des liens vers les articles et vidĂ©os en question. En 2010, les entrepreneurs Nasser Ziane et Nabil Nouaydi, fils d'avocats de renom critiques Ă  l'Ă©gard des autoritĂ©s, ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s et poursuivis sur la base de diverses accusations, dont contrefaçon de marque ». Les deux hommes ont Ă©tĂ© maintenus en dĂ©tention provisoire pendant six mois sans justification dĂ©taillĂ©e, puis reconnus coupables Ă  l'issue d'un procĂšs. Ziane a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  trois ans de prison et Nouaydi Ă  dix mois. Nasser Ziane est le fils de l'avocat Mohamed Ziane, que les autoritĂ©s ont harcelĂ© pendant des annĂ©es aprĂšs qu’il ait dĂ©fendu des opposants cĂ©lĂšbres, dont le leader de la contestation du Rif Nasser Zefzafi et le patron de presse Taoufik Bouachrine, respectivement condamnĂ©s Ă  20 et 15 ans de prison. Nabil Nouaydi est le fils d'Abdelaziz Nouaydi, un Ă©minent avocat des droits humains au Maroc qui a dĂ©fendu de nombreux dĂ©tracteurs de l'État, et qui a Ă©galement Ă©tĂ© membre du comitĂ© consultatif Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch. Lors d’entretiens sĂ©parĂ©s avec Human Rights Watch, les avocats Nouaydi et Ziane ont dĂ©clarĂ© qu'ils soupçonnaient que les arrestations et les procĂšs de leurs fils constituaient des reprĂ©sailles contre leurs propres positions politiques, et un moyen indirect de faire pression sur eux afin qu'ils cessent, ou mettent en sourdine, leur opposition au rĂ©gime. Les finances prises pour cible En mars 2020, le gouvernement marocain a ordonnĂ© aux journaux de cesser d'imprimer et de distribuer des copies papier afin de limiter les interactions sociales dans le cadre de la lutte contre la pandĂ©mie de Covid-19, et a créé un fonds de compensation pour payer les salaires des journalistes.[20] Des centaines de journalistes au Maroc, dont ceux du quotidien critique Akhbar Al-Yaoum, ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de ce mĂ©canisme jusqu'en octobre 2020. Ce mois-lĂ , le fonds a stoppĂ© les versements de salaires des journalistes d’Akhbar Al-Yaoum, tout en continuant a payer tous les autres.[21] Le gouvernement n'a jamais expliquĂ© cette discrimination ni rĂ©tabli les salaires. CombinĂ© Ă  un boycott publicitaire menĂ© par l'État, et aprĂšs une dĂ©cennie de harcĂšlement du journal – notamment l'emprisonnement de son patron Taoufik Bouachrine ainsi que la dĂ©tention du rĂ©dacteur en chef Soulaiman Raissouni – cet arrĂȘt inexpliquĂ© des salaires a Ă©tĂ© le coup de grĂące financier contre Akhbar Al-Yaoum.[22] Le quotidien a annoncĂ© sa fermeture le 14 mars 2021.[23] En 2018, le ministĂšre de l'Agriculture a accordĂ© au dĂ©fenseur des droits humains Fouad Abdelmoumni une subvention d'investissement d'environ 30 000 dollars US pour dĂ©velopper des activitĂ©s agricoles et d'Ă©levage dans une ferme qu'il possĂšde prĂšs de Rabat. Environ deux ans plus tard, l'argent n'avait toujours pas Ă©tĂ© versĂ© sur le compte bancaire d'Abdelmoumni. Ce dernier a relancĂ© le ministĂšre de l'Agriculture Ă  de multiples reprises, y compris par Ă©crit, et en effectuant 13 visites en personne au siĂšge du ministĂšre. Mais personne n'a jamais rĂ©pondu Ă  ses lettres, ni acceptĂ© de le recevoir ou d’expliquer pourquoi il n’avait pas reçu sa subvention. En avril 2022, Abdelmoumni a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu’il n'avait toujours pas reçu l'argent. Conclusion Comme nous venons de le voir, le manuel » des autoritĂ©s marocaines pour museler l’opposition comprend des techniques multiples, variĂ©es et toujours agressives. Certaines de ces techniques, telle que la vidĂ©osurveillance dissimulĂ©e dans des domiciles privĂ©s, les agressions physiques contre des personnes ciblĂ©es, ou les actes d'intimidation contre elles ou leurs proches, sont difficiles Ă  attribuer directement Ă  des agents de l'État. D'autres techniques du manuel, notamment les campagnes de diffamation contre les opposants sur des sites Web pro-Makhzen, sont sans doute indĂ©centes et contraires Ă  l'Ă©thique et la dĂ©ontologie, mais pas forcĂ©ment illĂ©gales au regard de la loi marocaine. Il est Ă©galement difficile de prouver que l'État est directement impliquĂ© dans de telles campagnes. Cependant, Ă  en juger par le contenu que ces sites publient, ils semblent totalement alignĂ©s sur les services de sĂ©curitĂ© marocains, et parfois mĂȘme travailler en tandem avec eux. Cette conclusion est Ă©galement Ă©tayĂ©e par ce qu'ils ne publient pas – ils ne s’attaquent jamais aux puissants responsables du Makhzen. Quant aux affaires qui finissent dans des tribunaux ou en prison, certaines sont fondĂ©es sur des accusations criminelles graves et identifiables, qui justifient une sanction lorsque la culpabilitĂ© est suffisamment prouvĂ©e lors d'un procĂšs Ă©quitable. Cependant, comme le montre ce rapport, les procĂšs en question sont entachĂ©s, depuis les arrestations des suspects jusqu'aux verdicts prononcĂ©s Ă  leur encontre, par de multiples violations des garanties d'une procĂ©dure rĂ©guliĂšre et d'un procĂšs Ă©quitable. Il existe d'autres cas oĂč les accusations elles-mĂȘmes sont intrinsĂšquement contraires aux droits humains et n'auraient jamais dĂ» ĂȘtre portĂ©es dĂšs le dĂ©part, quels que soient les faits. Toutes ces techniques se combinent et se complĂštent pour constituer ce qu’on peut dĂ©crire comme un Ă©cosystĂšme rĂ©pressif, visant non seulement Ă  museler les individus ou les mĂ©dias jugĂ©s gĂȘnants, mais au-delĂ , Ă  faire peur Ă  tout le monde, dissuadant ainsi de maniĂšre prĂ©ventive tous ceux qui pourraient ĂȘtre tentĂ©s de critiquer l’État. Ainsi, le manuel » n'est pas seulement une liste de techniques de rĂ©pression au Maroc. C'est en fait une mĂ©thodologie complĂšte pour faire taire toute opposition. Recommandations Aux autoritĂ©s marocaines Les autoritĂ©s marocaines devraient respecter le droit Ă  l'expression pacifique et Ă  la vie privĂ©e, et mettre fin Ă  l'utilisation systĂ©matique d'une sĂ©rie de pratiques visant Ă  museler et Ă  intimider les dissidents, tout en dĂ©guisant le fait qu'il s'agit en fait de reprĂ©sailles pour leurs propos ou leurs activitĂ©s d’opposants. Les autoritĂ©s devraient mettre fin Ă  l’utilisation des mĂ©thodes utilisĂ©es contre les journalistes critiques, les dĂ©fenseurs des droits humains et les activistes de la sociĂ©tĂ© civile, Ă  savoir Campagnes orchestrĂ©es d'atteinte Ă  la personnalitĂ© et de violation de la vie privĂ©e sur des sites d' actualitĂ©s » qui soutiennent systĂ©matiquement les autoritĂ©s et se spĂ©cialisent dans la calomnie des dissidents ; Surveillance des dissidents, notamment par des filatures, l’installation apparente de camĂ©ras vidĂ©o dans leurs demeures ou bureaux privĂ©s, l’infection apparente de leurs smartphones par des logiciels espions ; Attaques physiques contre des dissidents ou contre leurs biens personnels ; Ciblage des membres des familles des dissidents par des actions policiĂšres ou judiciaires abusives ; EnquĂȘtes financiĂšres apparemment motivĂ©es par des considĂ©rations politiques contre des dissidents ou autres mesures administratives injustes affectant leurs finances. Les plus hautes autoritĂ©s exĂ©cutives du Maroc devraient rĂ©former les agences de sĂ©curitĂ© et de renseignement du pays, de maniĂšre Ă  les soumettre Ă  un contrĂŽle indĂ©pendant, et garantir la transparence de ce contrĂŽle et de leurs opĂ©rations, conformĂ©ment aux normes internationales de droits humains. Les recommandations que nous formulons ci-dessous, si elles sont mises en Ɠuvre, n'empĂȘcheront pas les autoritĂ©s marocaines de poursuivre tout individu pour lequel il existe des preuves crĂ©dibles et convaincantes qu'il ait commis une infraction largement reconnue comme un acte criminel vĂ©ritable. Au Parlement du Maroc Plusieurs lois marocaines violent intrinsĂšquement le droit international des droits humains, notamment les droits Ă  la libertĂ© d'expression, Ă  la vie privĂ©e, Ă  la santĂ© et Ă  la non-discrimination, garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques PIDCP, que le Maroc a ratifiĂ© en 1979, et par la Convention sur l'Ă©limination de toutes les formes de discrimination Ă  l'Ă©gard des femmes que le Maroc a ratifiĂ©e en 1993. Le parlement marocain devrait Abroger l'article 489 du code pĂ©nal, qui interdit les relations homosexuelles consenties entre adultes et les soumet Ă  des peines de prison Abroger l'article 490 du code pĂ©nal, qui interdit les relations sexuelles consenties entre adultes non mariĂ©s et les soumet Ă  des peines de prison Abroger l'article 491 du code pĂ©nal, qui interdit les relations adultĂšres entre adultes mariĂ©s Ă  d'autres personnes et les soumet Ă  des peines de prison DĂ©pĂ©naliser complĂštement l'avortement, notamment en abrogeant l'article 454 du code pĂ©nal qui criminalise l'obtention intentionnelle d'un avortement ». D'autres lois marocaines sont formulĂ©es de maniĂšre trop vague et risquent ainsi d'ĂȘtre utilisĂ©es pour criminaliser des actes qui ne devraient pas l'ĂȘtre, notamment les actes d'expression pacifique. La formulation vague de ces lois ouvre la porte Ă  des interprĂ©tations arbitraires par les juges, empĂȘchant une personne d’anticiper raisonnablement quels actes seront considĂ©rĂ©s comme des crimes. Le parlement marocain devrait Modifier l'article 191 du code pĂ©nal, qui interdit de porter atteinte Ă  la sĂ»retĂ© extĂ©rieure de l'État en entretenant avec les agents d'une autoritĂ© Ă©trangĂšre des intelligences ayant pour objet ou ayant eu pour effet de nuire Ă  la situation militaire ou diplomatique du Maroc ». L'article 191 devrait ĂȘtre modifiĂ© de maniĂšre Ă  dĂ©finir le crime d'espionnage d'une maniĂšre plus Ă©troite et prĂ©cise conforme au droit international ainsi qu’à ses normes ; Abolir ou modifier l'article 206 du code pĂ©nal, qui interdit de porter atteinte Ă  la sĂ»retĂ© intĂ©rieure de l'État en recevant une rĂ©munĂ©ration d'une entitĂ© Ă©trangĂšre pour une activitĂ© ou une propagande de nature Ă  Ă©branler la fidĂ©litĂ© que les citoyens doivent Ă  l'État et aux institutions du peuple marocain. » S’il est modifiĂ©, la nouvelle version de cet article devrait dĂ©finir l'atteinte Ă  la sĂ»retĂ© intĂ©rieure de l'État » d'une maniĂšre Ă©troite et prĂ©cise conforme au droit international ainsi qu’à ses normes. Les dĂ©lits d’expression non violente sont toujours criminalisĂ©s au Maroc, en vertu du code de la presse ou du code pĂ©nal, d'une maniĂšre qui est contraire aux obligations du Maroc de respecter la libertĂ© d'expression en vertu du PIDCP. Le parlement marocain devrait Abroger les lois sur l'atteinte au rĂ©gime monarchique et Ă  la religion islamique code pĂ©nal article 267-5 et code de la presse article 71, sur la diffamation, l’insulte ou l’offense envers la vie privĂ©e de la personne du Roi ou envers la personne de l’HĂ©ritier du TrĂŽne ou des membres de la famille royale ou la violation du respect dĂ» au Roi article 179 du code pĂ©nal, tel que rĂ©visĂ© en 2016, article 71 du code de la presse, sur l'outrage envers les corps constituĂ©s article 265 du code pĂ©nal. Tout au moins, le Parlement devrait abolir les peines de prison que le code pĂ©nal impose comme une des peines possibles pour ces infractions. Pour les infractions du code pĂ©nal et de la presse qui dĂ©coulent de critĂšres de restriction d'expression que le PIDCP autorise en vertu des articles 193 et 20, le Parlement devrait affiner et clarifier la dĂ©finition de chaque infraction afin que 1 elle soit formulĂ©e avec suffisamment de prĂ©cision pour permettre au citoyen de rĂ©guler sa conduite et 2 elle soit dĂ©finie de maniĂšre Ă©troite afin de rĂ©pondre Ă  un besoin nĂ©cessaire dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, comme l'interdiction de l'incitation Ă  la violence, tel que spĂ©cifiĂ© dans le Plan d’action de Rabat des Nations Unies.[24] Les infractions qui doivent ĂȘtre prĂ©cisĂ©es et clarifiĂ©es sont les suivantes Incitation Ă  l’encontre de l'intĂ©gritĂ© territoriale article 267-5 du Code pĂ©nal et article 71 du Code de la presse si le Maroc devait retenir un dĂ©lit d’expression relatif Ă  l'incitation Ă  l’encontre de l'intĂ©gritĂ© territoriale », les lĂ©gislateurs devraient le dĂ©finir avec suffisamment de prĂ©cision pour qu'il ne s'applique qu'aux propos qui constituent une incitation Ă  recourir Ă  la violence ou Ă  la force physique, et exclut clairement le plaidoyer pacifique pour l'autodĂ©termination du Sahara Occidental, Outrage Ă  un agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions article 263 du Code pĂ©nal et article 72 du Code de la presse les lĂ©gislateurs devraient soit abolir cette infraction, soit la redĂ©finir afin que les restrictions qu'elle impose Ă  la libertĂ© d'expression soient Ă  la fois nĂ©cessaires et proportionnĂ©es pour protĂ©ger contre les menaces rĂ©elles Ă  l'ordre public, et ne puissent pas ĂȘtre utilisĂ©es pour punir les critiques protĂ©gĂ©es et pacifiques des agents de l’État et des institutions publiques, aussi virulentes soient-elles, Propos qui jettent le discrĂ©dit sur les dĂ©cisions juridictionnelles et qui sont de nature Ă  porter atteinte Ă  l'autoritĂ© de la justice ou Ă  son indĂ©pendance article 266 du Code pĂ©nal les lĂ©gislateurs devraient soit abolir l'article 266, soit le modifier afin de s'assurer que toute restriction Ă  la parole liĂ©e Ă  la justice soit Ă  la fois nĂ©cessaire et proportionnĂ©e pour protĂ©ger le pouvoir judiciaire contre toute ingĂ©rence dans son indĂ©pendance. L'article rĂ©visĂ© devrait protĂ©ger le droit de critiquer et de commenter les verdicts des tribunaux et le systĂšme judiciaire en tant qu'institution, en totalitĂ© ou en partie, tant que les propos ne constituent pas une tentative dĂ©libĂ©rĂ©e et crĂ©dible d'influencer un verdict du tribunal depuis l'extĂ©rieur de la salle d'audience. Aux Parquets du Maroc Jusqu'Ă  ce que le Parlement abolisse les lois incompatibles avec les normes internationales protĂ©geant le droit Ă  la libertĂ© d'expression, ou jusqu'Ă  ce que la Cour constitutionnelle se soit prononcĂ©e sur la conformitĂ© de ces lois avec les protections constitutionnelles de ce droit, les autoritĂ©s judiciaires devraient s'abstenir de poursuivre en vertu de ces lois des personnes ayant exprimĂ© leurs opinions de façon non violente. Les procureurs marocains devraient s'abstenir d'inclure des informations personnelles, notamment des informations sur la santĂ©, la sexualitĂ© et les finances personnelles des individus, dans leurs communications publiques sur les affaires jugĂ©es devant les tribunaux, mĂȘme si ces informations sont pertinentes pour les affaires judiciaires en question ; les tribunaux peuvent discuter de ces informations dans les salles d'audience dans la mesure oĂč elles sont pertinentes pour les affaires jugĂ©es. Les parquets du Maroc devraient enquĂȘter et agir sur les rapports de surveillance illĂ©gale de journalistes, de militants politiques et de dĂ©fenseurs des droits humains afin de garantir que leur droit Ă  la libertĂ© d'expression, de rĂ©union pacifique et d'association soit respectĂ© et protĂ©gĂ©. Ils devraient ouvrir une enquĂȘte indĂ©pendante plus large sur l'utilisation de logiciels de surveillance et d'intrusion sur Internet au Maroc, afin d'Ă©valuer leur conformitĂ© avec les obligations nationales et internationales du Maroc en matiĂšre de droits humains, et rendre publiques toutes les conclusions liĂ©es Ă  l'enquĂȘte susmentionnĂ©e. Aux autoritĂ©s judiciaires marocaines Les tribunaux marocains sont complices de ces abus en violant les droits Ă  une procĂ©dure rĂ©guliĂšre des accusĂ©s pris dans ce rĂ©seau de rĂ©pression et en les condamnant Ă  l'issue de procĂšs inĂ©quitables. Les autoritĂ©s judiciaires marocaines devraient Garantir un procĂšs Ă©quitable Ă  toute personne comparaissant devant un tribunal, notamment les dissidents et autres dĂ©tracteurs de la monarchie et des politiques de l'État ; Respecter l'Ă©galitĂ© des armes », le principe selon lequel la dĂ©fense et l'accusation disposent d'un juste Ă©quilibre dans leurs possibilitĂ©s de prĂ©senter leurs arguments, lors de tous les procĂšs, notamment ceux des dissidents, et d’examiner les tĂ©moins et les preuves Ă  charge ; Mettre fin aux dĂ©tentions prĂ©ventives prolongĂ©es Ă  moins qu'elles ne soient motivĂ©es par une justification Ă©crite et individualisĂ©e de la part du tribunal, et soumises Ă  des examens judiciaires rapides et rĂ©guliers par un tribunal indĂ©pendant de celui qui a ordonnĂ© la dĂ©tention. La dĂ©tention provisoire devrait ĂȘtre une exception et non la rĂšgle ; Lever les obstacles imposĂ©s par les tribunaux Ă  l'obtention par les accusĂ©s de l'accĂšs Ă  l'intĂ©gralitĂ© de leurs propres dossiers judiciaires dĂšs que possible ; Mettre fin Ă  la pratique consistant Ă  ne pas informer dĂ»ment les accusĂ©s avant les sessions de leurs propres affaires judiciaires ; Mettre fin Ă  la pratique consistant Ă  rejeter les requĂȘtes de la dĂ©fense visant Ă  prĂ©senter des preuves et des tĂ©moins, tant que ces preuves et ces tĂ©moins sont potentiellement pertinents pour dĂ©terminer la culpabilitĂ© ou l'innocence des accusĂ©s ; Autoriser les avocats de la dĂ©fense Ă  contre-interroger les tĂ©moins Ă  charge ou tiers lorsque leur tĂ©moignage peut potentiellement ĂȘtre utilisĂ© par le tribunal pour dĂ©terminer la culpabilitĂ© des accusĂ©s ; Mettre fin Ă  la pratique consistant Ă  faire pression et Ă  intimider les individus pour qu'ils tĂ©moignent contre les accusĂ©s. À l'Union europĂ©enne et Ă  ses États membres, et aux autres alliĂ©s Ă©trangers du Maroc dont les États-Unis et le Royaume Uni DĂ©noncer publiquement le manuel de techniques rĂ©pressives des autoritĂ©s marocaines et exhorter ces autoritĂ©s Ă  mettre fin au harcĂšlement de leurs dĂ©tracteurs prĂ©sumĂ©s, et Ă  respecter leurs obligations internationales en matiĂšre de droits humains, comme le demande l'article 2 de l'accord d'association UE-Maroc qui conditionne l'aide europĂ©enne au respect des principes dĂ©mocratiques et des droits fondamentaux de l’homme, tels qu’énoncĂ©s dans la DĂ©claration universelle des droits de l'homme » par le Maroc. [25] Cela commence par connecter des actes apparemment isolĂ©s en les reconnaissant comme des Ă©lĂ©ments d'un manuel de techniques de rĂ©pression, et en brisant le silence Ă  ce sujet, en allant au-delĂ  des de timides dĂ©clarations officielles. Exprimer et apporter un soutien aux activistes et journalistes marocains, conformĂ©ment aux Lignes directrices de l'UE en matiĂšre de droits de l’homme sur la libertĂ© d'expression, ainsi qu’aux dĂ©fenseurs des droits humains, conformĂ©ment au Plan d'action de l'UE en faveur des droits de l’homme et de la dĂ©mocratie.[26] Par le biais des reprĂ©sentations diplomatiques, surveiller de prĂšs l'utilisation des accusations pĂ©nales de droit commun contre les opposants et les professionnels des mĂ©dias critiques ; Exhorter le Maroc Ă  veiller Ă  ce que toutes les personnes faisant l'objet d'accusations pĂ©nales, notamment les opposants, bĂ©nĂ©ficient de leur droit Ă  une procĂ©dure rĂ©guliĂšre tout au long du processus judiciaire ; Faire pression sur le Maroc pour qu'il permette Ă  tous les mĂ©dias de couvrir de façon libre et critique tous les sujets d'intĂ©rĂȘt public ; Rechercher des informations sur les cas impliquant des opposants marocains auprĂšs de diverses sources, notamment des acteurs indĂ©pendants et crĂ©dibles de la sociĂ©tĂ© civile ; Lorsque cela est possible, envoyer des observateurs pour observer les procĂšs et critiquer publiquement les violations des droits Ă  une procĂ©dure rĂ©guliĂšre et les verdicts fondĂ©s sur des preuves douteuses ; Lorsque les preuves le justifient, informer les autoritĂ©s marocaines, notamment par le biais de dĂ©clarations publiques, que les accusations pĂ©nales formulĂ©es contre les dissidents sont considĂ©rĂ©es comme douteuses et politiquement motivĂ©es. Aux pays Ă©trangers exportant des technologies de surveillance vers le Maroc ArrĂȘter toutes opĂ©rations de vente, exportation et transfert de toutes technologies de surveillance au Maroc, dans l'attente des rĂ©sultats d'une enquĂȘte sur les rapports de surveillance illĂ©gale d'Internet, d'intrusion de logiciels et d'autres formes de surveillance numĂ©rique des journalistes, des activistes politiques et des dĂ©fenseurs des droits humains, et veiller Ă  ce qu'il y ait des contrĂŽles appropriĂ©s pour empĂȘcher l’utilisation des produits de l'industrie de la surveillance privĂ©e pour faciliter les violations de droits humains. MĂ©thodologie Ce rapport examine huit cas de harcĂšlement policier et/ou judiciaire visant des dissidents marocains connus, et deux cas visant des institutions mĂ©diatiques indĂ©pendantes. En plus des huit cibles individuelles principales, ces cas impliquent Ă©galement une vingtaine de cibles secondaires » des membres de la famille, des associĂ©s, des collĂšgues, des tĂ©moins de la dĂ©fense dans des affaires judiciaires et des personnes autrement liĂ©es aux cibles principales. Douze procĂšs devant des tribunaux marocains ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s en dĂ©tail dans le cadre de ce rapport. Entre septembre 2019 et fĂ©vrier 2022, Human Rights Watch s’est entretenu avec 89 personnes Ă  l'intĂ©rieur et Ă  l'extĂ©rieur du Maroc 25 dĂ©fenseurs des droits humains et activistes sociaux et politiques, 21 avocats, 18 journalistes, 15 personnes victimes de harcĂšlement policier ou judiciaire au Maroc, sept membres des familles et amis proches des personnes ciblĂ©es, et trois tĂ©moins dans des procĂšs d’activistes. Les entretiens se sont dĂ©roulĂ©s en personne ou par le biais d’applications de messagerie, et dans quelques rares cas par tĂ©lĂ©phone. Les recherches pour ce rapport ont Ă©tĂ© menĂ©es pendant la pandĂ©mie de Covid-19, en prenant des prĂ©cautions pour limiter le risque de transmission. Toutes les personnes interrogĂ©es nommĂ©es dans ce rapport ont Ă©tĂ© informĂ©es du but de leur entretien, de la maniĂšre dont les informations seraient utilisĂ©es, et se sont vu proposer l'anonymat dans notre rapport. Ce rapport s’abstient de divulguer certaines informations qui permettraient l'identification de certaines personnes interrogĂ©es, Ă  leur demande ou Ă  l'initiative de Human Rights Watch, afin de protĂ©ger leur vie privĂ©e et leur sĂ©curitĂ©. Aucune des personnes interrogĂ©es n'a reçu de compensation financiĂšre ou autre pour s’ĂȘtre entretenue avec nous. Human Rights Watch a Ă©galement assistĂ© Ă  19 audiences de procĂšs de divers dissidents Ă  Casablanca et Ă  Rabat, examinĂ© des centaines de pages de dossiers judiciaires et lu des centaines d'articles de presse ainsi que d'autres textes, notamment des communiquĂ©s officiels de procureurs marocains et d'autres autoritĂ©s. Le 1er avril 2022, Human Rights Watch a envoyĂ© des courriers Ă©lectroniques aux sites Web et leur demandant de rĂ©pondre aux allĂ©gations selon lesquelles ils travaillent en coordination avec les services de sĂ©curitĂ© marocains, ainsi qu’à d'autres questions connexes. Human Rights Watch a reçu une rĂ©ponse de la part de Le360 le 14 avril. A l’heure oĂč ce rapport passe sous presse, Human Rights Watch n'a toujours pas reçu de rĂ©ponse des deux autres sites Web. Contexte Un systĂšme judiciaire sous contrĂŽle L’article 107 de la constitution marocaine de 2011 stipule que Le pouvoir judiciaire est indĂ©pendant du pouvoir lĂ©gislatif et du pouvoir exĂ©cutif. » Cependant, cet article est contredit par le fonctionnement du Conseil SupĂ©rieur du Pouvoir Judiciaire. Cet organe officiel, que la constitution a créé et chargĂ© de l'application des garanties accordĂ©es aux magistrats, notamment quant Ă  leur indĂ©pendance », est prĂ©sidĂ© par le roi, qui n'est pas un chef d'État cĂ©rĂ©moniel, mais plutĂŽt le dirigeant exĂ©cutif effectif du Maroc. [27] Toutes les dĂ©cisions du Conseil relatives Ă  la carriĂšre des magistrats sont Ă©dictĂ©es par des dahirs dĂ©crets royaux inattaquables en justice et ne pouvant faire l'objet d'aucun recours. Toutes les dĂ©cisions de justice au Maroc sont prises au nom de Sa MajestĂ© le Roi », dont le portrait est accrochĂ© dans toutes les salles d'audience derriĂšre l'estrade oĂč siĂšgent les juges. Dans ses articles 65 Ă  78, la Constitution confie au Conseil SupĂ©rieur du Pouvoir Judiciaire le pouvoir exclusif de nommer, transfĂ©rer, promouvoir et sanctionner les magistrats. L'article 115 de la Constitution donne au roi le pouvoir de nommer la moitiĂ© des membres du Conseil. Si l'autre moitiĂ© sont des magistrats Ă©lus, leur carriĂšre, de leur nomination Ă  leur rĂ©vocation, est Ă©galement contrĂŽlĂ©e par ce mĂȘme Conseil et in fine, par le roi. En 2009, le juge Jaafar Hassoune, l'initiateur d'une Ă©phĂ©mĂšre Association marocaine de dĂ©fense de l'indĂ©pendance de la magistrature » qui a ouvertement dĂ©noncĂ© le manque d'indĂ©pendance des tribunaux marocains et expliquĂ© ses mĂ©canismes Ă  la presse, a Ă©tĂ© limogĂ© de la magistrature et empĂȘchĂ© de passer l’examen du barreau pour devenir avocat. Dans un portrait de Hassoune intitulĂ© Au Maroc, la rĂ©volte d’un juge » publiĂ© en 2009, le journal français Le Monde a Ă©crit Suspendu, blĂąmĂ©, mutĂ© et finalement radiĂ© de la magistrature, Jaafar Hassoune a payĂ© cher son combat pour l'indĂ©pendance de la justice marocaine ».[28] Des universitaires et des politologues ont imputĂ© la manipulation prĂ©sumĂ©e du systĂšme judiciaire marocain au Makhzen – comme expliquĂ© plus haut, un rĂ©seau non officiel de dĂ©tenteurs du pouvoir liĂ©s au roi et Ă  son entourage par des liens impalpables d'allĂ©geance, de nĂ©potisme et de clientĂ©lisme.[29] Le sociologue français Alain Claisse a dĂ©fini le Makhzen comme un mode de gouvernement des hommes ».[30] Le politologue marocain Mohamed Tozy a Ă©crit que le Makhzen est une maniĂšre d’ĂȘtre et de faire, qui habite les mots, Ă©pice les plats, fixe la forme et le contenu de la relation entre gouvernant et gouvernĂ©s ».[31] Selon certains analystes, le Makhzen agit dans l'ombre en donnant des instructions orales Ă  des fonctionnaires de diverses administrations, notamment des agents de la police et de la justice. [32] Ces instructions, qui violent souvent les lois et contournent la hiĂ©rarchie institutionnelle formelle, sont principalement destinĂ©es Ă  servir les intĂ©rĂȘts perçus du Makhzen ou Ă  attaquer ses ennemis prĂ©sumĂ©s. Le magazine marocain TelQuel a publiĂ© en novembre 2005 un article de 12 pages intitulĂ© Justice la machine infernale », qui accusait les fonctionnaires du ministĂšre de la Justice relevant directement du palais royal de s'immiscer systĂ©matiquement dans les affaires judiciaires ayant une dimension politique, notamment celles oĂč des journalistes sont des accusĂ©s. [33] Les mĂȘmes fonctionnaires donnent des instructions tĂ©lĂ©phoniques » et dictent les verdicts aux juges, selon le magazine, citant une vingtaine de juges et procureurs. Les magistrats ont choisi de garder l'anonymat par crainte de reprĂ©sailles Ă  leur encontre, mais ont fourni de multiples prĂ©cisions, vĂ©rifiĂ©es par les journalistes, sur les affaires sur lesquelles ils ont tĂ©moignĂ©. En mars 2010, le magazine marocain Nichane a publiĂ© un article de couverture similaire intitulĂ© Des juges tĂ©moignent sur la corruption du systĂšme judiciaire ».[34] DĂ©lits d’expression une rĂ©forme pour rien Peu de temps avant la mort de l'ancien roi Hassan II en 1999, la presse marocaine a entamĂ© son Printemps ».[35] Des magazines et des journaux privĂ©s et indĂ©pendants ont dĂ©noncĂ© la corruption, critiquĂ© le dirigisme d'État et publiĂ© des couvertures audacieuses sur des sujets autrefois tabous tels que le roi et la famille royale, l'islam et les mƓurs religieuses, le Sahara occidental et la sexualitĂ©. L'audace retrouvĂ©e de la presse marocaine s'est accompagnĂ©e de vagues de rĂ©pression. Au cours des annĂ©es 2000, journaux et magazines ont Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement confisquĂ©s, des journalistes ont Ă©tĂ© emprisonnĂ©s et soumis Ă  des procĂšs inĂ©quitables, subissant des amendes disproportionnĂ©es et des boycotts publicitaires orchestrĂ©s par le palais royal.[36] DĂšs le dĂ©but des annĂ©es 2010, de nombreux magazines et journaux audacieux de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente avaient Ă©tĂ© fermĂ©s et leurs fondateurs poussĂ©s Ă  l'exil. De 2000 jusqu’au milieu des annĂ©es 2010, les procĂšs les plus mĂ©diatisĂ©s contre des journalistes ou des journaux concernaient des dĂ©lits d'expression. En application de lois rĂ©pressives sur la presse, des journalistes marocains ont Ă©tĂ© condamnĂ©s pour avoir offensĂ© le roi ou les institutions de l'État, diffamĂ© des hauts fonctionnaires ou dĂ©nigrĂ© le pouvoir judiciaire. Des rappeurs et des citoyens ordinaires ont Ă©galement Ă©tĂ© condamnĂ©s pour avoir insultĂ© le roi ou la police sur les rĂ©seaux sociaux. En 2016, le Parlement marocain a adoptĂ© un nouveau Code de la presse et des publications, qui a Ă©liminĂ© la peine de prison comme sanction pour les dĂ©lits d'expression.[37] L'ancien code imposait la prison comme sanction pour une sĂ©rie d'infractions, notamment l'insulte au roi ou aux membres de sa famille, l'atteinte au rĂ©gime monarchique, Ă  l'Islam ou Ă  l'intĂ©gritĂ© territoriale du Maroc, la publication malveillante de fausses nouvelles et la diffamation de personnes ou institutions de l'État. Cependant, mĂȘme sans peines de prison, le code de la presse de 2016 ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© isolĂ©ment du code pĂ©nal, qui continue de punir de prison une sĂ©rie de dĂ©lits d'expression non violents, qu'ils soient commis par des journalistes ou des non-journalistes. En fait, le Parlement a adoptĂ© en 2016, parallĂšlement au tout nouveau code de la presse, des ajouts au code pĂ©nal qui Ă©rigent en infraction le fait de porter atteinte » Ă  l'Islam et Ă  la monarchie, d'offenser le roi ou les membres de la famille royale et d' inciter contre » l'intĂ©gritĂ© territoriale, sous peine de prison et/ou d'amende.[38] En plus de ces nouvelles dispositions, le code pĂ©nal a maintenu des peines de prison pour une sĂ©rie de dĂ©lits d'expression. Ces dĂ©lits consistent notamment Ă  diffamer les institutions de l'État, insulter des agents publics dans l'exercice de leurs fonctions, faire l'Ă©loge du terrorisme, inciter Ă  la haine ou Ă  la discrimination, et dĂ©nigrer les dĂ©cisions de justice dans le but de porter atteinte Ă  l'autoritĂ© ou Ă  l'indĂ©pendance du pouvoir judiciaire. Bon nombre de ces infractions sont dĂ©finies de maniĂšre vague, ce qui augmente le risque que les juges les utilisent pour rĂ©primer la libertĂ© d’expression. L'Ă©volution des accusations criminelles Au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies, Human Rights Watch et d'autres organisations ont documentĂ© la façon dont les tribunaux marocains ont condamnĂ© des dizaines de journalistes et prononcĂ© des jugements sĂ©vĂšres contre des mĂ©dias, ou les ont suspendus, pour diverses accusations liĂ©es Ă  l’expression.[39] Aujourd'hui, des commentateurs sur Internet ou des manifestants de rue continuent d'ĂȘtre poursuivis pour avoir exercĂ© leur droit Ă  s'exprimer. En 2021, les commentateurs de mĂ©dias sociaux Chafik Omerani, Mustapha Semlali, Jamila Saadanem et Ikram Nazih, et le manifestant Noureddine Aouaj ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  des peines de prison pour avoir critiquĂ© des personnalitĂ©s publiques ou l'Islam.[40] Depuis le milieu des annĂ©es 2010, les autoritĂ©s marocaines ont multipliĂ© les accusations et les poursuites Ă  l'encontre de journalistes et de militants de premier plan pour des dĂ©lits autres que d'expression tels que les relations sexuelles extraconjugales et l'avortement, qui se fondent sur des lois qui violent les droits humains internationaux, notamment le droit Ă  la vie privĂ©e. Enfin, la fin des annĂ©es 2010 a vu l'utilisation croissante d'un autre type d'accusations contre les dĂ©tracteurs de l’Etat blanchiment d'argent, espionnage, viol ou agression sexuelle, et mĂȘme traite des ĂȘtres humains. L'Ă©cosystĂšme mĂ©diatique pro-Makhzen Les annĂ©es 2010 au Maroc ont vu l'essor d'un nouveau type de site d'information. SystĂ©matiquement alignĂ©s sur les intĂ©rĂȘts prĂ©sumĂ©s du Makhzen, ils ne cessent de louer le roi et les dĂ©tenteurs du pouvoir proches du palais royal, notamment les hauts responsables de la sĂ©curitĂ©, et se spĂ©cialisent dans la calomnie des dĂ©tracteurs de l'État. Les chiffres d'audience sur Internet montrent que ces mĂ©dias dominent aujourd'hui le paysage mĂ©diatique marocain.[41] Driss Chahtane, directeur de Chouf TV, le plus important de ces sites Web, a Ă©tĂ© nommĂ© prĂ©sident de l'association nationale des mĂ©dias du Maroc en juin 2022.[42] Le 16 juillet 2020, plusieurs mĂ©dias et plateformes internet ont publiĂ© un texte intitulĂ© Manifeste des journalistes marocains contre les mĂ©dias de diffamation ».[43] SignĂ© par 110 journalistes marocains, le texte affirmait À chaque fois que les autoritĂ©s ont poursuivi une voix critique, certains sites et journaux se sont empressĂ©s d’écrire des articles diffamatoires, sans aucune Ă©thique professionnelle, voire enfreignant les lois organisant la presse au Maroc. » Le manifeste appelait les autoritĂ©s publiques, les organisations syndicales de la presse et un collectif d'annonceurs marocains Ă  prendre des mesures pour rĂ©duire le soutien aux plateformes qui ont pour ligne Ă©ditoriale d’attaquer des voix qui dĂ©rangent certains proches du pouvoir. » Selon les signataires du manifeste, de telles mesures contribueraient Ă  mettre fin 
 Ă  la diffamation, aux insultes, et Ă  la calomnie Ă  l’encontre de journalistes et de personnalitĂ©s publiques ». En mai 2020, le journaliste Hicham Mansouri, qui a obtenu l'asile en France aprĂšs des annĂ©es de harcĂšlement au Maroc voir son cas en dĂ©tail au chapitre suivant a publiĂ© un article d'investigation dĂ©nonçant le ciblage des opposants marocains par les autoritĂ©s.[44] Dans cet article, Mansouri Ă©crivait que les services secrets exercent une emprise de plus en plus forte dans la vie politique, en manipulant des mĂ©dias spĂ©cialisĂ©s dans le mensonge et la diffamation ». Les opposants politiques sont les premiĂšres cibles Exposer la vie privĂ©e d'une personne publique, qu'il s'agisse d'un homme politique de premier plan ou d'un activiste notoire, n'est pas nĂ©cessairement rĂ©prĂ©hensible en soi. Aussi dĂ©sagrĂ©able que puisse ĂȘtre cette couverture journalistique, elle relĂšve du droit des mĂ©dias Ă  la libertĂ© d'expression, quelles que soient les idĂ©es qu'ils dĂ©fendent ou les parties avec lesquelles ils peuvent ĂȘtre liĂ©s. ParallĂšlement, les personnes concernĂ©es devraient bĂ©nĂ©ficier d'une protection efficace de leur droit Ă  la vie privĂ©e et des droits connexes, en tenant compte que ces droits peuvent se trouver plus limitĂ©s pour les personnes qui choisissent de participer Ă  la vie publique. Le Maroc dispose de lois contre la diffamation, que les individus peuvent utiliser pour dĂ©fendre ces droits. Cependant, plusieurs dissidents interrogĂ©s par Human Rights Watch ont dĂ©clarĂ© qu'ils ne voyaient aucun intĂ©rĂȘt Ă  poursuivre les mĂ©dias pro-Makhzen en diffamation, car ils sont convaincus que les tribunaux marocains ne leur rendront jamais justice dans de telles affaires. Les mĂ©dias pro-Makhzen n'attaquent pas toutes les personnes publiques de la mĂȘme maniĂšre. Bien que certaines cĂ©lĂ©britĂ©s du divertissement fassent parfois les frais d'une couverture sensationnaliste de leur vie privĂ©e sur ces sites Web, bon nombre des personnes qu'ils ciblent sont considĂ©rĂ©es comme des opposants Ă  l'État, en particulier des journalistes et des activistes. Plus important encore, ils ne jamais les responsables puissants du Makhzen, notamment ceux relevant du palais royal et les hauts responsables sĂ©curitaires, par des articles calomniateurs ou sensationnalistes – ni mĂȘme par de simples articles critiquant leurs politiques publiques. La couverture mĂ©diatique critique des personnalitĂ©s puissantes, y compris parfois sous l’angle de leur vie privĂ©e, Ă©tait frĂ©quente au Maroc dans les annĂ©es 2000. Toutefois, l'État a harcelĂ© les mĂ©dias qui rĂ©alisaient ce type de couverture, prĂ©cipitant leur disparition.[45] Aujourd'hui, ce type de couverture a complĂštement disparu de la scĂšne mĂ©diatique marocaine, alors les sites pro-Makhzen diabolisant les opposants tiennent le haut du pavĂ©.[46] Les dissidents craignent plus la diffamation que la prison De nombreux dĂ©tracteurs marocains des autoritĂ©s ont dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que mĂȘme en l'absence de mesures policiĂšres ou judiciaires directes Ă  leur encontre, la seule perspective d'ĂȘtre victimes de diffamation dans des mĂ©dias pro-Makhzen les dissuade et encourage l'autocensure. Lorsque vous voyez votre nom et vos informations privĂ©es exposĂ©s lĂ -dedans, vous rĂ©flĂ©chissez Ă  deux fois avant de reprendre position publiquement », a dĂ©clarĂ© un dĂ©tracteur des autoritĂ©s Ă  Human Rights Watch. Il s’exprimait anonymement, par crainte de reprĂ©sailles de ces sites web et de la police qui, selon lui, travaillent main dans la main ». Au Maroc, la rĂ©putation est comme du verre », a dĂ©clarĂ© l'universitaire Maati Monjib, lui-mĂȘme frĂ©quemment la cible d'articles diffamatoires, au quotidien français Le Monde en avril 2021. Quand ça casse, on ne peut pas le recoller. La police le sait. Les gens craignent plus la calomnie que de la prison. Aujourd'hui, la diffamation, en particulier en ce qui concerne le sexe et l'argent, est devenue le principal moyen de pression sur les politiciens et les journalistes. »[47] Entre le 7 juin et le 15 septembre 2020, dans la pĂ©riode s'Ă©tendant peu avant et peu aprĂšs l'arrestation du journaliste Omar Radi, Human Rights Watch a dĂ©nombrĂ© au moins 136 articles attaquant personnellement Radi, sa famille et ses partisans sur les sites marocains Chouf TV, Barlamane, et Le360, dans leurs versions arabe et française. Le 4 juillet 2021, Human Rights Watch a dĂ©nombrĂ© 645 articles mentionnant Maati Monjib, avec un contenu extrĂȘmement insultant et de frĂ©quentes rĂ©fĂ©rences Ă  sa vie privĂ©e, y compris des dĂ©tails que Monjib a qualifiĂ©s de diffamatoires concernant ses finances personnelles, sa santĂ© et sa sexualitĂ©. Les articles sont apparus depuis 2015 en arabe et en français sur huit sites d'information en ligne connus pour s'aligner systĂ©matiquement sur les autoritĂ©s marocaines et calomnier les dĂ©tracteurs de celles-ci. Il existe de nombreux autres sites Web ou journaux imprimĂ©s de ce type. Les articles examinĂ©s par Human Rights Watch incluaient souvent des insultes vulgaires et des informations personnelles. Ces informations comprenaient des documents bancaires et immobiliers, des captures d'Ă©cran de conversations Ă©lectroniques privĂ©es, des allĂ©gations de relations sexuelles et des menaces de les rĂ©vĂ©ler, des identitĂ©s de colocataires, et des dĂ©tails biographiques sur les individus ciblĂ©s remontant parfois Ă  leur enfance, complĂ©tĂ©s par des informations privĂ©es sur leurs parents et d’autres membres de leur famille. L'un de ces articles prĂ©sentait un photomontage compromettant d'une cible, et ce qui ressemble Ă  un extrait d'un rapport de police contenant des SMS privĂ©s avec une interlocutrice.[48] Un article publiĂ© le 8 avril 2021 dans la New York Review of Books constatait Ces sites lĂ  
 ont une capacitĂ© Ă©tonnante Ă  prĂ©dire des accusations qui n'ont pas encore Ă©tĂ© portĂ©es, et leurs camĂ©ramans sont souvent prĂ©sents sur les lieux des arrestations. Ils se spĂ©cialisent dans les campagnes de diffamation venimeuse contre les dissidents, et ils ont accĂšs Ă  des dĂ©tails sur des enquĂȘtes policiĂšres en cours ainsi qu’à des informations personnelles qui ne peuvent ĂȘtre obtenues que par la surveillance. »[49] L’angle du sexe » Dans un long article publiĂ© en 2015, l'universitaire dissident Maati Monjib a Ă©crit que les mĂ©dias pro-Makhzen utilisent rĂ©guliĂšrement les relations sexuelles extra conjugales, qui au Maroc sont un crime passible d'un an de prison, comme un angle » pour salir la rĂ©putation de dissidents marocains.[50] L'angle sexuel, a notĂ© Monjib, a Ă©tĂ© principalement utilisĂ© contre les critiques du Makhzen de sensibilitĂ© islamiste. Puisqu'ils trouvent l'essentiel de leur soutien dans les milieux sociaux conservateurs qui accordent habituellement une grande importance Ă  la morale religieuse », explique-t-il, il n'y a pas de meilleur moyen pour ternir [leur] image dans la sociĂ©tĂ© et montrer [leur] prĂ©tendue hypocrisie que d’étaler publiquement des photos ou des vidĂ©os mettant en scĂšne des membres connus d'une organisation [islamiste] dans des situations choquantes pour la pudeur publique. » DĂ©noncer une telle hypocrisie » peut Ă©ventuellement avoir valeur d'information Ă©tant donnĂ© la position publique pro- moralitĂ© » de certaines des personnes ciblĂ©es, mais cela doit ĂȘtre mis en perspective avec l'absence totale d'une telle couverture lorsqu'il s'agit de personnalitĂ©s puissantes, en particulier celles du palais royal ou des services de sĂ©curitĂ©. GĂ©nĂ©ralement, le produit photographique ou vidĂ©o est tout d’abord publiĂ© sur l’un de ces sites d’information » ou directement sur YouTube. Puis, vu l’intĂ©rĂȘt qu’il provoque immanquablement dans le grand public, il est repris dans la presse en ligne ordinaire. [
] L’affaire se propage rapidement avant que les victimes ne puissent rĂ©agir. Elle devient un thĂšme de discussion sur les rĂ©seaux sociaux et dans les cafĂ©s de Casablanca, de Rabat et mĂȘme des villages les plus reculĂ©s. Le mal est ainsi fait et les dĂ©mentis des victimes ne peuvent rien [pour le rĂ©parer.] Cela peut briser la carriĂšre d'un opposant. Monjib a mentionnĂ© le cas d'une Ă©minente activiste islamiste. En 2011, un site Web pro-Makhzen a publiĂ© des photos de cette femme mariĂ©e, marchant avec un homme dans une rue en GrĂšce, allĂ©guant qu’ils Ă©taient amants. Elle s'est retirĂ©e de la vie politique depuis cette agression contre elle et sa famille », a commentĂ© Monjib. Le mĂȘme angle » a Ă©tĂ© utilisĂ© contre deux membres Ă©minents d’Et-Tawhid Wal-Islah, une association religieuse liĂ©e au parti islamiste de la Justice et du DĂ©veloppement, qui ont Ă©tĂ© surpris dans une posture sexuelle » dans une voiture prĂšs de la plage.[51] Depuis lors, les mĂ©dias pro-Makhzen ont utilisĂ© des dĂ©lits sexuels ou liĂ©s Ă  la moralitĂ© pour discrĂ©diter des personnalitĂ©s qui allaient au-delĂ  des islamistes, notamment des journalistes et des dĂ©fenseurs des droits humains. Un tremplin officiel Le 3 fĂ©vrier 2022, Maghreb Arabe Presse MAP, l’agence d'information officielle du Maroc, a publiĂ© un article fustigeant Javier Otazu, l'ancien correspondant au Maroc de l'agence de presse espagnole EFE, qui avait rĂ©cemment publiĂ© un livre critiquant la politique de plus en plus autoritaire du Maroc.[52] L'article de MAP citait abondamment un portrait d'Otazu par un des sites Internet pro-Makhzen. L’article Ă©voquait la haine du Maroc » d’Otazu et expliquait l’amertume du journaliste espagnol comme Ă©tant causĂ©e par son mariage avec une Marocaine avec laquelle il a eu deux enfants
 qui vivent avec leur mĂšre aprĂšs un divorce tumultueux ». Si de tels commentaires ne sont pas surprenant de la part d'un site pro-Makhzen, il convient de noter que l'agence de presse officielle de l'État du Maroc les a relayĂ©s en quatre langues. Ce n'est lĂ  qu'un exemple de la façon dont les dĂ©clarations des mĂ©dias pro-Makhzen sont de plus en plus considĂ©rĂ©es comme compatibles, si ce n’est complĂ©mentaires, avec le discours officiel du Maroc. Des dĂ©tracteurs harcelĂ©s sans relĂąche 8 Ă©tudes de cas 1. Hicham Mansouri Journaliste, il a Ă©tĂ© la cible d'intimidations physiques, de poursuites Ă  motivation politique et de procĂ©dures judiciaires inĂ©quitables. Hicham Mansouri, 40 ans, est un journaliste marocain et militant de la libertĂ© d'expression, actuellement rĂ©fugiĂ© politique en France. Originaire de Ouarzazate, dans le sud du Maroc, il a dĂ©butĂ© sa carriĂšre au milieu des annĂ©es 2000 en tant que blogueur satirique puis journaliste Ă  Agadir, environ 600 kilomĂštres au sud de Rabat. [53] En 2011, il a dĂ©mĂ©nagĂ© Ă  Rabat et a rejoint l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation AMJI, une organisation non gouvernementale créée en 2008 par des dĂ©fenseurs de la libertĂ© d’expression, notamment l’historien Maati Monjib voir Ă©tude de cas sur l’AMJI au dernier chapitre de ce rapport.[54] TabassĂ© dans la rue Le 24 septembre 2014, vers 21h30, peu aprĂšs qu’il ait quittĂ© l'hĂŽtel Ibis de Rabat oĂč se tenait une rĂ©union avec Monjib et d'autres membres de l’AMJI, Mansouri marchait dans la rue quand deux inconnus sont sortis d'une voiture aux vitres teintĂ©es et l’ont brutalement attaquĂ©. [55] Les agresseurs lui ont assĂ©nĂ© de multiples coups de poing et de pied, principalement Ă  la tĂȘte. Pendant qu'il Ă©tait au sol, ils ont commencĂ© Ă  le traĂźner vers la voiture, oĂč un homme Ă©tait assis Ă  la place du conducteur. Quand Mansouri s’est mis Ă  hurler, alertant les chauffeurs de taxi stationnĂ©s Ă  la gare voisine d'Agdal, les agresseurs ont sautĂ© dans la voiture et se sont enfuis. Mansouri a Ă©tĂ© transportĂ© aux urgences, oĂč les mĂ©decins lui ont dĂ©livrĂ© un certificat mĂ©dical attestant de 25 jours d'incapacitĂ©. AprĂšs qu’il ait signalĂ© l'agression, la police a dit avoir menĂ© une enquĂȘte mais l'avoir classĂ©e faute de preuves, a dĂ©clarĂ© Abdelaziz Nouaydi, l'avocat de Mansouri, Ă  Human Rights Watch en 2015.[56] Mansouri a dĂ©clarĂ© que mĂȘme si les policiers ont interrogĂ© certains des chauffeurs de taxi tĂ©moins de l'agression, ils ont omis de rĂ©cupĂ©rer les vidĂ©os de surveillance de l'hĂŽtel Ibis, qui avait une camĂ©ra pointĂ©e vers la rue empruntĂ©e par la voiture des assaillants pour fuir la scĂšne du crime. Quand Mansouri et Monjib ont demandĂ© Ă  visionner les images de surveillance quelques jours plus tard, le personnel de l'hĂŽtel a dĂ©clarĂ© qu'elles avaient Ă©tĂ© effacĂ©es, sans indiquer par qui. CondamnĂ© pour adultĂšre Le 17 mars 2015, la police a arrĂȘtĂ© Mansouri dans son appartement Ă  Rabat, ainsi qu'une amie qui lui rendait visite. Selon un rapport de police, qui deviendra l’élĂ©ment Ă  charge principal dans l'affaire judiciaire, la police avait placĂ© Mansouri sous surveillance deux mois plus tĂŽt en rĂ©ponse aux plaintes de voisins anonymes et du portier de son immeuble, selon lesquelles Mansouri utilisait son appartement Ă  des fins de prostitution. [57] Le jour de l'arrestation, le rapport de police indique qu'aprĂšs que des agents chargĂ©s de surveiller Mansouri aient observĂ© une femme entrer dans son immeuble Ă  9h30, ils sont montĂ©s Ă  l'Ă©tage et ont frappĂ© Ă  sa porte. Selon le rapport de police, la femme a ouvert la porte vĂȘtue d'un vĂȘtement transparent », puis des agents sont entrĂ©s dans la chambre et ont trouvĂ© Mansouri allongĂ© Ă  moitiĂ© nu sur le lit. Le rapport indique que les policiers ont arrĂȘtĂ© les deux suspects et les ont emmenĂ©s au poste de police. LĂ , la femme a signĂ© des aveux » selon lesquels elle avait commis l'adultĂšre avec Mansouri, tandis que Mansouri niait tout adultĂšre. L'article 491 du Code pĂ©nal marocain punit l'adultĂšre d'un Ă  deux ans de prison, mais stipule qu’une poursuite ne peut ĂȘtre engagĂ©e que si le conjoint d'une des parties porte plainte, ou si une personne pratique ouvertement l'adultĂšre alors que son conjoint est Ă  l'Ă©tranger. Dans ce cas prĂ©cis, le mari a dĂ©posĂ© plainte pour dĂ©clencher la procĂ©dure judiciaire, mais seulement aprĂšs que la police l'eut informĂ© qu'elle aurait pris sa femme en flagrant dĂ©lit ».[58] Mansouri a Ă©galement Ă©tĂ© accusĂ© de complicitĂ© d'adultĂšre, ainsi que d'avoir organisĂ© un lieu de prostitution ».[59] Lors de leur procĂšs oĂč ils comparaissaient tous les deux en Ă©tat d’arrestation, les deux accusĂ©s ont contestĂ© le rĂ©cit de la police. La femme a niĂ© toute relation adultĂ©rine avec Mansouri et a dĂ©clarĂ© avoir signĂ© ses aveux » sous la pression de la police. Mansouri et elle ont dĂ©clarĂ© que la police avait enfoncĂ© la porte pour entrer dans l'appartement. Le frĂšre de Mansouri, le portier de l'immeuble et un huissier mandatĂ© par le frĂšre ont dĂ©crit des dommages Ă  la porte de l'appartement indiquant qu’elle avait Ă©tĂ© ouverte par la force.[60] Au tribunal, des tĂ©moins ont Ă©galement contestĂ© la justification officielle de la surveillance et de la descente de police dans l'appartement de Mansouri. Le portier a niĂ© avoir jamais portĂ© plainte contre Mansouri pour avoir utilisĂ© son appartement Ă  des fins de prostitution, ou pour toute autre raison. Lorsque le juge a confrontĂ© le portier avec un rapport de police dans lequel il accuse Mansouri, le portier a confirmĂ© qu'il s'agissait bien de sa signature, mais a dĂ©clarĂ© qu'il ne savait ni lire ni Ă©crire et qu'il avait signĂ© ce document parce que la police le lui avait demandĂ©. [61] Les habitants de l'immeuble ont signĂ© une dĂ©claration attestant que Mansouri Ă©tait un voisin exemplaire dont ils ne s'Ă©taient jamais plaints.[62] Racontant son arrestation, Mansouri a dĂ©clarĂ© devant le tribunal que la porte d'entrĂ©e avait Ă©tĂ© forcĂ©e et qu'une dizaine d'hommes Ă©taient entrĂ©s dans son appartement, l'avaient plaquĂ© au sol et lui avaient enlevĂ© ses vĂȘtements. Selon un rĂ©cit Ă©crit dĂ©taillĂ© que Mansouri a fourni Ă  son avocat, la police l'a photographiĂ© lui et la femme, puis les a escortĂ©s dans la rue, Mansouri portant juste une serviette autour des reins.[63] Devant le procureur le 19 mars 2015, et lors du procĂšs, la femme est revenue sur la dĂ©claration qui lui a Ă©tĂ© attribuĂ©e par la police, et qui contenait des dĂ©tails imagĂ©s et explicites sur sa prĂ©tendue relation adultĂ©rine avec Mansouri. Elle a affirmĂ© au tribunal qu'elle avait signĂ© la dĂ©claration sans la lire parce que la police lui avait dit que si elle le faisait, ils la relĂącheraient pour qu'elle puisse ĂȘtre avec ses enfants. La femme a expliquĂ© qu'elle et Mansouri Ă©taient habillĂ©s normalement quand la police a fait irruption dans l’appartement. Elle a indiquĂ© qu’ils Ă©taient seulement des amis, et a de nouveau niĂ© tout adultĂšre. Lors du procĂšs en appel, la femme a dĂ©clarĂ© que la police avait les avait photographiĂ©s aprĂšs avoir dĂ©shabillĂ© de force Mansouri. Le dossier judiciaire ne contenait aucune photographie. Le 30 mars 2015, le tribunal de premiĂšre instance de Rabat a condamnĂ© la femme pour adultĂšre et Mansouri, qui n'Ă©tait pas mariĂ©, pour complicitĂ© d'adultĂšre. Tous deux ont Ă©copĂ© de dix mois de prison. Mansouri a Ă©tĂ© innocentĂ© de l'accusation de prostitution, qui a Ă©tĂ© largement ignorĂ©e par le tribunal mĂȘme si la police l'avait utilisĂ©e pour dĂ©clencher toute l'affaire. Mansouri n'est pas le seul Marocain connu ayant Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© pour relations sexuelles extraconjugales. Le 13 mars 2015, la police de Casablanca a arrĂȘtĂ© El-Mostafa Erriq, un dirigeant du mouvement d'opposition islamiste Al-Adl Wal-Ihsan Justice et Bienfaisance, et une femme Ă  qui il rendait visite, comme Human Rights Watch l'a documentĂ©.[64] La police a maintenu Erriq et la femme en dĂ©tention pendant trois jours et en a informĂ© l'Ă©pouse d'Erriq, mais les a libĂ©rĂ©s quand cette derniĂšre a refusĂ© de porter plainte. Erriq, tout comme Mansouri, a affirmĂ© que la police lui avait tendu un piĂšge et fabriquĂ© les preuves de l'adultĂšre, y compris en le dĂ©shabillant de force et en le photographiant sur les lieux. Des conditions de dĂ©tention difficiles Mansouri a Ă©tĂ© dĂ©tenu Ă  Zaki, le centre de dĂ©tention de SalĂ©, prĂšs de Rabat, oĂč des organisations indĂ©pendantes de surveillance des prisons avaient signalĂ© des conditions difficiles, notamment la surpopulation et la torture des dĂ©tenus.[65] Voici ce que Mansouri a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch J'ai Ă©tĂ© affectĂ© Ă  l'aile D de Zaki, remplie de criminels violents et de prisonniers souffrant de graves troubles mentaux qui, Ă  la base, n'avaient pas leur place en prison. Nous Ă©tions 50 Ă  60 dans la mĂȘme cellule. Toutes sortes de drogues et d'armes artisanales Ă©taient disponibles. J'ai Ă©tĂ© battu plusieurs fois, y compris par des gardes, et j'Ă©tais terrifiĂ© tout le temps. Les conditions d'hygiĂšne Ă©taient terribles. J'avais des puces qui se nourrissaient de mon corps pendant presque toute la durĂ©e de ma peine. La prison a Ă©tĂ© fermĂ©e plus tard la mĂȘme annĂ©e, aprĂšs que Mansouri l'ait quittĂ©e.[66] En janvier 2022, Mansouri a publiĂ© un livre sur son expĂ©rience carcĂ©rale.[67] Fuir le Maroc AprĂšs avoir purgĂ© ses 10 mois, Mansouri a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© le 17 janvier 2016. Le lendemain, il quittait le Maroc. Il s'est d'abord rendu en Tunisie, puis a gagnĂ© la France trois mois plus tard, oĂč il a demandĂ© l'asile pour persĂ©cutions politiques. Mansouri a obtenu l'asile en 2018. Au moment de la rĂ©daction du prĂ©sent rapport, il n'Ă©tait toujours pas retournĂ© au Maroc. Je pense que la raison pour laquelle les autoritĂ©s marocaines m'ont pris pour cible avait moins Ă  voir avec moi qu'avec mes liens avec Maati Monjib, qui est un opposant et une cible de premier plan depuis une dĂ©cennie », a dĂ©clarĂ© Mansouri Ă  Human Rights Watch.[68] Mes ennuis Ă©taient probablement un moyen d'intimider Monjib, et la galaxie d'activistes qui l'entouraient. C’était peut-ĂȘtre aussi parce que j'Ă©tais une figure centrale de l'AMJI. Peut-ĂȘtre pensaient-ils que ce projet pourrait conduire Ă  un renouveau du journalisme indĂ©pendant aprĂšs qu’ils l’avaient presque totalement dĂ©truit dans les annĂ©es 2000. Ils ont peut-ĂȘtre dĂ©cidĂ© qu'ils ne permettraient pas cela. » 2. Fouad Abdelmoumni DĂ©fenseur vĂ©tĂ©ran des droits humains et de la dĂ©mocratie, critique virulent du systĂšme monarchique actuel au Maroc, il a fait l'objet de surveillance numĂ©rique, de vidĂ©osurveillance secrĂšte dans son domicile, d'atteinte Ă  sa vie privĂ©e et intime, de pressions exercĂ©es sur des membres de sa famille, de harcĂšlement par les mĂ©dias pro-Makhzen, ainsi que de rĂ©tention injustifiĂ©e d'une subvention accordĂ©e par l'État. Fouad Abdelmoumni, 64 ans, est un dĂ©fenseur de la dĂ©mocratie et des droits humains et sociaux, qui exprime ouvertement ses opinions sur les rĂ©seaux sociaux ainsi que dans des interviews avec la presse internationale. Économiste spĂ©cialisĂ© dans le microcrĂ©dit, il fournit des conseils aux gouvernements ainsi qu’aux organisations non gouvernementales en Afrique et ailleurs. Il vit dans une ferme prĂšs de Rabat. En 1977, et de nouveau en 1982, les autoritĂ©s marocaines ont arrĂȘtĂ© Abdelmoumni en reprĂ©sailles pour son activisme de gauche. Il a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu’elles l’avaient soumis Ă  la torture, Ă  l’emprisonnement, ainsi qu’à un total de deux ans et demi de disparition forcĂ©e, en dehors de tout cadre lĂ©gal.[69] Entre 1998 et 2004, Abdelmoumni a Ă©tĂ© vice-prĂ©sident de l’Association marocaine des droits de l’homme, la plus grande organisation des droits humains du pays, que les autoritĂ©s harcĂšlent depuis des dĂ©cennies.[70] Entre 2016 et 2018, il a Ă©tĂ© secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de Transparency Maroc, la section locale de Transparency International, un organisme mondial luttant contre la corruption. Abdelmoumni est actuellement membre du comitĂ© consultatif de Human Rights Watch sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Abdelmoumni Ă©tait Ă©galement un partisan et un mentor du mouvement du 20 fĂ©vrier », la branche marocaine de la vague du Printemps arabe » de 2011. Il a ensuite tentĂ©, avec d’autres militants pro-dĂ©mocratie dont l’historien Maati Monjib, de mettre en place une plate-forme commune entre activistes laĂŻcs et islamistes afin de s’opposer Ă  l’autoritarisme monarchique.[71] Il dĂ©nonce rĂ©guliĂšrement la dictature autoritaire » au Maroc dans les mĂ©dias et sur les rĂ©seaux sociaux.[72] Surveillance numĂ©rique et infection par un logiciel espion En octobre 2019, The Citizen Lab, un laboratoire technologique basĂ© au Canada qui examine les cas de surveillance sur Internet et la menace que celle-ci reprĂ©sente pour les droits humains dans le monde, a informĂ© Abdelmoumni qu’il avait identifiĂ© son numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone parmi sept au Maroc ayant Ă©tĂ© ciblĂ©s par le logiciel espion Pegasus. Pegasus est dĂ©veloppĂ© et vendu par la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne NSO Group. Une fois que Pegasus est introduit subrepticement sur un smartphone, le client de NSO Group obtient un accĂšs complet Ă  sa camĂ©ra, ses appels, ses mĂ©dias, son microphone, ses e-mails, ses textos et d’autres fonctions, permettant la surveillance complĂšte du dĂ©tenteur du smartphone, ainsi que de ses contacts. En rĂ©ponse aux preuves que Pegasus a Ă©tĂ© utilisĂ© pour cibler des dĂ©fenseurs des droits humains, des journalistes et des dissidents, NSO Group a dĂ©clarĂ© Ă  plusieurs reprises que sa technologie est concĂ©dĂ©e sous licence, Ă  des gouvernements uniquement, pour leur permettre de lutter lĂ©galement contre le terrorisme et la criminalitĂ©. NSO Group a Ă©galement dĂ©clarĂ© qu’il n’opĂšre pas le logiciel espion, une fois vendu Ă  des clients gouvernementaux.[73] En rĂ©action Ă  la rĂ©vĂ©lation de la surveillance de leurs tĂ©lĂ©phones, Abdelmoumni et les six autres personnes ciblĂ©es ont publiĂ© le 4 novembre 2019 une dĂ©claration conjointe exigeant que les auteurs de cet acte rendent des comptes.[74] Abdelmoumni a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu’à la mĂȘme pĂ©riode, il avait fait plusieurs dĂ©clarations publiques vĂ©hĂ©mentes, notamment que l’État marocain se comportait comme la mafia ».[75] Le 9 dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, la sƓur d’Abdelmoumni a reçu un appel d’un individu qui s’est prĂ©sentĂ© comme un policier, l’informant qu’Abdelmoumni et une femme [avec] avec qui [ils] l’ont attrapĂ© » avaient Ă©tĂ© emprisonnĂ©s. L’information Ă©tait fausse ; selon Abdelmoumni, il s’agissait d’un geste destinĂ© Ă  l’intimider via sa famille. En dĂ©cembre 2020, Abdelmoumni a informĂ© Access Now, une organisation qui dĂ©fend les droits numĂ©riques Ă  l’échelle mondiale, qu’il avait, avec les six autres victimes du logiciel espion, dĂ©posĂ© une demande d’enquĂȘte auprĂšs de la Commission nationale de contrĂŽle de la protection des donnĂ©es personnelles CNDP, une agence gouvernementale marocaine.[76] La CNDP n’a rien fait, arguant qu’elle n’a pas compĂ©tence sur ce type de questions », a dĂ©clarĂ© Abdelmoumni. Les autoritĂ©s marocaines ont niĂ© Ă  plusieurs reprises avoir utilisĂ© Pegasus pour espionner des dissidents.[77] Chantage sexuel Le 16 janvier 2020, Barlamane, un site Web pro-Makhzen, a publiĂ© une vidĂ©o insultant nommĂ©ment Abdelmoumni et menaçant de façon indirecte de divulguer des dĂ©tails sur son comportement d’adolescent rĂ©pugnant ».[78] La mĂȘme vidĂ©o dĂ©nonçait sans le nommer un activiste senior » qui [se dĂ©bauche] avec des jeunes filles dont il pourrait ĂȘtre le grand-pĂšre ». Un mois aprĂšs la publication de cette vidĂ©o sur Barlamane, plusieurs dizaines de personnes dont des parents, des amis et des collĂšgues d’Abdelmoumni, ont reçu sur WhatsApp un ensemble de six vidĂ©os de quelques minutes chacune, montrant Abdelmoumni dans des situations intimes avec sa partenaire, une femme d’environ 25 ans sa cadette, dans un appartement qu’il possĂšde Ă  Skhirat, une station balnĂ©aire prĂšs de Rabat. L’expĂ©diteur des vidĂ©os Ă©tait anonyme. Le Code pĂ©nal marocain punit les relations sexuelles consensuelles entre adultes non mariĂ©s d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison. Les relations hors mariage sont Ă©galement un tabou social et exposent les couples non mariĂ©s, en particulier les femmes, Ă  l’humiliation ainsi qu’à une stigmatisation durable. Abdelmoumni et sa partenaire, Ă  prĂ©sent son Ă©pouse, n’étaient pas mariĂ©s au moment oĂč les vidĂ©os ont Ă©tĂ© tournĂ©es. Parmi les destinataires des vidĂ©os figuraient certains de parents les plus proches de la femme. À en juger par l’angle des prises de vue, Abdelmoumni a dĂ©terminĂ© que les vidĂ©os avaient Ă©tĂ© filmĂ©es par des camĂ©ras secrĂštement placĂ©es Ă  l’intĂ©rieur de deux climatiseurs dans la chambre et le salon de son appartement.[79] Il a ajoutĂ© que les appareils devaient ĂȘtre sophistiquĂ©s, car les vidĂ©os capturaient des sons clairs dans la piĂšce malgrĂ© le fort bourdonnement gĂ©nĂ©rĂ© par les climatiseurs. Abdelmoumni a dĂ©clarĂ© au journal français L’HumanitĂ© en mars 2021 Ces vidĂ©os avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© annoncĂ©es, avant leur diffusion, par un site de diffamation connu pour ĂȘtre trĂšs proche des services de renseignement, qui avait menacĂ© de me casser », de rĂ©vĂ©ler ma vie privĂ©e si je n’arrĂȘtais pas de critiquer le rĂ©gime. Il est Ă©vident qu’un appareil au cƓur de l’État marocain utilise et abuse des moyens de l’État pour terroriser les gens. N’importe qui ne peut pas rentrer chez moi et en sortir, y installer des engins aussi sophistiquĂ©s dans divers endroits de la maison, puis revenir pour retirer ces appareils, en synchronisation avec un site connu pour me diffamer et me menacer [ainsi que d’autres dissidents marocains].[80] AprĂšs la diffusion des enregistrements, Abdelmoumni a adoptĂ© un profil public plus discret pendant des mois, attĂ©nuant considĂ©rablement ses critiques publiques et interdisant Ă  ses parents et amis de lui rendre visite, afin de protĂ©ger leur sĂ©curitĂ© et leur vie privĂ©e. J’ai fait le mort pendant six mois », a-t-il confiĂ© Ă  Human Rights Watch. Ce n’est qu’aprĂšs qu’un procureur ait annoncĂ© en octobre 2020 que son ami, l’historien et activiste Maati Monjib, lui-mĂȘme sujet de harcĂšlement policier depuis longtemps, faisait l’objet d’une enquĂȘte sur des accusations douteuses de blanchiment d’argent, qu’Abdelmoumni a dĂ©cidĂ© de briser son silence pour dĂ©fendre Monjib. Presque immĂ©diatement aprĂšs la reprise de ses critiques publiques contre les autoritĂ©s, Chouf TV, un autre site pro-Makhzen spĂ©cialisĂ© dans la diffamation des opposants, a publiĂ© le 25 octobre 2020 un long article intitulĂ© RĂ©vĂ©lations choquantes d’un scandale Les dĂ©tails des aventures [sexuelles] d’Abdelmoumni ». L’article fournissait l’identitĂ© de sa partenaire qui apparaissait sur les vidĂ©os, et d’autres informations personnelles, notamment des dĂ©tails sur sa vie de famille, ainsi que plusieurs allĂ©gations diffamatoires sur la relation du couple. Octroi d’une subvention puis retenue arbitraire des fonds Abdelmoumni possĂšde environ 5 hectares de terres agricoles dans la rĂ©gion de Sidi Bettache, au sud de Rabat. AprĂšs avoir demandĂ© une aide Ă  l’investissement pour dĂ©velopper des activitĂ©s d’agriculture et d’élevage, le ministĂšre de l’Agriculture lui a accordĂ© en juillet 2018 une subvention publique d’environ 30 000 dollars US. Sur la base de cette dĂ©cision, le CrĂ©dit Agricole, banque publique spĂ©cialisĂ©e dans le financement d’entreprises agricoles, a envoyĂ© Ă  Abdelmoumni le mĂȘme mois un SMS indiquant que le ministĂšre avait informĂ© la banque de son approbation de la subvention. Sur cette base, la banque lui proposait de lui prĂȘter jusqu’à 90% de la valeur de la subvention, Ă  titre d’avance. Il a prĂ©fĂ©rĂ© refuser, attendant que le ministĂšre lui vire les fonds. Environ deux ans plus tard, l’argent n’avait selon lui toujours pas Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© sur son compte bancaire. Le 3 septembre 2020, Abdelmoumni a Ă©crit une lettre au ministĂšre de l’Agriculture pour s’enquĂ©rir de la subvention, mais il n’a jamais reçu de rĂ©ponse. Abdelmoumni s’est aussi rendu physiquement au siĂšge du ministĂšre, Ă  Rabat, pas moins de 13 fois en deux mois, pour tenter d’obtenir une explication. Personne n’a acceptĂ© de le recevoir ni de le renseigner sur sa subvention. Abdelmoumni a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que lors de sa 13Ăšme visite, un agent du ministĂšre de l’Agriculture lui a indiquĂ© que seul le ministre lui-mĂȘme pouvait rĂ©soudre son problĂšme. Le 22 octobre 2020, Abdelmoumni a envoyĂ© un texto Ă  un membre du cabinet du ministre, rĂ©clamant explications et rĂ©paration. Le membre du cabinet a rĂ©pondu le jour-mĂȘme, lui assurant qu’il allait se renseigner et reviendrait vers lui dĂšs que possible. AprĂšs plus d’un mois sans rĂ©ponse, Abdelmoumni a envoyĂ© le 1er dĂ©cembre un autre texto Ă  la mĂȘme personne, l’informant qu' en l’absence de rĂ©ponse, [il] considĂšre qu'[il] est dans une situation oĂč l’administration refuse arbitrairement d’appliquer la loi ». Abdelmoumni n’avait toujours reçu aucune rĂ©ponse au moment de la rĂ©daction de ce rapport, un an et demi plus tard. Human Rights Watch a consultĂ© les lettres, la documentation, ainsi que les captures d’écran de messages WhatsApp fournies par Abdelmoumni. 3. Hajar Raissouni Hajar Raissouni, 30 ans, est une journaliste qui travaillait au quotidien indĂ©pendant Akhbar Al-Yaoum, aujourd’hui fermĂ©. Elle a couvert des sujets sociaux et politiques, notamment le Hirak, un mouvement de protestation qui a organisĂ© de grands rassemblements dans la rĂ©gion du Rif au nord du Maroc en 2017, avant que les autoritĂ©s ne le rĂ©priment.[81] ParentĂ© avec des dissidents cĂ©lĂšbres Je crois que la raison principale de mes problĂšmes, en plus de cibler Akhbar Al-Yaoum que les autoritĂ©s n’aimaient pas en raison de son indĂ©pendance, Ă©tait qu’elles voulaient s’en prendre Ă  ma famille », a confiĂ© Hajar Raissouni Ă  Human Rights Watch.[82] L’oncle de Hajar, Soulaiman Raissouni, Ă©tait en 2019 le rĂ©dacteur en chef d’Akhbar Al-Yaoum, connu pour ses Ă©ditoriaux acerbes, en particulier ceux visant de hauts responsables sĂ©curitaires, des officiels du palais royal ainsi que le roi lui-mĂȘme, parfois sur le plan personnel. Soulaiman Raissouni, cible rĂ©currente des mĂ©dias pro-Makhzen spĂ©cialisĂ©s dans la diffamation des opposants, sera plus tard arrĂȘtĂ© et emprisonnĂ© sur des accusations d’agression sexuelle voir le chapitre sur son cas.[83] Un autre oncle de Hajar, Ahmed Raissouni, penseur islamiste connu, est le prĂ©sident de l’Union internationale des oulĂ©mas musulmans, une organisation thĂ©ologique basĂ©e au Qatar. Il a succĂ©dĂ© Ă  ce poste Ă  Youssef Al-Qaradawi, l’un des prĂ©dicateurs les plus cĂ©lĂšbres du monde musulman. Avant d’obtenir la reconnaissance internationale, Ahmed Raissouni a dirigĂ© At-Tawhid Wal-Islah, une association qui sert de think-tank religieux et de rĂ©servoir de cadres au parti de la Justice et du DĂ©veloppement, une formation islamiste que le palais royal au Maroc a longtemps perçue comme son principal adversaire politique.[84] Un cousin de Hajar, Youssef Raissouni, est le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’Association marocaine des droits humains, organisation indĂ©pendante de dĂ©fense des droits humains la plus importante du pays, qui est depuis longtemps dans le collimateur des autoritĂ©s.[85] Youssef Raissouni a Ă©galement l’habitude d’ĂȘtre la cible d’articles Ă  sensation dans les mĂ©dias pro-Makhzen.[86] Arrestation et poursuites pour relations sexuelles illicites Le 31 aoĂ»t 2019, Ă  la mi-journĂ©e, six policiers en civil ont arrĂȘtĂ© Hajar Raissouni ainsi que son fiancĂ©, l’universitaire soudanais Rifaat Al-Amin, dans une rue du quartier de l’Agdal de Rabat, prĂšs d’un cabinet de gynĂ©cologie-obstĂ©trique oĂč Raissouni avait eu un rendez-vous quelques minutes plus tĂŽt.[87] Les policiers ont ramenĂ© le couple au cabinet, oĂč ils ont arrĂȘtĂ© le mĂ©decin ainsi que deux assistants, avant de les conduire tous Ă  un poste de police de Rabat pour interrogatoire. Plus tard dans la journĂ©e, la police a conduit Raissouni Ă  l’hĂŽpital Ibn Sina de Rabat, oĂč le personnel l’a soumise Ă  un examen gynĂ©cologique sans son consentement. Elle a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu’elle Ă©tait encore affaiblie et qu’elle saignait toujours Ă  cause de l’ablation d’un caillot de sang que le gynĂ©cologue avait pratiquĂ©e sur elle quelques heures auparavant. De tels examens, lorsqu’ils sont effectuĂ©s sans consentement, peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des violences sexuelles ainsi que des traitements cruels, inhumains et dĂ©gradants au regard des normes internationales des droits humains.[88] Raissouni est restĂ©e dĂ©tenue au poste de police pendant 48 heures, au cours desquelles la police l’a interrogĂ©e sur sa vie intime, lui demandant notamment si elle avait subi un avortement, ce qu’elle a niĂ©. Le 2 septembre 2019, Raissouni a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e au tribunal de premiĂšre instance de Rabat, oĂč un procureur l’a accusĂ©e d’avortement illĂ©gal et de relations sexuelles hors mariage, infractions passibles respectivement de deux et un an de prison.[89] Violations de la vie privĂ©e Dans une lettre Ă©crite depuis la prison et publiĂ©e dans Akhbar Al-Yaoum le 4 septembre 2019, Raissouni a dĂ©crit comment la police lui avait posĂ© plusieurs questions sur ses proches, dont ses deux oncles et son cousin.[90] Elle a Ă©galement indiquĂ© que les interrogateurs de la police avaient posĂ© des questions spĂ©cifiques sur ses relations avec son fiancĂ©, qui lui avaient permis de comprendre que leur couple Ă©tait sous surveillance. Les questions de la police comprenaient des dĂ©tails aussi prĂ©cis que les dates et les heures oĂč Raissouni venait Ă  l’appartement de son fiancĂ© pour promener son chien – et mĂȘme le nom du chien. Raissouni a expliquĂ© Ă  Human Rights Watch que ces informations ne pouvaient avoir Ă©tĂ© obtenues que par le biais d’une surveillance physique et/ou Ă©lectronique. Le 5 septembre, Abdeslam Al-Imani, un procureur Ă  Rabat, a publiĂ© un communiquĂ©, largement diffusĂ© aux mĂ©dias, dĂ©taillant les allĂ©gations contre Hajar Raissouni. Le communiquĂ© comprenait des dĂ©tails personnels pointus sur sa santĂ© sexuelle et reproductive, en violation totale de son droit Ă  la vie privĂ©e. Quelques jours plus tard, Chouf TV, un mĂ©dia pro-Makhzen, a publiĂ© une interview vidĂ©o de Mohamed El Hini, un ex-juge qui soutient frĂ©quemment les autoritĂ©s lors de dĂ©clarations aux mĂ©dias.[91] Niant toute conspiration » [contre Hajar Raissouni], et notant qu’elle admettait des relations sexuelles avec plusieurs parties », El Hini a commentĂ© Est-ce que ce sont les autoritĂ©s qui ont introduit du sperme dans [son] vagin ? » Condamnation et grĂące royale Le 30 septembre 2019, un tribunal de Rabat a condamnĂ© Raissouni Ă  un an de prison pour avortement et relations sexuelles hors mariage.[92] Son fiancĂ© a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  un an de prison pour complicitĂ© d’avortement et relations sexuelles illicites, et le mĂ©decin inculpĂ© pour avoir pratiquĂ© l’avortement a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  deux ans de prison. Dans son jugement Ă©crit, le tribunal a rejetĂ© toutes les requĂȘtes de la dĂ©fense et a fondĂ© son verdict de culpabilitĂ© sur un rapport de police mentionnant que Raissouni avait avouĂ© » l’avortement – alors mĂȘme qu’elle avait refusĂ© de signer ce rapport, selon un examen du jugement publiĂ© dans Akhbar Al-Yaoum.[93] Au cours du procĂšs, auquel Human Rights Watch a assistĂ©, Raissouni ainsi que le mĂ©decin ont niĂ© qu’un avortement ait jamais Ă©tĂ© pratiquĂ©. Raissouni a affirmĂ© qu’elle avait consultĂ© son gynĂ©cologue parce qu’elle souffrait d’une hĂ©morragie vaginale, que le mĂ©decin a confirmĂ© avoir stoppĂ©e. Le tribunal a Ă©galement fondĂ© son verdict sur l’examen gynĂ©cologique effectuĂ© sur Raissouni alors qu’elle Ă©tait en garde Ă  vue, mĂȘme si la dĂ©fense a demandĂ© le rejet du rapport mĂ©dical qui en avait rĂ©sultĂ©, au motif qu’il avait Ă©tĂ© obtenu contre la volontĂ© de leur cliente. Le Dr Hicham BenyaĂŻch, directeur de l’institut de mĂ©decine lĂ©gale de l’hĂŽpital Ibn Rochd de Casablanca et expert juridique frĂ©quemment sollicitĂ© par les tribunaux marocains – bien qu’il n’ait pas participĂ© au procĂšs Raissouni – a publiquement remis en question les conclusions ainsi que la mĂ©thodologie du rapport mĂ©dical.[94] Selon BenyaĂŻch, cet examen invasif » Ă©tait destinĂ© Ă  fournir des moyens de preuve Ă  l’adversaire de Raissouni devant les tribunaux », et Ă©tait illĂ©gal, car il violait en mĂȘme temps les garanties d’un procĂšs Ă©quitable et le secret mĂ©dical, et pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme de la torture ».[95] Suite au tollĂ© international en dĂ©fense de la journaliste, Raissouni, son fiancĂ© et le mĂ©decin ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s le 16 octobre 2019 par une grĂące royale, aprĂšs avoir passĂ© 45 jours en prison.[96] En juillet 2020, Raissouni a quittĂ© le Maroc pour le Soudan, oĂč elle vit actuellement avec Al-Amin, dĂ©sormais son mari. Raissouni a confiĂ© Ă  Human Rights Watch Nous avions initialement prĂ©vu de vivre au Maroc, mais aprĂšs toute cette surveillance, cette diffamation et ce harcĂšlement, je ne pouvais plus supporter de vivre quotidiennement dans la peur. »[97] AprĂšs son dĂ©part, Raissouni est restĂ©e la cible d’articles calomnieux rĂ©currents dans les mĂ©dias pro-Makhzen. En novembre 2020, le site Barlamane a insistĂ©, malgrĂ© ses dĂ©nĂ©gations rĂ©pĂ©tĂ©es, qu’elle avait avortĂ© avant son arrestation, et a soulevĂ© des doutes sur l’origine du sperme mort retrouvĂ© en elle ».[98] En mars 2021, aprĂšs que Raissouni ait publiĂ© un article sur un site web libanais intitulĂ© La presse de diffamation est derriĂšre tout ce qui va mal au Maroc », Barlmane a Ă©crit qu’elle souffrait de diarrhĂ©e de blogging tĂ©lĂ©commandĂ© ».[99] 4. Maati Monjib Historien, militant de la libertĂ© d'expression et activiste politique ĂągĂ© de 60 ans, il a fait l’objet de harcĂšlement par les mĂ©dias pro-Makhzen, d’une interdiction de voyager arbitraire, d’intimidations physiques contre lui et ses associĂ©s, de poursuites judiciaires Ă  motivation politique, de procĂ©dures judiciaires inĂ©quitables, de dĂ©tention provisoire injustifiĂ©e ainsi que de surveillance par le biais de son smartphone. Titulaire de deux doctorats en histoire, Maati Monjib a enseignĂ© dans des universitĂ©s au Maroc, au SĂ©nĂ©gal et aux États-Unis. Ancien boursier Fulbright et chercheur invitĂ© au Brookings Institute de Washington, il est l'auteur de trois livres sur l'histoire contemporaine du Maroc. Dans les annĂ©es 1980 et au dĂ©but des annĂ©es 1990, Monjib Ă©tait un membre actif de la section française de l'Union nationale des Ă©tudiants du Maroc et de l'Association de dĂ©fense des droits de l'Homme au Maroc ASDHOM, deux organisations militant pour la dĂ©mocratie et la libĂ©ration des prisonniers politiques. Sa premiĂšre confrontation avec les autoritĂ©s remonte Ă  avril 1995. Rentrant au Maroc aprĂšs des annĂ©es passĂ©es Ă  l'Ă©tranger, il est arrĂȘtĂ© par la police des frontiĂšres d'Agadir. Selon Monjib, la police l'a interrogĂ© sur ses activitĂ©s politiques en France – en particulier une interview accordĂ©e Ă  un journaliste français, dans laquelle il qualifiait le roi de l'Ă©poque, Hassan II, de voyou ».[100] Monjib a Ă©tĂ© relĂąchĂ© au bout de 36 heures. Il a quittĂ© le Maroc peu aprĂšs pour le SĂ©nĂ©gal, oĂč il a dĂ©crochĂ© un poste d'enseignant universitaire. AprĂšs la publication en 1992 de son premier livre, La monarchie marocaine et la lutte pour le pouvoir, Monjib, qui vivait Ă  l'Ă©tranger Ă  l'Ă©poque, a dĂ©clarĂ© que sa mĂšre et son frĂšre l'appelaient rĂ©guliĂšrement pour signaler des visites d'agents de police qui leur posaient des questions sur ses activitĂ©s. Monjib est rentrĂ© au Maroc aprĂšs que Mohammed VI ait succĂ©dĂ© Ă  Hassan II en 1999. Il a pris un poste d'enseignant Ă  l'UniversitĂ© de MeknĂšs, avant d'ĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă  l'UniversitĂ© Mohammed V de Rabat. À la mĂȘme Ă©poque, il a commencĂ© Ă  rĂ©diger une chronique politique dans l'hebdomadaire Le Journal, alors pionnier de la presse critique indĂ©pendante au Maroc sous Mohammed VI. Il a Ă©galement collaborĂ© pendant des annĂ©es avec le magazine marocain d'histoire Zamane. Lancement d'un front d'opposition uni En 2007, Monjib a initiĂ© une sĂ©rie de rencontres entre dirigeants de partis et associations de gauche laĂŻcs et islamistes, dans le but de crĂ©er un front uni d'opposition contre le Makhzen.[101] Huit rĂ©unions de ce type se sont tenues dans les annĂ©es suivantes, auxquelles ont participĂ© des dirigeants politiques des deux camps. Certaines rĂ©unions ont eu lieu dans des rĂ©sidences privĂ©es, tandis que d'autres se sont tenues publiquement, attirant une cinquantaine de personnes. Certaines des rĂ©unions publiques ont Ă©tĂ© soutenues et financĂ©es par le Conseil de paix inter-Ă©glises IKV Pax Christi, une organisation nĂ©erlandaise Ɠuvrant pour la paix, la rĂ©conciliation et la justice dans le monde », selon son site Internet.[102] S’appuyant en partie sur les informations qu'il a accumulĂ©es au cours de ces rĂ©unions, Monjib a publiĂ© en 2011 un document de recherche pour l'institut Brookings de Washington intitulĂ© Le processus de dĂ©mocratisation’ au Maroc progrĂšs, obstacles et impact de la fracture islamiste-laĂŻque ».[103] Monjib a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que dĂšs le dĂ©but de ces rĂ©unions, lui et d'autres organisateurs Ă©taient frĂ©quemment suivis Ă  Rabat par des voitures et des hommes en civil, alors qu'ils vaquaient Ă  leurs activitĂ©s quotidiennes.[104] Quand il partait en voyage Ă  l'Ă©tranger ou en revenait, la police des frontiĂšres l'interrogeait systĂ©matiquement sur ses activitĂ©s politiques. Intimidation et menaces Le 6 avril 2014, l'initiative de Monjib d'unir l'opposition au Makhzen a fait un pas en avant. La rĂ©union tenue ce jour-lĂ  rassemblait non seulement des dirigeants d’opposition islamistes et de gauche, mais Ă©galement des leaders du Parti de la Justice et du DĂ©veloppement – alors l'Ă©pine dorsale du gouvernement nommĂ© deux ans plus tĂŽt par le roi Mohammed VI. La rĂ©union s'est terminĂ©e par une rĂ©solution visant Ă  rĂ©diger une plate-forme politique commune – sans doute le dĂ©fi le plus tangible Ă  la domination du palais royal sur la politique marocaine depuis des dĂ©cennies. À peu prĂšs au mĂȘme moment, une crise diplomatique secouait le Maroc et la France. Le 20 fĂ©vrier 2014, un juge d'instruction français avait profitĂ© de la prĂ©sence en France d'Abdellatif Hammouchi, le puissant directeur gĂ©nĂ©ral de la police marocaine, pour le convoquer afin de rĂ©pondre d'accusations de complicitĂ© dans des actes de torture. Hammouchi a quittĂ© la France sans rĂ©pondre Ă  la convocation. En rĂ©action, le ministre marocain des Affaires Ă©trangĂšres a convoquĂ© l'ambassadeur de France pour une protestation officielle.[105] InterrogĂ© par la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision France 24 sur ce qu'il pensait de la convocation judiciaire d'Hammouchi, Monjib a rĂ©pondu Pourquoi pas, s'il y a des preuves contre lui ? », a dĂ©clarĂ© Monjib Ă  Human Rights Watch. Monjib a expliquĂ© Ă  Human Rights Watch que la pression exercĂ©e sur lui par les autoritĂ©s s'est intensifiĂ©e aprĂšs cette dĂ©claration, et aussi parce que les autoritĂ©s l’identifiaient comme le principal architecte du front d'opposition islamistes-laĂŻcs. À partir de lĂ , a ajoutĂ© Monjib, les pratiques d’intimidation Ă  son Ă©gard se sont accĂ©lĂ©rĂ©es. Le 14 juillet 2014, raconte Monjib, un inconnu qui marchait derriĂšre lui dans une rue de Rabat l’a attrapĂ© par l'Ă©paule et lui a dit Tu pues de la bouche, tu devrais la fermer. » Le 22 septembre 2014, un autre inconnu l'a abordĂ© dans une rue de Rabat et lui a dit Si tu ne te tais pas, Daech va s'occuper de toi », avant de s'Ă©loigner rapidement. Daech est l'acronyme arabe de l’État islamique, le groupe armĂ© qui a acquis une notoriĂ©tĂ© mondiale Ă  l'Ă©tĂ© 2014 aprĂšs avoir violemment pris le contrĂŽle de vastes Ă©tendues de territoire en Irak et en Syrie. Monjib a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que ce dernier cas d'intimidation s'est produit deux jours avant l'agression physique contre son collĂšgue, Hicham Mansouri voir le chapitre sur Mansouri. Avalanche de diffamation ParallĂšlement Ă  ces agressions physiques, Monjib a subi une avalanche d'article diffamatoires dans les mĂ©dias pro-Makhzen. Le 4 juillet 2021, Human Rights Watch a dĂ©nombrĂ© 645 articles mentionnant Maati Monjib, avec un contenu extrĂȘmement insultant et de frĂ©quentes atteintes Ă  sa vie privĂ©e. Les articles Ă©taient parus depuis 2015 en arabe et en français sur huit sites internet connus pour s'aligner systĂ©matiquement sur les autoritĂ©s et calomnier rageusement leurs dĂ©tracteurs. Le dĂ©compte omet beaucoup d’autres sites Web ou de journaux imprimĂ©s de ce type. Un profil en ligne de Monjib mentionnait 1 500 articles de ce type.[106] Parmi les titres de ces articles Maati Monjib, l'historien menteur », Secrets et vĂ©ritĂ©s sur le renĂ©gat qui a trahi le Maroc », Merde aux traĂźtres Maati Monjib est un agent Ă©tranger », Monjib un vendu, menteur, ingrat, et le reste est Ă  venir... », L'esprit criminel de Maati Monjib », Maati Monjib l'homme qui vend une idĂ©ologie qui justifie le viol des femmes », Maati Monjib un avocat du terrorisme » et La vĂ©ritĂ© sur la relation de Monjib avec la CIA ». [107] Dans un Ă©ditorial publiĂ© en aoĂ»t 2016, Monjib a Ă©numĂ©rĂ© certaines des allĂ©gations diffamatoires portĂ©es contre lui par des journaux et des sites Web Ă©troitement liĂ©s, selon lui, Ă  des bureaux clandestins » de l'État.[108] Les allĂ©gations incluaient que Monjib souffre d'impuissance prĂ©coce », travaille main dans la main avec des djihadistes », est un farouche dĂ©fenseur de la perversion sexuelle », un antisĂ©mite » et un historien nĂ©gationniste de l'Holocauste ». Monjib a niĂ© toutes ces accusations dans l'Ă©ditorial, et dans des conversations avec Human Rights Watch. Dans un entretien, Monjib a Ă©galement notĂ© que ces articles nommaient rĂ©guliĂšrement les membres de sa famille et ses amis proches, en particulier les femmes, avec des allĂ©gations diffamatoires sur leur vie sexuelle.[109] Ces accusations causent Ă©normĂ©ment de stress aux personnes non politisĂ©es » de son entourage, car elles ne sont pas prĂ©parĂ©es Ă  subir de telles attaques », a-t-il dĂ©clarĂ©. L'un des sobriquets dont les sites Web pro-Makhzen affublaient rĂ©guliĂšrement Monjib Ă©tait pilier de la cinquiĂšme colonne », probablement une rĂ©fĂ©rence Ă  son rĂŽle important au sein du Conseil de soutien » que certains partis politiques et organisations de la sociĂ©tĂ© civile avaient créé en 2011 pour fournir conseils et soutien logistique au mouvement du 20 FĂ©vrier », branche marocaine du Printemps arabe.[110] Interdiction de voyager, grĂšve de la faim En mai 2015, des contrĂŽleurs fiscaux ont examinĂ© les livres de comptes du Centre Ibn Rochd voir la section sur l'Association marocaine pour le journalisme d'investigation, dans le dernier chapitre de ce rapport. Monjib avait dĂ©cidĂ© de fermer le centre six mois plus tĂŽt en raisons, a-t-il dĂ©clarĂ©, de multiples tentatives des autoritĂ©s d’empĂȘcher ses activitĂ©s.[111] Le 31 aoĂ»t 2015, alors qu'il revenait d'un voyage Ă  l'Ă©tranger, Monjib a Ă©tĂ© briĂšvement dĂ©tenu pour interrogatoire Ă  l'aĂ©roport Mohammed V de Casablanca. C’est lĂ  qu’il a appris que la police enquĂȘtait sur lui. Deux semaines plus tard, la Brigade nationale de la police judiciaire a convoquĂ© Monjib. L’interrogant au sujet du Centre Ibn Rochd, la police l’a accusĂ© de porter atteinte Ă  la crĂ©dibilitĂ© des institutions de l'État », a dĂ©clarĂ© Monjib. Les autoritĂ©s aĂ©roportuaires l'ont ensuite empĂȘchĂ© de quitter le pays pour se rendre Ă  Barcelone le 16 septembre, et en NorvĂšge le 7 octobre. Monjib a entamĂ© une grĂšve de la faim le 7 octobre 2015 pour protester contre le harcĂšlement dont il faisait l’objet et contre son interdiction de facto quitter le territoire du Maroc. De facto car Ă  ce stade, Monjib n’avait Ă©tĂ© officiellement notifiĂ© de rien – mĂȘme si de mĂ©dias marocains, citant des officiels, avaient avancĂ© que l'interdiction de voyage de Monjib Ă©tait une mesure judiciaire liĂ©e a une enquĂȘte sur des irrĂ©gularitĂ©s financiĂšres » prĂ©sumĂ©es au Centre Ibn Rochd.[112] Le 19 octobre, Monjib a rĂ©pondu Ă  une autre convocation de la police pour interrogatoire sur les finances du centre. AprĂšs 12 jours de grĂšve de la faim, il s'est rendu au poste de police dans une ambulance et un fauteuil roulant.[113] Une campagne internationale de soutien appelant les autoritĂ©s Ă  mettre fin au harcĂšlement contre Monjib a recueilli les signatures de plus de 50 ONG et 1 000 universitaires, journalistes et dĂ©fenseurs des droits.[114] Le 29 octobre, le tribunal administratif de Rabat a rejetĂ© une requĂȘte de Monjib visant Ă  dĂ©clarer illĂ©gale son interdiction de voyager. Le mĂȘme jour, cependant, le parquet a informĂ© l'avocat de Monjib qu'il levait l'interdiction de voyager et que son client serait traduit en justice. Il a alors mis fin Ă  sa grĂšve de la faim. AprĂšs cela, a-t-il dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch Le 19 octobre a subi un dĂ©luge » d'articles diffamatoires. Un jour, j'Ă©tais dans un kiosque Ă  journaux et il y avait une photo de moi sur chaque journal en vente », a-t-il dĂ©clarĂ©. Il a ajoutĂ© que des voitures de police se prĂ©sentaient frĂ©quemment devant son domicile et y restaient pendant des heures ». Smartphone InfectĂ© par un logiciel espion Le 10 octobre 2019, Amnesty International a signalĂ© des attaques numĂ©riques ciblĂ©es » contre Monjib et un autre dĂ©fenseur des droits humains, qui duraient au moins depuis 2017.[115] Amnesty a identifiĂ© l’outil utilisĂ© pour ces attaques comme Ă©tant Pegasus, un logiciel qui, introduit subrepticement sur un smartphone, prend le contrĂŽle de tout son contenu. En rĂ©ponse aux preuves fournies par Amnesty, selon lesquelles Pegasus a Ă©tĂ© utilisĂ© pour cibler Monjib et un autre dĂ©fenseur marocain des droits humains, NSO Group a rĂ©pondu Nos produits sont dĂ©veloppĂ©s pour aider la communautĂ© du renseignement et des forces de l'ordre Ă  sauver des vies. Ce ne sont pas des outils pour surveiller les dissidents ou les militants des droits humains. C'est pourquoi les contrats avec tous nos clients permettent l'utilisation de nos produits uniquement Ă  des fins lĂ©gitimes de prĂ©vention et d'enquĂȘte sur le crime et le terrorisme. Si nous dĂ©couvrons que nos produits ont Ă©tĂ© utilisĂ©s Ă  mauvais escient en violation du contrat, nous prendrons les mesures appropriĂ©es. » Les mesures en question peuvent inclure, ajoute la rĂ©ponse, la suspension ou la rĂ©siliation immĂ©diate de l'utilisation du produit par un client, comme NSO l'a fait dans le passĂ©. » En juillet 2021, une enquĂȘte menĂ©e par le consortium journalistique Forbidden Stories a rĂ©vĂ©lĂ© que le Maroc aurait continuĂ© Ă  utiliser Pegasus au moins deux ans aprĂšs les rĂ©vĂ©lations d'Amnesty en 2019.[116] Accusations de blanchiment d’argent Le 7 octobre 2020, un procureur de Rabat a publiĂ© un communiquĂ© annonçant qu'il ouvrait une enquĂȘte contre Monjib pour blanchiment d'argent ».[117] Les poursuites, selon le communiquĂ©, ont Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©es par une notification d'une unitĂ© de police spĂ©cialisĂ©e dans les dĂ©lits financiers selon laquelle d’importants transferts de fonds » initiĂ©s par Monjib et une liste de biens immobiliers » qu'il possĂ©dait ne correspondaient pas aux revenus habituels dĂ©clarĂ©s par M. Monjib et les membres de sa famille ». Dans les trois mois qui ont suivi cette annonce, la police judiciaire de Casablanca a convoquĂ© Monjib une dizaine de fois, exigeant de lui qu’il prouver que les biens qu'il avait acquis tout au long de sa vie l'avaient Ă©tĂ© avec de l'argent lĂ©gitimement gagnĂ© », et aussi qu’il prouve que les opĂ©rations bancaires qu'il avait menĂ©es n'avaient pas pour but de blanchir des sommes obtenues illĂ©galement », a-t-il dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch. Barlamane, un site Web pro-Makhzen, a publiĂ© plus tard un long article exposant apparemment les dĂ©tails de l'affaire judiciaire contre Monjib, avant mĂȘme que celui-ci n'ait eu accĂšs Ă  son propre dossier au moment de la rĂ©daction de ce rapport, plus de deux ans aprĂšs l'ouverture de l’enquĂȘte, Monjib n'avait toujours pas reçu son dossier.[118] Barlamane avait dĂ©jĂ  dans le passĂ© publiĂ© des fuites d'Ă©lĂ©ments de dossiers impliquant des dĂ©tracteurs de l'État, avant mĂȘme que les accusĂ©s eux-mĂȘmes ou leurs avocats n'aient accĂšs aux dossiers en question.[119] L'article de Barlamane mentionnait que Monjib possĂ©dait d'importants biens immobiliers ». Dans une vidĂ©o de 10 minutes publiĂ©e sur YouTube le 1er octobre 2020, Monjib a indiquĂ© qu'il possĂšde un appartement dans le quartier Agdal de Rabat, une petite maison dans la ville de Harhoura prĂšs de Rabat, oĂč il vit, et un appartement Ă  Benslimane, la ville dont il est originaire.[120] Monjib a expliquĂ© avoir achetĂ© ces trois propriĂ©tĂ©s sur une pĂ©riode de 30 ans pour un total d'environ 175 000 dollars US, ce qui n’a rien d'extravagant et est tout Ă  fait dans [ses] moyens », a-t-il dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch. L'article de Barlamane prĂ©tend Ă©galement, dans ce qui semble ĂȘtre la pierre angulaire de l'accusation de blanchiment d'argent », que l'aide Ă©trangĂšre pour soutenir le Centre Ibn Rochd et l'AMJI avait Ă©tĂ© illĂ©galement dĂ©tournĂ©e vers les comptes personnels de Monjib, sa femme et sa sƓur. À la connaissance de Human Rights Watch, aucune organisation internationale n'a jamais portĂ© plainte pour dĂ©tournement des fonds qu'elle aurait accordĂ©s au Centre Ibn Rochd ou Ă  l'AMJI. Dans un communiquĂ© publiĂ© le 15 janvier 2021, Free Press Unlimited, l'une de ces organisations, a dĂ©clarĂ© que Maati Monjib Ă©tait un partenaire trĂšs respectĂ©s » et devrait ĂȘtre acquittĂ© de toutes les accusations contre lui. »[121] ArrĂȘtĂ©, sans accĂšs au dossier Le 29 dĂ©cembre 2020, des agents de la police ont arrĂȘtĂ© Monjib Ă  Rabat, et un juge d'instruction a ordonnĂ© son placement en dĂ©tention provisoire dans l'attente de la clĂŽture d'une enquĂȘte contre lui pour dĂ©tournement de fonds et blanchiment d'argent.[122] Lorsque quelques jours plus tard, ses avocats ont demandĂ© au juge d'instruction de leur remettre une copie du dossier afin qu'ils puissent le transmettre Ă  Monjib dans sa cellule, le juge a refusĂ©. Deux avocats de Monjib ont expliquĂ© Ă  Human Rights Watch que le juge avait autorisĂ© les avocats de la dĂ©fense Ă  prendre des notes manuscrites dans le bureau du juge, mais leur avait interdit de photocopier le dossier. La plupart des avocats ont refusĂ©, faisant valoir qu'ils n'Ă©taient pas en mesure d'Ă©tudier correctement le dossier dans de telles conditions. Selon eux, le dossier contient plus d'un millier de pages et comprend des documents financiers denses et multiples. Au cours de ses nombreuses annĂ©es d'observation des procĂšs au Maroc, notamment des dissidents, Human Rights Watch a observĂ© que les avocats de la dĂ©fense Ă©taient toujours autorisĂ©s Ă  faire des copies des dossiers et Ă  les transmettre Ă  leurs clients, qu'ils soient en prison ou en libertĂ© provisoire. En vertu du droit international, les accusĂ©s et leurs avocats ont le droit d'accĂ©der pleinement et en bonne et due forme aux dossiers judiciaires, afin de consulter les Ă©lĂ©ments retenus contre eux et ainsi prĂ©parer leur dĂ©fense devant le tribunal. Refuser un tel accĂšs compromet le droit de l'accusĂ© de prĂ©parer sa dĂ©fense et viole le principe d' Ă©galitĂ© des armes » d'un procĂšs Ă©quitable – selon lequel les deux parties doivent avoir accĂšs aux mĂȘmes documents prĂ©sentĂ©s au tribunal, avec suffisamment de temps pour se prĂ©parer. Pendant que Monjib et ses avocats se voyaient refuser l'accĂšs au dossier, les mĂ©dias pro-Makhzen en recevaient apparemment des copies fuitĂ©es » complĂštes, et n’hĂ©sitaient pas Ă  utiliser les Ă©lĂ©ments ainsi obtenus pour accabler Monjib. Parmi les titres publiĂ©s dans ces sites Justice les dĂ©tails des transactions frauduleuses de Maati Monjib », Monjib une machine Ă  blanchir de l'argent au nom des droits de l'homme », La vĂ©ritĂ© exposĂ©e Maati gagne une tonne d'argent grĂące au commerce des droits de l'homme » et Nouvelles rĂ©vĂ©lations sur la cupiditĂ© de Maati Monjib ».[123] Un nouveau sobriquet a Ă©mergĂ© dans ces articles Maati Moul Jib », jeu de mots entre Monjib et Moul Jib », l’homme Ă  la poche » en arabe marocain.[124] Un de ces sites Web a ainsi titrĂ© Combien Maati Monjib a-t-il de poches ? »[125] JugĂ© par contumace alors qu'il se trouvait dans le mĂȘme bĂątiment Le 27 janvier 2021, le tribunal de premiĂšre instance de Rabat a reconnu Monjib et six coaccusĂ©s coupables de plusieurs chefs d’accusation, notamment d'avoir reçu des fonds d'une organisation Ă©trangĂšre dans le but de porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure du Maroc. » L'affaire, distincte de celle du blanchiment d’argent, avait Ă©tĂ© ouverte en 2015. Elle reposait sur une subvention accordĂ©e par une ONG nĂ©erlandaise Ă  l’Association Marocaine pour le Journalisme d’Investigation AMJI, organisation créée par Monjib et d'autres militants, afin d’organiser des formations pour une application de journalisme citoyen pour plus de dĂ©tails, voir la section sur l’AMJI dans le dernier chapitre de ce rapport. Monjib et ses coaccusĂ©s Ă©taient accusĂ©s d'avoir enfreint l'article 206 du code pĂ©nal qui stipule qu' une personne est coupable d'atteinte Ă  la sĂ»retĂ© intĂ©rieure de l'État... si elle reçoit, directement ou indirectement, un soutien de l'Ă©tranger destinĂ© ou utilisĂ© pour financer une activitĂ© ou propagande de nature Ă  porter atteinte Ă  l'intĂ©gritĂ©, Ă  la souverainetĂ© ou Ă  l'indĂ©pendance du Royaume, ou Ă  Ă©branler la fidĂ©litĂ© que les citoyens doivent Ă  l'État et aux institutions du peuple marocain. » Cette accusation est passible de cinq ans de prison. Le tribunal a condamnĂ© Monjib et trois coaccusĂ©s Ă  un an de prison, un cinquiĂšme Ă  trois mois de prison avec sursis, et les deux derniers Ă  une amende. Un tribunal de Rabat avait tenu une vingtaine d’audiences dans cette affaire entre 2015 et 2020.[126] À chaque fois, l'audience a Ă©tĂ© ajournĂ©e aprĂšs quelques minutes car trois des sept accusĂ©s qui avaient fui le Maroc ne s’étaient pas prĂ©sentĂ©s au tribunal. Les reports incessants Ă©taient aussi possiblement motivĂ©s par la large publicitĂ© internationale donnĂ©e Ă  l’affaire, notamment par Human Rights Watch et des organisations de dĂ©fense de la libertĂ© de la presse.[127] Le 27 janvier 2021, les avocats de Monjib n’ont appris le verdict qu’aprĂšs avoir accĂ©dĂ© au portail Internet du ministĂšre de la Justice. Par le mĂȘme biais et Ă  leur grande surprise, ils ont appris que le procĂšs avait en fait repris une semaine auparavant, le 20 janvier. Ce jour-lĂ , le tribunal a tenu une sĂ©ance sur cette affaire en l'absence de Monjib et de ses avocats. Aucun d’entre eux n’avait Ă©tĂ© informĂ© de la sĂ©ance, ont-ils dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch. AprĂšs cinq ans et une vingtaine de reports, il n’a fallu qu’une seule sĂ©ance pour que le tribunal examine une affaire complexe impliquant sept accusĂ©s, et la clĂŽture le jour-mĂȘme pour dĂ©libĂ©ration. Selon une dĂ©claration signĂ©e par les avocats de Monjib Abdelaziz Nouaydi, Mohamed Messaoudi, Naima El Guellaf, Mohamed Jalal et Omar Bendjelloun, et examinĂ©e par Human Rights Watch, Monjib et eux Ă©taient prĂ©sents au tribunal oĂč s'est tenue la du 20 janvier. Mais ils Ă©taient dans une autre salle, assistant Monjib pendant qu’un juge d'instruction l'interrogeait sur une autre affaire, celle du blanchiment d'argent. Selon le communiquĂ© des avocats, l’interrogatoire du juge d’instruction s'est terminĂ© Ă  15h30, heure Ă  laquelle les avocats ont quittĂ© le tribunal tandis que Monjib, toujours en dĂ©tention provisoire, Ă©tait reconduit Ă  la prison d'El Arjat Ă  SalĂ©, prĂšs de Rabat. Le 1er fĂ©vrier 2021, le Conseil supĂ©rieur du pouvoir judiciaire, organe officiel que Constitution charge de garantir l'indĂ©pendance de la justice », a publiĂ© un communiquĂ© Ă  ce sujet.[128] Le communiquĂ© disait Maati Monjib a Ă©tĂ© dĂ©fĂ©rĂ© au tribunal le 20 janvier pour comparaĂźtre devant le juge d'instruction et aprĂšs avoir quittĂ© le bureau d'instruction Ă  11h30, il n'a pas Ă©tĂ© renvoyĂ© en prison et est restĂ© au tribunal, traduisant le souci des autoritĂ©s judiciaires compĂ©tentes de lui permettre d’exercer son droit d'assister Ă  l'audience relative au procĂšs de 2015, qui a dĂ©butĂ© Ă  15h30, car bien qu'il soit en dĂ©tention dans le cadre de l'affaire de blanchiment, il reste en libertĂ© concernant l'affaire de 2015. L'accusĂ© a donc Ă©tĂ© retenu dans l'enceinte du tribunal en attendant qu'il exprime sa volontĂ© d'ĂȘtre prĂ©sent Ă  l'audience, mais il n'a pas fait cette dĂ©marche, ni lui ni sa dĂ©fense, bien qu'il ait Ă©tĂ© informĂ© de la date de l'audience 
 À la fin de l'audience, il a Ă©tĂ© reconduit Ă  la prison. DĂšs lors, son absence, comme celle de sa dĂ©fense, relĂšve d'une dĂ©cision personnelle volontaire. Dans leur dĂ©claration, les cinq avocats de Monjib affirment qu'Ă  aucun moment le 20 janvier, ni avant ce jour-lĂ , ni eux ni Monjib n'ont Ă©tĂ© informĂ©s, formellement ou informellement, qu'une sĂ©ance du procĂšs de 2015 se tiendrait Ă  15h30 dans ce mĂȘme bĂątiment qu'ils venaient de quitter. L'un d'eux a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch L'idĂ©e qu'une personne puisse ĂȘtre "en dĂ©tention dans le cadre d’une affaire mais en mĂȘme temps libre dans le cadre d’une autre" est absurde et sans prĂ©cĂ©dent. Quand vous ĂȘtes en dĂ©tention, vous ĂȘtes en dĂ©tention, point final. Vous ne pouvez pas dire oĂč vous voulez aller, ni ce que vous voulez faire. Quand vous quittez la prison pour venir au tribunal, les policiers vous escortent Ă  tout instant et vous emmĂšnent lĂ  oĂč eux le dĂ©cident, pas vous. » Monjib et ses coaccusĂ©s dans l'affaire de 2015 ont fait appel du verdict de culpabilitĂ© prononcĂ© contre eux. Une cour d'appel les a convoquĂ©s Ă  six reprises entre avril 2021 et mai 2022. Les six sessions ont Ă©tĂ© reportĂ©es pour la mĂȘme raison que le procĂšs en premiĂšre instance avait Ă©tĂ© reportĂ© une vingtaine de fois depuis 2015 trois prĂ©venus, en exil en Europe, ne se sont pas prĂ©sentĂ©s. GrĂšve de la faim, libĂ©ration, interdiction de voyager et gel des avoirs Le 4 mars 2021, Monjib a annoncĂ© qu'il entamait une grĂšve de la faim illimitĂ©e pour protester contre son incarcĂ©ration et sa persĂ©cution multiforme ».[129] Une campagne de soutien internationale a rapidement pris de l’essor, notamment aux États-Unis.[130] Monjib, 59 ans, qui souffre de diabĂšte et d'une maladie cardiaque chronique, a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que les mĂ©decins qui ont mesurĂ© sa tension artĂ©rielle le 23 mars, aprĂšs 19 jours de grĂšve de la faim, ont constatĂ© qu'il Ă©tait dans un Ă©tat critique. Le mĂȘme jour, la Commission Tom Lantos des droits de l'homme » du CongrĂšs amĂ©ricain a tweetĂ© que la vie de Maati Monjib est entre les mains du gouvernement marocain. » Monjib a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© le lendemain. Aux portes de la prison et devant une foule de sympathisants et de journalistes, Monjib a accusĂ© ce qu'il a appelĂ© la police politique » de fabriquer les affaires » contre lui. Cette dĂ©claration a suscitĂ© un dĂ©menti furieux du ministĂšre de l'IntĂ©rieur.[131] Le lendemain, le site Barlamane a publiĂ© un article intitulĂ© Maati Monjib de lapin craintif Ă  l'intĂ©rieur de la prison Ă  calomniateur frĂ©nĂ©tique Ă  l'extĂ©rieur. »[132] Le jour de sa libĂ©ration, Monjib a reçu l'ordre de remettre ses passeports marocain et français aux policiers. Quelques semaines plus tard, Monjib a dĂ©couvert qu'il ne pouvait pas retirer de l'argent de son compte bancaire ni de vendre sa voiture, apparemment en application d’une ordonnance du juge d’instruction. Monjib a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu'il avait demandĂ© une copie Ă©crite de cette ordonnance mais qu'il ne l'avait jamais obtenue. En septembre 2021, aprĂšs quelques mois de relative accalmie, le harcĂšlement de Monjib a repris sur les mĂ©dias pro-Makhzen.[133] Le 7 octobre 2021, les avocats de Monjib ont demandĂ© l'annulation de son interdiction de voyager et la levĂ©e du gel des avoirs. Le 13 octobre, le juge d'instruction qui a ordonnĂ© ces mesures a rejetĂ© la demande sans justification, a dĂ©clarĂ© l'un de ses avocats Ă  Human Rights Watch. 5. Mohamed Ziane Avocat, personnalitĂ© politique et ancien ministre aux Droits de l'homme, il a fait l’objet de harcĂšlement sur des mĂ©dias pro-makhzen, de vidĂ©osurveillance secrĂšte dans un lieu privĂ©, d’atteinte Ă  sa vie privĂ©e, de pressions exercĂ©es sur des membres de sa famille, de sabotage apparent des procĂ©dures judiciaires dans lesquelles il Ă©tait impliquĂ© en tant qu'avocat, et de harcĂšlement multiforme de ses clients. Une cible atypique Mohamed Ziane, 79 ans, est un avocat, homme politique et homme d'affaires connu au Maroc pour son style impĂ©tueux.[134] En 1997, un tribunal français l'a condamnĂ© Ă  trois mois de prison avec sursis parce qu'une compagnie de bus basĂ©e en France, dont il Ă©tait propriĂ©taire, opĂ©rait sans licence et avait entravĂ© la vĂ©rification des conditions de travail de ses employĂ©s par une agence de l’Etat.[135] Contrairement Ă  la plupart des personnes ciblĂ©es par la rĂ©pression Ă©tatique au Maroc, Mohamed Ziane Ă©tait autrefois proche des cercles de pouvoir. Ancien ministre, chef d'un parti politique loyaliste et dĂ©fenseur du gouvernement pendant des dĂ©cennies, les problĂšmes de Ziane ont commencĂ© en 2017 lorsqu'en tant qu'avocat, il a commencĂ© Ă  reprĂ©senter des journalistes indĂ©pendants et des dissidents cĂ©lĂšbres devant les tribunaux, et Ă  Ă©pouser leurs causes dans des dĂ©clarations publiques. L’avocat du gouvernement En tant qu'avocat, Ziane a reprĂ©sentĂ© le gouvernement sous le roi Hassan II, qui a rĂ©gnĂ© de 1961 Ă  1999, dans des affaires politiques trĂšs mĂ©diatisĂ©es. Parmi celles-ci, le procĂšs en diffamation en 1992 de Noubir Amaoui, un dirigeant syndical ayant traitĂ© les ministres de l'Ă©poque de bande de voleurs ».[136] Avec Ziane comme avocat du gouvernement, le tribunal a condamnĂ© Amaoui Ă  deux ans de prison. En 1996, Hassan II a nommĂ© Ziane ministre des Droits de l'homme. Quand, Ă  ce titre, il a reçu une dĂ©lĂ©gation de rescapĂ©s du tristement cĂ©lĂšbre bagne de Tazmamart, oĂč des opposants au roi avaient Ă©tĂ© dĂ©tenus au secret et torturĂ©s pendant des dĂ©cennies, il leur aurait dit qu’ils devraient se considĂ©rer heureux d’en ĂȘtre revenus en vie ».[137] En 2006, Claude Moniquet, de son propre aveu un ancien agent de renseignement français[138], a poursuivi en diffamation Le Journal. L'hebdomadaire indĂ©pendant marocain avait Ă©crit qu'un rapport de Moniquet sur le Sahara occidental avait Ă©tĂ© tĂ©lĂ©commandĂ© par le palais royal ». ReprĂ©sentant Moniquet au tribunal, Ziane a obtenu une condamnation du Journal Ă  verser Ă  Moniquet l'Ă©quivalent de 360 000 dollars US de dommages et intĂ©rĂȘts. L’hebdomadaire n'Ă©tant pas en mesure de payer l'amende, Aboubakr Jamai son directeur de l'Ă©poque, a dĂ» dĂ©missionner et quitter le pays, ce qui a Ă©tĂ© alors considĂ©rĂ© comme un coup dur pour la libertĂ© de la presse au Maroc.[139] En 2011, Ziane s'est opposĂ© au mouvement du 20 fĂ©vrier », branche marocaine des mouvements de protestation prodĂ©mocratie du Printemps arabe, car il considĂ©rait qu'il mettait en danger la stabilitĂ© » du Maroc.[140] Un tournant » La trajectoire politique de Ziane a dĂ©viĂ© en 2017 aprĂšs l'Ă©ruption du Hirak », une vague massive de protestation populaire, dans la rĂ©gion du Rif au nord du Maroc. À partir de lĂ , Ziane a commencer Ă  critiquer publiquement des dĂ©clarations et des dĂ©cisions sĂ©curitaires vraisemblablement prises au plus haut niveau du royaume. C'est alors que ses ennuis ont commencĂ©. Bien que les dirigeants du Hirak aient insistĂ© sur le fait qu'ils Ă©taient pacifiques et prĂ©occupĂ©s uniquement par les conditions sociales et Ă©conomiques dans leur rĂ©gion, tous les partis politiques reprĂ©sentĂ©s au gouvernement ont signĂ© le 15 mai 2017 une dĂ©claration commune, qualifiant les dirigeants du Hirak de sĂ©paratistes » et de saboteurs », et les accusant d'ĂȘtre secrĂštement financĂ©s par des partis Ă©trangers ayant des visĂ©es hostiles contre le Maroc. »[141] La police a dĂ©clenchĂ© la rĂ©pression peu de temps aprĂšs, et plus de 450 manifestants ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, dont beaucoup ont Ă©tĂ© torturĂ©s dans des postes de police.[142] Quelques jours aprĂšs le dĂ©but de la rĂ©pression, Ziane, qui a des racines familiales dans le Rif, a dĂ©clarĂ© publiquement que les membres du Hirak n'Ă©taient pas des sĂ©cessionnistes » et qu'ils avaient le droit de protester contre les erreurs du gouvernement ».[143] Fin juin 2017, Ziane est devenu l'avocat principal du chef de file du Hirak, Nasser Zefzafi, qui a Ă©tĂ© poursuivi aux cĂŽtĂ©s de 52 autres leaders de la contestation pour atteinte Ă  la sĂ»retĂ© intĂ©rieure de l'État » et rĂ©bellion ». Ziane a dĂ©clarĂ© plus tard Ă  Human Rights Watch qu'il avait plaidĂ© la cause du Hirak auprĂšs de membres de l'entourage proche du roi », mais qu'il avait Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  des partisans de la ligne dure qui recherchaient des condamnations fortes et [lui] en voulaient d'avoir pris le parti de vandales. »[144] Son choix de dĂ©fendre le chef charismatique de la rĂ©bellion du Rif a scellĂ© le virage de Ziane. DĂ©sormais, il assumait de dĂ©fier les puissants appareils d'État et de sĂ©curitĂ© marocains.[145] Cette rupture » avec l’Etat a constituĂ© un tournant » dans sa carriĂšre, a-t-il dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch. AprĂšs environ un an de procĂšs et 86 audiences, les 53 dirigeants du Hirak ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  de lourdes peines de prison, largement fondĂ©es sur des aveux » que la police leur aurait extorquĂ©s sous la torture.[146] Zefzafi a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  20 ans de prison. Sa femme et ses fils condamnĂ©s pour avoir cachĂ© un tĂ©moin Le 23 fĂ©vrier 2018, Taoufik Bouachrine, le directeur d'Akhbar Al Yaoum, quotidien d’opposition ayant survĂ©cu Ă  une dĂ©cennie de harcĂšlement des autoritĂ©s, et dĂ©sormais considĂ©rĂ© comme le dernier quotidien indĂ©pendant au Maroc, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© dans son bureau de Casablanca.[147] Trois jours plus tard, un procureur a inculpĂ© Bouachrine de traite d’ĂȘtres humains », viol, agressions et harcĂšlement sexuels. Le lendemain, Ziane est devenu son avocat voir Ă©tude de cas sur Bouachrine. Un procureur a rĂ©pertoriĂ© 12 femmes comme plaignantes ou tĂ©moins contre Bouachrine. Toutes se sont rendues aux convocations de la police judiciaire pour rĂ©pondre aux questions concernant des allĂ©gations de harcĂšlement sexuel ou d'abus de Bouachrine Ă  leur Ă©gard. Si huit d’entre elles ont confirmĂ© les allĂ©gations, quatre ont niĂ© que Bouachrine les ait harcelĂ©es ou agressĂ©es, selon des documents judiciaires que Human Rights Watch a examinĂ©s. Lorsque trois de ces quatre femmes ont refusĂ© de comparaĂźtre devant le tribunal, un juge a ordonnĂ© Ă  la police de les amener de force. L'une de ces trois femmes Ă©tait la journaliste Amal Houari, qui a insistĂ© sur le fait que Bouachrine ne l'avait ni violĂ©e ni tentĂ© de la violer ».[148] Ziane a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que Houari lui avait dit lors d'un appel tĂ©lĂ©phonique le 6 juin 2018 qu'elle avait refusĂ© de comparaĂźtre devant le tribunal, et qu'elle Ă©tait terrifiĂ©e » Ă  l'idĂ©e que la police puisse l'arrĂȘter, comme ils l'avaient fait plus tĂŽt le mĂȘme jour pour Hanan Bakour, une autre journaliste ayant refusĂ© de tĂ©moigner contre Bouachrine.[149] Parce qu'il Ă©tait alors en dĂ©placement, a expliquĂ© Ziane Ă  Human Rights Watch, il a suggĂ©rĂ© Ă  Houari de passer la nuit chez son fils celui de Ziane pour garantir sa sĂ©curitĂ©, et a promis de l’y retrouver le lendemain matin pour discuter de la situation. Houari a acceptĂ©. Quelques heures plus tard, la police est entrĂ©e dans la maison du fils Ziane. PaniquĂ©e, Houari s’est cachĂ©e dans le coffre d'un voiture se trouvant dans le garage de la maison, selon le rĂ©cit de Ziane et plusieurs articles de presse.[150] C’est lĂ  que la police a dĂ©couvert Houari, l'a arrĂȘtĂ©e, puis l'a conduite au tribunal vers minuit le mĂȘme jour.[151] Ziane a indiquĂ© Ă  Human Rights Watch que la police a Ă©galement arrĂȘtĂ© deux de ses fils qui se trouvaient dans la maison, les a gardĂ©s Ă  vue cette nuit-lĂ , et les a relĂąchĂ©s le lendemain matin quand Ziane est arrivĂ© au poste de police. Houari a ensuite Ă©tĂ© poursuivie, en libertĂ© provisoire, pour s'ĂȘtre soustraite Ă  une convocation de la justice. Le procureur a Ă©galement inculpĂ© Ziane et des membres de sa famille pour entrave Ă  la justice. AprĂšs un an de procĂ©dure, un tribunal a condamnĂ© Houari, Ziane, l'Ă©pouse de ce dernier et ses deux fils Ă  un an de prison avec sursis. Dans un rapport publiĂ© en 2020, le Groupe de travail des Nations Unies sur la dĂ©tention arbitraire a dĂ©clarĂ© de telles poursuites contre un tĂ©moin Ă  dĂ©charge et l'avocat de l'accusĂ© ont sans aucun doute portĂ© atteinte Ă  la capacitĂ© de concentration de la dĂ©fense, compromettant ainsi le droit de M. Bouachrine Ă  disposer des moyens de se dĂ©fendre, en violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques », que le Maroc a ratifiĂ© en 1979.[152] Violations de la vie privĂ©e, menaces, divulgation de vidĂ©os filmĂ©es secrĂštement En 2017, Ouahiba Khourchech, alors ĂągĂ©e de 37 ans, a sollicitĂ© les services de Ziane dans une affaire de harcĂšlement sexuel. Officier de police anciennement responsable de la division des violences faites aux femmes Ă  El Jadida, au sud de Casablanca, Khourchech a dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© harcelĂ©e sexuellement par son supĂ©rieur pendant deux ans, selon le portrait qu’a dressĂ© d’elle Samia Errazouki, une activiste marocaine installĂ©e aux Etats-Unis.[153] Fin 2017, Ziane a portĂ© une plainte au nom de Khourchech contre son ancien supĂ©rieur. En octobre 2018 et alors que Khourchech se trouvait au Maroc, une femme inconnue a appelĂ© son mari, un citoyen amĂ©ricain rĂ©sidant Ă  Oakland, prĂšs de San Francisco, en Californie. L’appel provenait d’un tĂ©lĂ©phone portable avec un indicatif marocain, a dĂ©clarĂ© Khourchech Ă  Human Rights Watch.[154] La femme n'a pas donnĂ© son nom mais s'est prĂ©sentĂ©e comme un agent des services de renseignements marocains ». Selon Khourchech, aprĂšs que cette femme ait fourni au mari des informations personnelles le concernant, apparemment pour asseoir sa crĂ©dibilitĂ© en tant qu'agent de renseignement, elle lui a dit que son Ă©pouse avait une liaison avec son avocat, Mohamed Ziane. La femme a ajoutĂ© que Khourchech devrait retirer sa plainte pour harcĂšlement sexuel et abandonner Ziane comme avocat, faute de quoi la fille du couple, qui avait alors cinq ans et rĂ©sidait avec sa mĂšre au Maroc, serait enlevĂ©e. La femme a ensuite raccrochĂ©, selon le rĂ©cit fait par Khourchech Ă  Human Rights Watch. En novembre 2018, Ziane a rendu visite Ă  Khourchech et Ă  sa fille alors qu'elles Ă©taient en vacances pendant quelques jours Ă  l'hĂŽtel Dawliz Ă  SalĂ©, une ville proche de Rabat. Khourchech a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu'Ă  la fin de son sĂ©jour, elle a remarquĂ© que ses effets personnels avaient Ă©tĂ© fouillĂ©s et que des documents personnels manquaient. Elle a ajoutĂ© que deux jours aprĂšs avoir quittĂ© l'hĂŽtel, la mĂȘme femme inconnue a appelĂ© son mari Ă  San Francisco, pour lui dire que sa femme avait rencontrĂ© Ziane dans une chambre d'hĂŽtel. Le 8 janvier 2019, Khourchech a rejoint son mari pour deux semaines de vacances Ă  San Francisco. Deux jours plus tard, le mĂȘme numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone marocain a envoyĂ© au mari une photo montrant Ziane en compagnie de Khourchech, dans la voiture de celle-ci. Le message d'accompagnement disait FĂ©licite ta femme, Ziane lui a achetĂ© une nouvelle voiture. » Khourchech a indiquĂ© Ă  Human Rights Watch que le mĂȘme numĂ©ro a envoyĂ© deux autres photos. La premiĂšre la montrait avec sa fille de cinq ans dans une piĂšce, toutes deux nues, et la seconde, prise dans la mĂȘme piĂšce, montrait Khourchech et sa fille toutes deux habillĂ©es, et Ziane vĂȘtu d'un peignoir. Le message d'accompagnement disait Nous avons plus de photos, dans des situations plus honteuses, nous nous abstenons de te les envoyer par dĂ©cence. » Khourchech a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu'elle avait reconnu la chambre de l'hĂŽtel Dawliz oĂč elle et sa fille avaient sĂ©journĂ© deux mois plus tĂŽt, mais que la deuxiĂšme photo avait Ă©tĂ© retouchĂ©e pour y inclure Ziane. Le lendemain, Khourchech a dĂ©posĂ© une plainte pour menaces et violation de la vie privĂ©e auprĂšs de la police d'Oakland, a-t-elle indiquĂ© Ă  Human Rights Watch. Khourchech est revenue au Maroc le 23 janvier 2019 et a repris son travail de policiĂšre. Elle a rĂ©digĂ© un rapport dĂ©taillĂ© Ă©numĂ©rant les appels, SMS et messages menaçants que son mari avait reçus, et a adressĂ© le rapport Ă  Abdellatif Hammouchi, le directeur gĂ©nĂ©ral de la police, a-t-elle indiquĂ©. Le 25 fĂ©vrier 2019, alors qu'elle se dirigeait vers la gare de Casa-Port Ă  Casablanca afin de prendre un train pour El Jadida, deux inconnus l'ont accostĂ©e dans la rue et lui ont dit Votre fille [ils ont mentionnĂ© le nom de l'enfant] est morte, vous ne la reverrez jamais », puis se sont Ă©loignĂ©s, a dĂ©clarĂ© Khourchech Ă  Human Rights Watch. Khourchech a ajoutĂ© qu'elle s'Ă©tait prĂ©cipitĂ©e Ă  la gare pour prendre son train tout en appelant sa mĂšre Ă  El Jadida, chez qui l'enfant sĂ©journait. Elles allaient bien et Ă©taient en sĂ©curitĂ©. À son arrivĂ©e Ă  El Jadida, Khourchech s'est rendue directement au bureau du procureur, lui a racontĂ© ce qui s'Ă©tait passĂ© et a demandĂ© sa protection. Elle a confiĂ© Ă  Human Rights Watch avoir eu une crise d'hystĂ©rie » au bureau du procureur. Celui-ci a appelĂ© une ambulance, qui a transportĂ© Khourchech Ă  l'hĂŽpital. Khourchech a dĂ©clarĂ© qu'elle a Ă©tĂ© mise sous puissants sĂ©datifs » et est restĂ©e dans l’incapacitĂ© de travailler plusieurs mois aprĂšs cet incident. Le 3 dĂ©cembre 2019, elle a envoyĂ© une lettre de dĂ©mission Ă  Hammouchi, et dĂ©posĂ© une autorisation de voyage, comme les agents de la police marocaine sont tenus de le faire chaque fois qu'ils veulent quitter le pays. Selon Khourchech, un de ses collĂšgues l’informera plus tard, oralement, que ses demandes de dĂ©mission et de voyage avaient Ă©tĂ© toutes deux rejetĂ©es. Environ deux semaines plus tard, Khourchech et sa fille, alors ĂągĂ©e de 6 ans, ont rĂ©ussi Ă  traverser la frontiĂšre terrestre vers l'enclave espagnole de Melilla. AprĂšs deux mois de procĂ©dure, la mĂšre et la fille ont quittĂ© Melilla pour l'Espagne continentale, avant de se rendre aux États-Unis pour rejoindre le mari de Khourchech en juillet 2020. En octobre 2020, Chouf TV, un site pro-Makhzen, a publiĂ© plusieurs photos montrant Khourchech en compagnie de Ziane dans des lieux publics au Maroc, prĂ©tendant qu’ils avaient une liaison.[155] Khourchech a expliquĂ© dans une vidĂ©o YouTube que les photos ont Ă©tĂ© prises Ă  son insu ou sans son consentement, et comprenaient celle de la voiture que le mari de Khourchech avait reçue par SMS prĂšs de deux ans auparavant.[156] Khourchech a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que les photos avaient Ă©tĂ© prises sur une pĂ©riode de plus d'un an, indiquant une surveillance de longue date. À la mi-novembre 2020, Khourchech a envoyĂ© une lettre au cabinet du roi Mohammed VI, racontant toute son histoire et demandant au roi de lui rendre justice ». Deux jours aprĂšs avoir envoyĂ© la lettre, Chouf TV a publiĂ© une vidĂ©o de quelques secondes, filmĂ©e dans la chambre de l'hĂŽtel Dawliz oĂč elle avait sĂ©journĂ© deux ans auparavant. La vidĂ©o montrait une femme habillĂ©e en train d'essuyer le dos d’un homme nu avec une serviette. Chouf TV disait que la femme Ă©tait Khourchech et l'homme, Ziane. La publication de la vidĂ©o a gĂ©nĂ©rĂ© des centaines d'articles, la plupart sur des sites pro-Makhzen, commentant ce qu'un site alignĂ© sur les autoritĂ©s a appelĂ© le scandale sexuel de l'avocat Ziane dans un bordel ».[157] En 2019, un juge d'instruction a classĂ© sans suite la plainte pour harcĂšlement sexuel que Khourchech avait dĂ©posĂ©e, sans passer par un procĂšs. Ziane a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu'il avait suivi toutes les voies lĂ©gales pour rouvrir l'affaire, jusqu'Ă  ce que la Cour de cassation en 2021 la ferme dĂ©finitivement. Son fils en prison Le 15 avril 2020, Ă  Casablanca, la police a arrĂȘtĂ© le fils de Mohammed Ziane, Nasser, 31 ans, soupçonnĂ© d'ĂȘtre impliquĂ© dans la production et la distribution de masques de contrebande ».[158] Trois semaines plus tĂŽt, le Maroc avait ordonnĂ© un confinement gĂ©nĂ©ral en rĂ©ponse Ă  la hausse des infections au Covid-19. Les masques faciaux, alors une denrĂ©e rare, Ă©taient trĂšs demandĂ©s. L’arrestation de plusieurs personnes impliquĂ©es dans une transaction entre un fabricant de masques interpellĂ© lui aussi et une clinique, a fait Ă©chouer la transaction avant qu'elle soit conclue. Parmi les interpellĂ©s au cĂŽtĂ© de Nasser Ziane figurait Nabil Nouaydi, 30 ans, entrepreneur et fils de l'avocat des droits de humains Abdelaziz Nouaydi. AprĂšs six mois de dĂ©tention provisoire, Nasser Ziane a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  trois ans de prison pour divers chefs d'accusation dont escroquerie. Nabil Nouaydi a Ă©tĂ© condamnĂ©, Ă©galement aprĂšs six mois en dĂ©tention provisoire, Ă  dix mois de prison pour contrefaçon de marque et mise sur le marchĂ© d'un produit non conforme aux conditions de sĂ©curitĂ© ».[159] Dans des entretiens sĂ©parĂ©s Ă  Human Rights Watch, Abdelaziz Nouaydi et Mohamed Ziane ont dĂ©clarĂ© qu'ils soupçonnaient que les arrestations, les procĂšs et les condamnations de Nasser et de Nabil Ă©taient des reprĂ©sailles contre les positions politiques de leurs pĂšres. Le 20 mai 2021, une cour d'appel a confirmĂ© la peine de 10 mois de prison pour Nabil Nouaydi et augmentĂ© celle de Nasser Ziane Ă  trois ans et six mois.[160] Attaques diverses Le 3 dĂ©cembre 2020, la cour d'appel de Rabat a suspendu Mohammed Ziane pour un an, l'empĂȘchant ainsi d'exercer sa profession d'avocat. Le tribunal a justifiĂ© la suspension par les Ă©clats d’audience » et les plaidoiries hors contexte » de Ziane, notamment lors du procĂšs Bouachrine.[161] Ziane a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que depuis le dĂ©but de ses dĂ©mĂȘlĂ©s avec la police, le bĂątonnier de l'ordre des avocats de Rabat l'avait appelĂ© plusieurs fois pour l'informer qu'il avait reçu des plaintes contre Ziane soulevĂ©es par ses anciens clients – notamment plusieurs dont les affaires avaient Ă©tĂ© classĂ©es, et certaines gagnĂ©es, depuis des annĂ©es. Le 30 novembre 2021, un procureur de Rabat a inculpĂ© Ziane pour onze chefs d'accusation outrage au personnel judiciaire et Ă  fonctionnaires publics », outrage aux institutions », tentative d'influencer les dĂ©cisions de justice par des dĂ©clarations publiques », diffusion de fausses informations sur une femme en raison de son genre », diffusion de fausses informations dans le but de diffamer des personnes par des publications Ă©lectroniques », incitation Ă  violer l'Ă©tat d'urgence sanitaire [en relation avec la pandĂ©mie de Covid-19] par des publications Ă©lectroniques », complicitĂ© d'adultĂšre », participation Ă  des Ă©carts de conduite destinĂ©s Ă  donner un mauvais exemple Ă  des enfants », participation Ă  la sortie clandestine d'un individu du territoire national », aide Ă  un criminel Ă  fuir et Ă  Ă©chapper Ă  une enquĂȘte le concernant » et harcĂšlement sexuel ».[162] Un site Web pro-Makhzen a dĂ©clarĂ© que certaines de ces plaintes contre l'avocat avaient Ă©tĂ© soulevĂ©es par le ministĂšre de l'IntĂ©rieur, dont un reprĂ©sentant a dĂ©clarĂ© au site Web que les fausses dĂ©clarations [de Ziane] constituent une diffamation pure et simple ».[163] Le 23 fĂ©vrier 2022, le tribunal de premiĂšre instance de Rabat a reconnu Ziane coupable pour toutes ces charges et l'a condamnĂ© Ă  trois ans de prison. Il a fait appel le mĂȘme jour et est restĂ© provisoirement en libertĂ©. Le procĂšs en appel n'avait pas commencĂ© au moment de la mise sous presse de ce rapport. Bouachrine Patron de presse et journaliste purgeant actuellement 15 ans de prison, il a fait l’objet de procĂšs d’opinion, de vidĂ©osurveillance par des camĂ©ras secrĂštement installĂ©es dans son bureau, de harcĂšlement par les mĂ©dias pro-Makhzen, de procĂ©dures judiciaires inĂ©quitables, de pressions exercĂ©es sur des personnes pour tĂ©moigner contre lui, et d’intimidation de son avocat de la dĂ©fense, notamment via la famille de ce dernier. AprĂšs avoir cofondĂ© et Ă©tĂ© rĂ©dacteur en chef du quotidien Al Massae ainsi que de l’hebdomadaire Al Jarida Al Oukhra, Taoufik Bouachrine a créé en 2007 le quotidien Akhbar Al-Yaoum. Ce journal indĂ©pendant a publiĂ© des articles et des Ă©ditoriaux sur la corruption d’État, notamment parmi les cercles du palais royal. Dans un Ă©ditorial publiĂ© en aoĂ»t 2017, Bouachrine a critiquĂ© la gestion par le roi Mohammed VI des crises sociales et politiques au Maroc. Faisant rĂ©fĂ©rence Ă  la cĂ©lĂ©bration de l’anniversaire du roi dans un palais royal balnĂ©aire alors que la rĂ©gion du Rif Ă©tait secouĂ©e par des manifestations massives, l’éditorial s’intitulait Gouverner n’est pas une promenade sur la plage ».[164] Arrestation et poursuites pour agression sexuelle Le 23 fĂ©vrier 2018, la police a arrĂȘtĂ© Bouachrine dans son bureau de Casablanca. Trois jours plus tard, un procureur l’a accusĂ© de traite d’ĂȘtres humains par l’exploitation de leur vulnĂ©rabilitĂ© ; exploitation de l’influence et utilisation de la menace de diffamation Ă  des fins sexuelles, de viol, d’abus sexuel et de harcĂšlement sexuel ; organisation d’actes de prostitution ; et d’utilisation d’appareils d’enregistrement pour des activitĂ©s pornographiques ». Le procureur l’a placĂ© en dĂ©tention provisoire et a transfĂ©rĂ© son affaire directement Ă  la chambre criminelle du tribunal de Casablanca, arguant que l’affaire Ă©tait prĂȘte pour le procĂšs, sans qu’une enquĂȘte judiciaire soit nĂ©cessaire. Ces accusations Ă©taient basĂ©es sur une cinquantaine de clips vidĂ©o d’une durĂ©e allant de quelques secondes Ă  quelques minutes, que la police a dĂ©clarĂ© avoir trouvĂ©s dans le bureau Bouachrine, et qu’elle prĂ©tend qu’il aurait enregistrĂ©s lui-mĂȘme. Selon trois personnes interrogĂ©es par Human Rights Watch, les vidĂ©os montraient apparemment Bouachrine – ou un homme lui ressemblant – dans des situations sexuelles plus ou moins explicites avec plusieurs femmes, dans le bureau de Bouachrine Ă  Casablanca. En ce qui concerne le contenu exact des vidĂ©os, et en particulier si elles comportaient des scĂšnes d’agression sexuelle ou de coercition, les versions de l’accusation et de la dĂ©fense divergent trĂšs largement. Human Rights Watch n’a pas Ă©tĂ© en mesure de vĂ©rifier le contenu des vidĂ©os, qui n’ont Ă©tĂ© diffusĂ©es qu’à huis clos au tribunal et n’ont jamais Ă©tĂ© divulguĂ©es au public. Quelques articles sur des sites Web pro-Makhzen prĂ©sentaient des captures d’écran dont ils disaient qu’elles Ă©taient tirĂ©es des vidĂ©os incriminantes montrant deux adultes se livrant Ă  des activitĂ©s sexuelles.[165] Bouachrine a toujours niĂ© avoir installĂ© des camĂ©ras vidĂ©o et a affirmĂ© que des inconnus les avaient installĂ©es dans le faux plafond de son bureau et les y avaient laissĂ©es, Ă  son insu, pendant plus d’un an. Bouachrine a soutenu qu’il n’avait jamais connu ni soupçonnĂ© leur existence, jusqu’au jour oĂč la police l’a arrĂȘtĂ© et lui a prĂ©sentĂ© les camĂ©ras, affirmant qu’elle venait juste de les retirer de l’endroit oĂč elles Ă©taient cachĂ©es. Bouachrine ne les a pas vus en train de le faire car, Ă  ce moment-lĂ , il Ă©tait dĂ©tenu dans un autre bureau des locaux du journal. Tout au long du procĂšs, les avocats de la dĂ©fense ont soutenu que les vidĂ©os avaient Ă©tĂ© manipulĂ©es, que Bouachrine n’était pas reconnaissable dessus et qu’il ne les avait pas enregistrĂ©es. Des femmes contraintes Ă  tĂ©moigner contre Bouachrine Dans les jours qui ont suivi l’arrestation de Bouachrine, la journaliste Naima Lahrouri a dĂ©clarĂ© aux mĂ©dias que Bouachrine l’avait agressĂ©e sexuellement, et la journaliste Khouloud Jabri a affirmĂ© dans une interview qu’il l’avait harcelĂ©e pour des relations sexuelles en Ă©change de faveurs professionnelles, ou en faisant allusion Ă  des reprĂ©sailles professionnelles si elle rejetait ses avances.[166] Le jugement Ă©crit du tribunal de premiĂšre instance a citĂ© neuf plaignantes, dont Lahrouri et Jabri. Sur la base de rapports de police citant des extraits de leurs audiences, le tribunal a convoquĂ© trois autres femmes pour tĂ©moigner contre Bouachrine. MĂȘme si dossier judiciaire de premiĂšre instance mentionnaient la journaliste Amal Houari comme plaignante, celle-ci a dĂ©clarĂ© qu’elle n’avait jamais acceptĂ© de porter plainte. Elle a Ă©crit sur son compte Facebook le 2 mars 2018 Bouachrine ne m’a pas violĂ©e, il n’a pas essayĂ© de me violer, je n’ai jamais eu de relation sexuelle avec lui, et je n’ai mĂȘme pas portĂ© plainte. Je ne sais pas d’oĂč viennent toutes ces choses. »[167] Quant Ă  la journaliste Hanan Bakour, Ă©galement citĂ©e comme tĂ©moin contre Bouachrine, elle a fermement niĂ© dans des dĂ©clarations aux mĂ©dias toute relation romantique ou sexuelle avec lui, et a insistĂ© sur le fait qu’il Ă©tait un ami et collĂšgue », ajoutant honte Ă  ceux qui essaient de salir ma rĂ©putation et la sienne ».[168] Les 12 femmes, qu’elles aient confirmĂ© les allĂ©gations d’agression sexuelle ou qu’elles les aient niĂ©es, ont comparu devant le tribunal. Certaines sont venues volontairement, d’autres y ont Ă©tĂ© contraintes par la police. Le 6 juin 2018, la police s’est rendue Ă  l’appartement de Bakour et a menacĂ© de l’arrĂȘter si elle ne les suivait pas au tribunal. Bakour s’est Ă©vanouie et a Ă©tĂ© emmenĂ©e Ă  l’hĂŽpital. Plus tard dans la journĂ©e, elle a Ă©tĂ© transportĂ©e directement en ambulance de l’hĂŽpital au tribunal.[169] Une fois au tribunal, elle a fait ce qu’elle a dĂ©crit plus tard Ă  la presse comme une crise de nerfs » et n’a pas pu tĂ©moigner.[170] Le tribunal l’a convoquĂ©e de nouveau deux jours plus tard. Le 7 juin, la police a contraint Amal Houari Ă  sortir du coffre d’une voiture, oĂč elle se cachait pour Ă©viter de comparaĂźtre devant le tribunal, selon plusieurs articles de presse.[171] Elle a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e et transportĂ©e au tribunal, puis placĂ©e en dĂ©tention provisoire immĂ©diatement aprĂšs la session pour entrave Ă  la justice, ce qui a incitĂ© les avocats de la dĂ©fense de Bouachrine Ă  se retirer temporairement du procĂšs pour protester contre ce qu’ils considĂ©raient comme des indications d’un parti pris du tribunal contre leur client. Houari a ensuite Ă©tĂ© poursuivie en Ă©tat de libertĂ© provisoire, de mĂȘme que les personnes prĂ©sentes dans la maison oĂč la voiture dans laquelle elle s’était cachĂ©e Ă©tait garĂ©e. Elle et eux ont Ă©tĂ© reconnus coupables d’entrave Ă  la justice et condamnĂ©s Ă  un an de prison avec sursis.[172] Tout au long de cette pĂ©riode, les mĂ©dias pro-Makhzen ont soumis Houari Ă  des allĂ©gations malveillantes incessantes sans rapport avec l’affaire Bouachrine. Le 6 mars, Barlamane, un site Web dirigĂ© par un ancien haut responsable du ministĂšre de l’IntĂ©rieur, est allĂ© jusqu’à publier un article intitulĂ© Amal Houari nie avoir Ă©tĂ© violĂ©e par un [homme politique], mais Barlamane confirme le viol ».[173] Étant donnĂ© que les victimes de viol sont encore frĂ©quemment stigmatisĂ©es au Maroc, ce titre a Ă©tĂ© largement perçu comme une attaque contre Houari. Le 24 fĂ©vrier 2018, le lendemain de l’arrestation de Bouachrine, la police a convoquĂ© Afaf Bernani, membre du personnel d’Akhbar Al-Yaoum. Bernani dira plus tard Ă  une journaliste amĂ©ricaine qu’à son arrivĂ©e au poste, un policier a cognĂ© sur la table en lui criant Dis-nous tout ! Nous connaissons dĂ©jĂ  la vĂ©ritĂ© ! ».[174] Elle a ajoutĂ© Je ne savais pas pourquoi j’étais lĂ , je ne savais pas de quoi il parlait. » Afaf Bernani a fourni plus de dĂ©tails dans un Ă©ditorial publiĂ© dans le Washington Post deux ans aprĂšs les faits Pendant plus de huit heures, les interrogateurs m'ont mis la pression agressivement pour que j'avoue que Bouachrine m'avait agressĂ©e sexuellement. Je dis avoue’ parce qu'Ă  partir de ce moment, le choix Ă©tait clair soit je confirmais le rĂ©cit du rĂ©gime selon lequel j’étais une victime’, soit j'allais ĂȘtre traitĂ©e comme une criminelle. »[175] Bernani a assurĂ© Ă  Human Rights Watch qu’elle n’avait pas cĂ©dĂ©, refusant d’accuser Bouachrine de l’avoir harcelĂ©e sexuellement parce qu’il ne [lui] avait jamais rien fait ». Quelques jours aprĂšs l’interrogatoire », a poursuivi Bernani, j’ai vu non seulement que la police avait falsifiĂ© mes dĂ©clarations [pour me faire frauduleusement accuser Bouachrine], mais aussi que des extraits de mon prĂ©tendu tĂ©moignage avaient Ă©tĂ© divulguĂ©s Ă  des mĂ©dias [pro-Makhzen]. » En rĂ©action, Bernani a dĂ©posĂ© le 8 mars une plainte pour faux auprĂšs de la Cour de cassation de Rabat, chargĂ©e de traiter les plaintes contre les forces de police.[176] La Cour de cassation a rejetĂ© la plainte de Bernani le mĂȘme jour. Selon Mohamed Ziane, l’avocat de Bernani, il n’y a pas eu d’enquĂȘte avant la dĂ©cision du tribunal.[177] Le 12 mars 2018, a Ă©crit Bernani, la police [l’a] enlevĂ©e sans prĂ©senter de mandat », alors qu’elle se cachait dans la maison d’une amie, aprĂšs avoir encerclĂ© le bĂątiment et coupĂ© l’eau et l’électricitĂ© pour les forcer Ă  sortir.[178] Ils m’ont amenĂ©e directement au tribunal, oĂč le procureur m’a interrogĂ©e pendant plusieurs heures, insistant tout au long sur le fait que c’était moi qui aurais falsifiĂ© mon propre tĂ©moignage. » Ziane a expliquĂ© Ă  Human Rights Watch que le procureur ce jour-lĂ  avait pressĂ© Bernani de porter plainte contre son propre avocat Ziane pour avoir portĂ© plainte en [son] nom Ă  [son] insu ou sans [son] consentement, sinon [elle] serait accusĂ©e d’avoir diffamĂ© la police ». Bernani a refusĂ© d’obtempĂ©rer. Le mĂȘme jour, le procureur l’a accusĂ©e de diffamation de la police. La premiĂšre session du procĂšs en diffamation de Bernani s’est tenue le 17 avril 2018, au tribunal de premiĂšre instance d’Ain Sebaa Ă  Casablanca. Ziane et Bernani ont dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch lors d’entretiens sĂ©parĂ©s qu’ils Ă©taient arrivĂ©s ensemble au palais de justice Ă  9h05. Le juge les a informĂ©s que leur audience avait dĂ©jĂ  eu lieu Ă  l’heure prĂ©vue, soit 9h00.[179] AprĂšs avoir pris note de l’absence de l’accusĂ©e et de son avocat, et aprĂšs que l’accusation se soit abstenue de toute intervention, le tribunal a jugĂ© l’affaire en moins de cinq minutes, puis a ajournĂ© pour dĂ©libĂ©rer. Un tribunal de premiĂšre instance de Casablanca a condamnĂ© Bernani Ă  six mois de prison.[180] Pendant tout ce processus », a dĂ©crit Bernani, j’ai Ă©tĂ© constamment harcelĂ©e et diffamĂ©e par des mĂ©dias alignĂ©s sur l’État, qui d’un seul souffle sont passĂ©s de la sympathie pour moi en tant que victime prĂ©sumĂ©e d’une agression sexuelle, aux insultes, Ă  la diffamation, et en me prĂ©sentant comme une coupable. »[181] En juin 2019, aprĂšs qu’une cour d’appel a confirmĂ© sa condamnation pour diffamation de la police et avant que la peine soit exĂ©cutĂ©e, Afaf Bernani s’est enfuie en Tunisie, avant de s’installer aux États-Unis en 2022.[182] Son harcĂšlement dans les mĂ©dias pro-Makhzen s’est poursuivi aprĂšs son dĂ©part et n’a toujours pas cessĂ© au moment de la rĂ©daction de ce rapport, deux ans plus tard.[183] D’autres victimes prĂ©sumĂ©es ont maintenu leurs accusations Seules Bernani, Bakour ainsi qu’une troisiĂšme femme ont refusĂ© de tĂ©moigner contre Bouachrine malgrĂ© les pressions intenses et multiformes exercĂ©es sur elles. Quant Ă  Houari a finalement Ă©tĂ© radiĂ©e de la liste des plaignantes. Les huit autres femmes que le procureur avait initialement inscrites comme plaignantes le sont restĂ©es jusqu’à la fin du procĂšs. Aucune d’elles n’est revenue sur son tĂ©moignage initial. Bernani a entendu deux d’entre elles exposer au tribunal que Bouachrine avait l’habitude de les garder au bureau tard et de faire des avances physiques non dĂ©sirĂ©es. »[184] Bien que la plupart d’entre elles n’aient jamais fait de dĂ©clarations publiques au-delĂ  du procĂšs, certaines d’entre elles ont accordĂ© des interviews rĂ©pĂ©tĂ©es, dont aux mĂ©dias pro-Makhzen, dans lesquelles elles rĂ©affirmaient constamment que Bouachrine les avait agressĂ©es sexuellement.[185] Kawtar Fal, l’une des femmes qui n’a donnĂ© aucune interview tout en maintenant sa plainte contre Bouachrine, a ensuite Ă©tĂ© accusĂ©e par les autoritĂ©s belges d’ĂȘtre un agent des services de contre-espionnage marocains.[186] En juillet 2018, alors que le procĂšs Bouachrine Ă©tait toujours en cours, elle a Ă©tĂ© dĂ©tenue pendant plusieurs semaines en Belgique, puis expulsĂ©e du pays, soupçonnĂ©e d’espionnage.[187] En septembre 2020, des mĂ©dias français ont citĂ© un rapport de police belge justifiant la dĂ©tention et l’expulsion de Fal La SĂ»retĂ© de l’État [...] considĂšre que Mme Fal constitue une menace pour la sĂ©curitĂ© nationale, car elle a constatĂ© qu’elle [est] activement impliquĂ©e dans des activitĂ©s de renseignement au profit du Maroc. »[188] Violations de procĂ©dure rĂ©guliĂšre Le procĂšs Bouachrine a durĂ© plus de 40 sĂ©ances. Abdelaziz Nouaydi, un avocat marocain des droits humains, a assistĂ© Ă  toutes les sessions pour observer le procĂšs au nom de Human Rights Watch, jusqu’à ce que le tribunal lui interdise l’entrĂ©e le 7 juin, aprĂšs avoir ordonnĂ© un procĂšs Ă  huis clos. Au cours des sĂ©ances auxquelles il a assistĂ©, Nouaydi a dĂ©clarĂ© qu’il avait notĂ© le rejet rĂ©pĂ©tĂ© par le juge des nombreuses requĂȘtes de la dĂ©fense au sujet de violations de procĂ©dure, notamment sa requĂȘte visant Ă  rejeter des moyens de preuve qui, selon la dĂ©fense, avaient Ă©tĂ© obtenus illĂ©galement. Le 8 novembre 2018, la chambre pĂ©nale du tribunal de premiĂšre instance de Casablanca a condamnĂ© Bouachrine Ă  12 ans de prison pour traite d’ĂȘtres humains, viol avec violence et agression sexuelle, et l’a condamnĂ© Ă  verser Ă  huit femmes des dommages et intĂ©rĂȘts allant de 150 000 Ă  800 000 dirhams 15 000 Ă  80 000 dollars US chacune. Le 27 octobre 2019, une cour d’appel a portĂ© la peine Ă  15 ans de prison.[189] En 2020, le Groupe de travail des Nations Unies sur la dĂ©tention arbitraire a conclu que les deux procĂšs avaient Ă©tĂ© entachĂ©s de violations de la procĂ©dure rĂ©guliĂšre et d’un harcĂšlement judiciaire attribuable Ă  rien d’autre qu’au journalisme d’investigation de M. Bouachrine ».[190] Mauvais traitements en prison DĂšs le premier jour de sa dĂ©tention Ă  la prison d’Ain El Borja Ă  Casablanca en fĂ©vrier 2018, les autoritĂ©s ont gardĂ© Bouachrine dans une cellule individuelle, l’ont empĂȘchĂ© de rencontrer d’autres prisonniers et ont interdit aux gardiens de lui parler, a expliquĂ© son Ă©pouse Ă  Human Rights Watch. Selon l’Ensemble de rĂšgles minima de l’ONU pour le traitement des dĂ©tenus, tout isolement carcĂ©ral qui dure plus de 15 jours consĂ©cutifs est considĂ©rĂ© comme un traitement cruel, inhumain ou dĂ©gradant. Bouachrine a Ă©tĂ© maintenu en isolement abusif pendant un an et deux mois.[191] Le ComitĂ© europĂ©en pour la prĂ©vention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dĂ©gradants a notĂ© qu’ il est gĂ©nĂ©ralement admis que toutes les formes d’isolement cellulaire sans stimulation mentale appropriĂ©e sont susceptibles, Ă  long terme, d’avoir des effets dommageables entraĂźnant une dĂ©tĂ©rioration des facultĂ©s mentales et des capacitĂ©s sociales ». En avril 2018, l’épouse de Bouachrine a confiĂ© Ă  Human Rights Watch qu’elle Ă©tait prĂ©occupĂ©e par une tendance Ă  la perte de mĂ©moire qu’elle percevait lorsqu’elle interagissait avec son mari.[192] 7. Soulaiman Raissouni Chroniqueur indĂ©pendant purgeant actuellement une peine de cinq ans de prison, il a Ă©tĂ© la cible de harcĂšlement de la part des mĂ©dias pro-Makhzen, et a fait l’objet d'une dĂ©tention provisoire arbitraire prolongĂ©e. Soulaiman Raissouni, 50 ans, est un chroniqueur cĂ©lĂšbre qui a travaillĂ© pour plusieurs mĂ©dias marocains, dont les quotidiens Al Aoual et Al Massae. En 2018, il a succĂ©dĂ© Ă  Taoufik Bouachrine, aprĂšs l'arrestation de ce dernier pour des accusations d'agressions sexuelles et de harcĂšlement, comme rĂ©dacteur en chef d'Akhbar Al-Yaoum, le dernier quotidien imprimĂ© au Maroc ayant une ligne Ă©ditoriale indĂ©pendante, avant sa fermeture en mars 2021.[193] Raissouni a attirĂ© l'attention pour avoir critiquĂ© le roi Mohamed VI et des personnalitĂ©s puissantes, telles que le chef de la police Abdellatif Hammouchi.[194] En 2019, les autoritĂ©s ont arrĂȘtĂ© Hajar Raissouni, journaliste d'Akhbar Al-Yaoum et niĂšce de Soulaiman, accusĂ©e d'avoir avortĂ© et eu des relations sexuelles hors mariage. Hajar Raissouni a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que ses interrogateurs de la police [lui] ont posĂ© plus de questions sur Souleiman que sur les fausses accusations portĂ©es contre [elle]. » Un tribunal de Rabat a condamnĂ© Hajar Raissouni Ă  un an de prison, avant qu’elle soit graciĂ©e par le roi. Dans un Ă©ditorial de mai 2020, Soulaiman Raissouni a critiquĂ© Hammouchi pour sa gestion du confinement national en rĂ©ponse Ă  la pandĂ©mie de COVID-19, alors Ă©mergente.[195] Raissouni a fait remarquer que le nombre de personnes arrĂȘtĂ©es pour avoir enfreint le confinement dĂ©passait le nombre de personnes testĂ©es pour le virus, remettant en question ce qu'il a appelĂ© la gestion sĂ©curitaire d'une crise sanitaire ». AccusĂ© d’avoir molestĂ© un homme gay Le 14 mai 2020, un militant marocain des droits LGBT ĂągĂ© de 25 ans connu sous le pseudonyme d'Adam Mohammed ci-aprĂšs identifiĂ© comme Adam » a publiĂ© sur sa page Facebook personnelle une affirmation selon laquelle un homme l'avait agressĂ© sexuellement en 2018. Le post ne dĂ©signait pas nommĂ©ment Souleiman Raissouni mais il fournissait des dĂ©tails suffisants pour l'identifier. Adam avait fait la connaissance de l'Ă©pouse de Raissouni, la vidĂ©aste Khouloud Mokhtari, alors qu'elle l'interviewait pour un projet de film documentaire sur les personnes LGBT au Maroc. Dans sa publication sur Facebook, Adam a affirmĂ© que l'homme l'avait invitĂ© Ă  l'appartement du couple le 15 septembre 2018, sous prĂ©texte d'une sĂ©ance de tournage.[196] Adam dĂ©clarait que l'homme lui avait dit que Mokhtari et un camĂ©raman seraient prĂ©sents, mais qu’il a Ă©tĂ© surpris de constater qu'ils ne le soient pas. Il a ajoutĂ© qu'il avait Ă©galement Ă©tĂ© surpris lorsque l'homme lui avait dit que le tournage aurait lieu dans la chambre Ă  coucher, mais qu'il l'avait nĂ©anmoins suivi. Une fois qu'il s'est assis sur le lit, selon ce qu’Adam a dĂ©clarĂ© plus tard Ă  la police dans une dĂ©claration signĂ©e, Raissouni a fermĂ© les stores et verrouillĂ© la porte, puis l'a poussĂ© sur le dos, a tenu ses mains en l'air avec force puis a commencĂ©, sans y ĂȘtre invitĂ©, Ă  embrasser le cou d'Adam et Ă  toucher ses fesses. Adam a expliquĂ© qu'il avait menacĂ© de crier aprĂšs avoir tentĂ© en vain de repousser son agresseur ; Ă  ce moment, Raissouni l'a relĂąchĂ© et il a quittĂ© l'appartement, toujours selon le rĂ©cit d’Adam. L'incident allĂ©guĂ© s'est produit sans qu'aucun vĂȘtement ne soit retirĂ©. HarcĂšlement par les mĂ©dias pro-Makhzen Au lendemain de la publication du post d’Adam sur Facebook, prĂšs de deux ans aprĂšs les Ă©vĂ©nements allĂ©guĂ©s en question, Chouf TV, un site pro-Makhzen, l'a republiĂ© sous le titre PremiĂšre goutte de pluie avant l’averse le petit Soulaiman doit apporter des Ă©claircissements aprĂšs qu'un homosexuel l’accuse de harcĂšlement sexuel ».[197] L'averse » promise s'est dĂ©clenchĂ©e dans les jours suivants et poursuivie plusieurs semaines, sous la forme de dizaines d’articles sur Chouf TV et dans d'autres mĂ©dias pro-Makhzen, dont Barlamane et Le360. Les articles Ă©taient truffĂ©s d'insultes vulgaires et d'accusations Ă  caractĂšre sexuel contre Raissouni, notamment qu'il avait non seulement pleinement violĂ© » Adam Mohammed, mais Ă©galement qu'il vivait en concubinage avec une femme avec laquelle un membre de sa famille avait engendrĂ© un enfant illĂ©gitime » le membre de la famille de Raissouni et la femme ont Ă©tĂ© nommĂ©s et un extrait non censurĂ© de l'acte de naissance de l'enfant a Ă©tĂ© publiĂ©.[198] Raissouni a rĂ©pondu par quelques courts posts sur Facebook, accusant nommĂ©ment les directeurs de Barlamane et de Chouf TV, ainsi que de hauts responsables de l'État, d'ĂȘtre des dĂ©viants sexuels », une expression arabe dĂ©sobligeante pour dĂ©signer les homosexuels. Ces posts, rĂ©digĂ©s en des termes explicites, n'ont fait qu'alimenter de nouvelles attaques contre Raissouni sur des sites pro-Makhzen. Chouf TV a publiĂ© une sĂ©rie d'articles – notamment des bandes annonces pour les Ă©pisodes Ă  venir – truffĂ©s d'insultes vulgaires, sous des titres tels que Slaimina Show » Slaimina veut dire petit Soulaiman » en arabe et Haruniyat Soulaiman » ce qui peut ĂȘtre librement traduit par la dĂ©bauche de Soulaiman », en rĂ©fĂ©rence au calife du VIIIĂšme siĂšcle Harun al-Rashid, connu dans la culture populaire pour son style de vie dissolu.[199] Le 17 mai, Chouf TV a publiĂ© un article intitulĂ© Slaimina Raissouni Ceci est le dernier avertissement avant ta destruction ».[200] La police a arrĂȘtĂ© Raissouni cinq jours plus tard dans la rue, devant son domicile Ă  Casablanca. Chouf TV Ă©tait lĂ  pour filmer l'arrestation. [201] Raissouni est dĂ©tenu depuis lors. DĂ©tention provisoire injustifiĂ©e, procĂšs par contumace, rejet d'un tĂ©moin Le 20 mai 2020, Adam a Ă©tĂ© convoquĂ© pour interrogatoire dans un poste de police de Marrakech, oĂč il rĂ©sidait alors. Selon la transcription de son interrogatoire, que Human Rights Watch a examinĂ©e, Adam a confirmĂ© ce jour-lĂ  que Raissouni Ă©tait l'auteur allĂ©guĂ© anonyme de l'agression sexuelle de 2018 qu'il avait signalĂ©e sur Facebook quelques jours plus tĂŽt. Un procureur a inculpĂ© Raissouni de sĂ©questration et d'attentat Ă  la pudeur et a renvoyĂ© l'affaire devant un juge d'instruction. L'enquĂȘte judiciaire a durĂ© un an pendant lequel Raissouni est demeure en dĂ©tention provisoire, soit la durĂ©e maximale autorisĂ©e par la loi marocaine. Au cours de cette pĂ©riode, le tribunal a rejetĂ© dix demandes de libĂ©ration provisoire prĂ©sentĂ©es par la dĂ©fense de Raissouni, sans jamais fournir aucune justification dĂ©taillĂ©e de ces rejets. Selon les normes juridiques internationales, la dĂ©tention provisoire devrait ĂȘtre une mesure exceptionnelle. Lorsqu'un tribunal prive un suspect de libertĂ© jusqu'Ă  son procĂšs, il doit en fournir une justification Ă©crite, substantielle et individualisĂ©e, et le dĂ©tenu doit comparaĂźtre devant le tribunal rapidement puis rĂ©guliĂšrement pour des audiences sur la nĂ©cessitĂ© de maintenir la dĂ©tention provisoire. Ni le procureur qui a initialement ordonnĂ© l'arrestation de Raissouni, ni le juge d'instruction qui a examinĂ© son affaire pendant plus d'un an, ni le juge qui a prĂ©sidĂ© le procĂšs, qui a dĂ©butĂ© le 9 fĂ©vrier 2021, n'ont jamais fourni une telle justification. Le 7 avril 2021, Raissouni a entamĂ© une grĂšve de la faim pour protester contre sa dĂ©tention provisoire. Le 15 avril, il a assistĂ© Ă  une audience mais a affirmĂ© qu'il Ă©tait trop faible pour parler en raison de sa grĂšve de la faim, et a refusĂ© de rĂ©pondre aux questions du juge. AprĂšs cela, Raissouni a dĂ©clarĂ©, via ses avocats, qu'il assisterait aux prochaines audiences du procĂšs Ă  condition d'ĂȘtre transportĂ© Ă  la salle d'audience en ambulance et en fauteuil roulant, et sous surveillance mĂ©dicale. Le juge a rejetĂ© ces demandes et a poursuivi le procĂšs en l'absence de l'accusĂ©. Le juge a Ă©galement ordonnĂ© qu'un greffier rencontre Raissouni dans sa cellule aprĂšs chaque sĂ©ance pour l'informer du dĂ©roulement du procĂšs. La dĂ©fense de Raissouni a demandĂ© que les tribunaux de premiĂšre instance et d'appel qui le jugeaient convoquent une femme de mĂ©nage dont Raissouni a dĂ©clarĂ© qu’elle se trouvait dans l'appartement le jour de l'agression prĂ©sumĂ©e. Les deux juges ont rejetĂ© la demande. Le jugement de premiĂšre instance a justifiĂ© le rejet par Ă©crit ainsi Les juges ne sont pas tenus d'entendre les tĂ©moins tant que la preuve des faits n'est pas subordonnĂ©e Ă  leur tĂ©moignage. » Nul ne sait ce que ce tĂ©moin aurait dĂ©clarĂ©, si elle avait tĂ©moignĂ©, et comment cela aurait pu aider Raissouni. Un Ă©lĂ©ment de preuve clĂ© pour le tribunal Ă©tait un enregistrement audio d'une conversation qui aurait eu lieu entre Raissouni et Adam, quelques minutes aprĂšs l’agression allĂ©guĂ©e du 15 septembre 2018. Selon Adam, peu de temps aprĂšs avoir quittĂ© la maison de son agresseur allĂ©guĂ©, Raissouni l'a appelĂ© sur son tĂ©lĂ©phone et lui a demandĂ© de l'attendre dans une rue voisine, car il voulait lui parler. Raissouni, selon le rĂ©cit d'Adam, l’a rejoint quelques minutes plus tard et a briĂšvement discutĂ© avec lui. Adam a dĂ©clarĂ© Ă  la police et au tribunal qu'il avait mis son tĂ©lĂ©phone portable en mode enregistrement et l'avait cachĂ© dans sa poche pendant la conversation. L'enregistrement, prĂ©sentĂ© au tribunal, comportait une conversation d'une minute et 19 secondes entre deux personnes avec le bruit de la rue en arriĂšre-plan. Le jugement Ă©crit, examinĂ© par Human Rights Watch, contient une transcription de cette conversation, qui a ensuite Ă©tĂ© divulguĂ©e et publiĂ©e en format audio sur Barlamane. Dans l'enregistrement, l'individu 1 dit Ă  l'individu 2 qu'il Ă©tait son ami », auquel l'individu 2 rĂ©torque l'amitiĂ© est une chose, mais ce que tu as fait est autre chose. » L'individu 1 rĂ©pond c'Ă©tait un malentendu » et plaide pour que l'individu 2 ne dramatise pas les choses. » AprĂšs que l'individu 2 ait dit qu'il "allait rencontrer Khouloud", l'individu 1 rĂ©pond D'accord, alors nous ne nous sommes jamais rencontrĂ©s aujourd'hui, okay ? »[202] Le 18 septembre 2020, le juge d'instruction en charge de l’affaire a ordonnĂ© une expertise de l'enregistrement audio. Adam, qui a Ă©tĂ© convoquĂ©, s'est identifiĂ© comme l'individu 2 et a acceptĂ© d'enregistrer un Ă©chantillon de sa voix. L'expertise technique prĂ©cisera plus tard que l'Ă©chantillon de voix d'Adam correspondait Ă  la voix de l'individu 2. InterrogĂ© par le juge d'instruction s'il Ă©tait l'individu 1, Raissouni a refusĂ© de rĂ©pondre, puis a refusĂ© de faire enregistrer sa voix. Les avocats de Raissouni ont justifiĂ© le refus de coopĂ©ration de leur client par le fait que le procureur a prĂ©sentĂ© cette preuve sous la forme d'un fichier audio gravĂ© sur un DVD, plutĂŽt que de produire le vĂ©ritable smartphone sur lequel la conversation aurait Ă©tĂ© enregistrĂ©e. L'un des avocats a dĂ©clarĂ© au tribunal que, puisque le fichier audio Ă©tait une copie plutĂŽt que l'original, ils ne pouvaient pas exclure qu'il ait Ă©tĂ© falsifiĂ©. Le 10 juillet, le tribunal a reconnu Raissouni, qui n'avait encore jamais Ă©tĂ© reconnu coupable d'aucune infraction pĂ©nale, coupable d'avoir retenu un homme de maniĂšre non consensuelle pendant quelques instants, de l'avoir briĂšvement touchĂ© sur une partie intime de son corps, puis de l'avoir relĂąchĂ© aprĂšs que l'homme eut menacĂ© de crier. Le tribunal a estimĂ© que ces faits justifiaient cinq ans de prison. Raissouni a mis fin Ă  sa grĂšve de la faim le 4 aoĂ»t 2021, environ trois mois aprĂšs l'avoir commencĂ©e. Le 23 fĂ©vrier 2022, la Cour d'appel de Casablanca a confirmĂ© la condamnation en premiĂšre instance contre Raissouni. Non-application sĂ©lective d'une loi injuste Le jugement Ă©crit du tribunal a affirmĂ© au moins trois fois qu'Adam Ă©tait gay. Selon ce document, c’est ce qu’Adam a dĂ©clarĂ© Ă  ses interrogateurs de la police et au juge d'instruction chargĂ© de l'affaire. Son avocat a Ă©galement affirmĂ© devant le tribunal qu'Adam s'identifiait comme un homme gay. L'article 489 du code pĂ©nal marocain criminalise les relations homosexuelles et les punit de six mois Ă  trois ans de prison et d'amendes pouvant aller jusqu'Ă  1 000 dirhams environ 100 dollars US. Au fil des ans, le Maroc a poursuivi et emprisonnĂ© des hommes en vertu de l'article 489, mĂȘme lorsqu'il n'y avait aucune preuve qu'ils s'Ă©taient livrĂ©s Ă  des actes sexuels entre personnes de mĂȘme sexe. Le fait qu'Adam ait Ă©chappĂ© aux poursuites alors qu'il avait ouvertement dĂ©clarĂ© aux autoritĂ©s qu'il Ă©tait homosexuel est une Ă©volution bienvenue que Human Rights Watch salue. Ce prĂ©cĂ©dent soulĂšve cependant un doute important celui que les autoritĂ©s appliquent la loi de maniĂšre sĂ©lective, ayant choisi de ne pas poursuivre Adam seulement parce que cela servait leurs fins, et non parce qu'elles souhaitent respecter les droits garantis internationalement aux personnes LGBT . Dans un rapport publiĂ© en 2020, le bureau du parquet gĂ©nĂ©ral a indiquĂ© que 283 adultes ont Ă©tĂ© poursuivis au Maroc pour avoir eu des relations homosexuelles. 8. Omar Radi Journaliste d’investigation purgeant actuellement une peine de six ans de prison, il a Ă©tĂ© harcelĂ© sur les mĂ©dias pro-Makhzen, poursuivi pour certaines accusations qui semblent politiquement motivĂ©es, fait l’objet de procĂ©dures judiciaires inĂ©quitables, d’une dĂ©tention provisoire prolongĂ©e sans justification, de surveillance Ă©lectronique, ainsi que d’une agression physique suspecte. Omar Radi, 36 ans, est un journaliste d’investigation qui a collaborĂ© avec de nombreux mĂ©dias marocains et internationaux.[203] Il est aussi un membre actif de l’Association marocaine des droits de l’homme, la plus grande organisation de dĂ©fense des droits humains du pays, harcelĂ©e par les autoritĂ©s pendant des dĂ©cennies.[204] Radi est Ă©galement un activiste pour les droits sociaux et Ă©conomiques qui a Ă©tĂ© actif dans diverses organisations non gouvernementales, notamment pour la dĂ©fense de la libertĂ© de la presse et des droits fonciers. Il a Ă©tĂ© vice-prĂ©sident d’Attac Maroc, la branche locale d’une organisation anti-mondialisation qui promeut l’action civique en rĂ©ponse aux excĂšs perçus du capitalisme mondial. En 2013, il a co-Ă©crit un article d’investigation primĂ© sur les carriĂšres de sable.[205] Ce secteur lucratif est considĂ©rĂ© comme un foyer de corruption d’État au Maroc, car l’exploitation des carriĂšres ne peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e qu’avec des permis d’État, que le palais royal distribue sur une base discrĂ©tionnaire et opaque, notamment Ă  des dignitaires proches du palais royal.[206] En 2016, Radi Ă©tait Ă  l’origine du la rĂ©vĂ©lation du scandale de corruption dit des serviteurs de l’État » ; un site d’information marocain, avait publiĂ© une liste d’une centaine de noms de hauts fonctionnaires qui auraient acquis des terrains publics Ă  seulement une fraction de leur valeur marchande.[207] MĂȘme si l’article original n’était pas signĂ©, Radi a rĂ©vĂ©lĂ© plus tard ĂȘtre le journaliste qui avait obtenu la liste confidentielle.[208] En 2018, Radi a co-rĂ©alisĂ© le film documentaire La mort plutĂŽt que l’humiliation », qui dĂ©fendait fermement le Hirak, un mouvement de protestation qui a secouĂ© la rĂ©gion du Rif au nord du Maroc en 2017.[209] Environ 500 militants ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, torturĂ©s dans des postes de police et condamnĂ©s Ă  des annĂ©es de prison Ă  l’issue de procĂšs entachĂ©s d’irrĂ©gularitĂ©s.[210] En 2018 Ă©galement, Radi a participĂ© Ă  un talk-show sur YouTube dans lequel il critiquait le roi ainsi que des hauts responsables qu’il dĂ©signait par leur nom, notamment le chef de la police Abdellatif Hammouchi, rĂ©putĂ© ĂȘtre le second personnage le plus puissant du royaume.[211] À un moment donnĂ©, prenant un risque manifeste, Radi a mis en garde le roi Mohammed VI contre Hammouchi, laissant entendre que les mĂ©thodes brutales de ce dernier retourneraient la jeune gĂ©nĂ©ration de Marocains contre la monarchie.[212] Lors de la mĂȘme Ă©mission, Radi a affirmĂ© que le ministĂšre de l’IntĂ©rieur avait abritĂ© le plus grand systĂšme de corruption du pays de tous les temps », en rĂ©fĂ©rence Ă  un programme social lancĂ© par le roi et administrĂ© par ce ministĂšre au milieu des annĂ©es 2000. Radi a appelĂ© dans la foulĂ©e Ă  la dissolution du ministĂšre de l’IntĂ©rieur. Un mois plus tard, le ministĂšre a demandĂ© Ă  un tribunal de dissoudre l’ONG qui avait offert ses locaux au talk-show, au motif que ce dernier comprenait des insultes envers les institutions », citant certaines des dĂ©clarations de Radi pendant l’émission. Le tribunal a ordonnĂ© sa dissolution le 26 dĂ©cembre 2020. EmprisonnĂ© pour un tweet Le 6 avril 2019, Radi a tweetĂ© Lahcen Tolfi, juge de la cour d’appel, bourreau de nos frĂšres, souvenons-nous bien de lui. Dans beaucoup de rĂ©gimes, les petits bras comme lui sont revenus supplier aprĂšs en prĂ©tendant avoir "exĂ©cutĂ© des ordres". Ni oubli ni pardon avec ces fonctionnaires sans dignitĂ© ». [213] Radi a tweetĂ© ce message quelques minutes aprĂšs qu’un tribunal d’appel, prĂ©sidĂ© par Tolfi, ait confirmĂ© les verdicts du tribunal de premiĂšre instance contre les leaders du Hirak, condamnĂ©s en juin 2018 Ă  des peines allant jusqu’à 20 ans de prison – en grande partie sur la base de dĂ©clarations arrachĂ©es sous contrainte policiĂšre.[214] Neuf mois se sont Ă©coulĂ©s avant que la police ne convoque Radi pour interrogatoire. Quand il s’est prĂ©sentĂ© le 26 dĂ©cembre 2019, un procureur de Casablanca l’a accusĂ© d’ insulte Ă  un magistrat » et a ordonnĂ© sa dĂ©tention ainsi que son renvoi immĂ©diat en justice. Le seul fondement de l’accusation Ă©tait son tweet du 6 avril. Radi a passĂ© six jours en dĂ©tention provisoire avant d’ĂȘtre libĂ©rĂ© sous caution, Ă  la suite d’une campagne de soutien international. Le 17 mars 2020, il a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  quatre mois de prison avec sursis pour insulte Ă  un magistrat. Le verdict a Ă©tĂ© confirmĂ© en appel en dĂ©cembre 2020. Une agression sans enquĂȘte Le 7 juillet 2019, Radi conduisait sa voiture vers minuit Ă  Ain Sebaa, une banlieue de Casablanca, lorsqu’un motocycliste lui a barrĂ© la route. Alors qu’il essayait de contourner l’homme Ă  moto, a racontĂ© Radi Ă  Human Rights Watch, une dizaine d’autres hommes sont sortis de l’ombre et ont commencĂ© Ă  fracasser sa voiture Ă  coups de bĂąton, de pierres et de briques. Les assaillants ont rĂ©ussi Ă  briser la vitre du passager avant que Radi ne parvienne finalement Ă  fuir la scĂšne. La mĂšre de Radi a ensuite fourni Ă  Human Rights Watch des photos montrant les lourds dĂ©gĂąts infligĂ©s au vĂ©hicule.[215] Le lendemain matin, Radi s’est rendu Ă  un poste de police Ă  Ain Sebaa et a dĂ©posĂ© plainte. Un policier a promis une enquĂȘte, a fourni Ă  Radi un reçu avec un cachet de la police ainsi qu’un numĂ©ro de dossier, et lui a dit d’utiliser ce numĂ©ro pour suivre l’état de sa plainte au tribunal d’Ain Sebaa. Quelques mois plus tard, son avocat s’est rendu au tribunal afin de vĂ©rifier l’avancement de la plainte. Il a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que le numĂ©ro de sĂ©rie indiquĂ© sur le reçu Ă©tait faux et ne correspondait Ă  aucun dossier judiciaire existant. Surveillance numĂ©rique et infection par un logiciel espion Le 22 juin 2020, Amnesty International a signalĂ© Ă  Radi que son smartphone avait Ă©tĂ© pris pour cible par Pegasus, un puissant logiciel espion dĂ©veloppĂ© par la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne NSO Group.[216] Une fois introduit subrepticement sur un tĂ©lĂ©phone mobile, le logiciel obtient un accĂšs complet Ă  son contenu, le transformant en appareil de surveillance secrĂšte de son dĂ©tenteur. Dans une dĂ©claration du 2 juillet 2020, un porte-parole du gouvernement a niĂ© avec vĂ©hĂ©mence toute surveillance Ă©lectronique d’opposants.[217] Le porte-parole a dĂ©plorĂ© une campagne internationale injuste de diffamation » contre le Maroc. Un prĂ©cĂ©dent rapport d’Amnesty International avait documentĂ© l’utilisation du mĂȘme logiciel espion contre les dĂ©fenseurs marocains des droits humains Maati Monjib et Abdessadak El Bouchattaoui.[218] En juillet 2021, une sĂ©rie d’articles d’investigation publiĂ©s par le consortium journalistique international Forbidden Stories indiquait que le smartphone de Radi faisait partie de milliers d’autres ciblĂ©s par les autoritĂ©s marocaines via Pegasus.[219] Le Maroc a poursuivi le collectif et Amnesty International, ainsi que diffĂ©rents mĂ©dias qui avaient relayĂ© leurs conclusions, pour diffamation. Le Maroc a perdu le procĂšs en mars 2022. Campagne de harcĂšlement par les mĂ©dias pro-Makhzen Entre le 7 juin et le 15 septembre 2020, Human Rights Watch a dĂ©nombrĂ© au moins 136 articles attaquant personnellement Radi, sa famille et ses partisans sur les sites pro-Makhzen Chouf TV, Barlamane et Le360, dans leurs versions arabe et française. Les articles comprenaient des insultes vulgaires Ă  l’égard de Radi et des informations personnelles Ă  son sujet, notamment ses opĂ©rations bancaires personnelles, des allĂ©gations selon lesquelles il souffrait de graves problĂšmes de santĂ© mentale ainsi que de toxicomanie, et qu’il avait violĂ© une femme 13 ans plus tĂŽt ladite femme, contactĂ©e plus tard par un media français, a catĂ©goriquement niĂ© l’allĂ©gation.[220] Les articles ont Ă©galement divulguĂ© le nom d’une ancienne colocataire de Radi, allĂ©guant qu’ils avaient une relation intime, et d’innombrables dĂ©tails biographiques, notamment sur l’enfance de Radi, ses parents et plusieurs de ses amis et membres de son comitĂ© de soutien. Enfin, Chouf TV a publiĂ© la date d’arrestation de Radi cinq jours Ă  l’avance.[221] HarcĂšlement policier et judiciaire Le 24 juin 2020, deux jours seulement aprĂšs qu’Amnesty International ait dĂ©clarĂ© publiquement que Radi Ă©tait sous surveillance Ă©lectronique, les autoritĂ©s l’ont placĂ© sous interdiction de quitter le territoire, et la police judiciaire l’a convoquĂ© pour interrogatoire.[222] Il subira douze sĂ©ances d’interrogatoire de six Ă  neuf heures chacune, pour un total de 97 heures en moins de cinq semaines, selon les calculs de Reporters sans frontiĂšres.[223] Le procureur de Casablanca qui a ordonnĂ© les interrogatoires a accusĂ© Radi d’ espionnage » pour des gouvernements, des entreprises et des organisations Ă©trangers. Driss Radi, le pĂšre d’Omar, a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que la surveillance policiĂšre constante ainsi que la campagne fĂ©roce dans les mĂ©dias pro-Makhzen s’apparentaient Ă  de la torture psychologique » pour son fils. Le pĂšre a fourni en appui une note d’un psychiatre datĂ©e du 28 juillet 2020, que Human Rights Watch a examinĂ©e, certifiant que la santĂ© mentale d’Omar exigeait un arrĂȘt de travail » pendant 30 jours, avec effet immĂ©diat. La police a arrĂȘtĂ© Omar Radi le lendemain, le 29 juillet 2020. Il est derriĂšre les barreaux depuis cette date. Le procureur, puis un juge d’instruction, puis le juge de premiĂšre instance puis celui d’appel ont rejetĂ© au moins vingt demandes de libĂ©ration provisoire – mĂȘme si Radi avait une adresse connue au Maroc, qu’il s’était engagĂ© Ă  participer pleinement au processus judiciaire, et qu’il ne prĂ©sentait aucun risque de fuite apparent en raison de son interdiction de voyager. Selon les normes juridiques internationales, le droit Ă  la prĂ©somption d’innocence exige que, lorsque les autoritĂ©s judiciaires privent un suspect de sa libertĂ©, elles fournissent une justification Ă©crite, individualisĂ©e et substantielle de la dĂ©tention provisoire – justification que le suspect peut contester, et qui doit ĂȘtre soumise Ă  un examen rapide, puis pĂ©riodique, par des magistrats indĂ©pendants de celui qui ordonnĂ© la dĂ©tention. Le tribunal ne fournira jamais Ă  Radi aucune justification de ce type, et le maintiendra en dĂ©tention provisoire pendant une annĂ©e entiĂšre. Sur les 15 audiences que durera le procĂšs de premiĂšre instance, les avocats de Radi rĂ©itĂ©reront 12 fois leur demande de mise en libertĂ© provisoire de leur client. Le juge rejettera la demande Ă  chaque fois, avec la mĂȘme justification tenant en une ligne Les actes attribuĂ©s Ă  l’accusĂ©, Omar Radi, sont d’une grande gravitĂ© et constituent une violation de la sĂ©curitĂ© et de l’ordre public ». Poursuites pour espionnage » Le 2 juillet 2020, un porte-parole du gouvernement a dĂ©clarĂ© que Radi faisait l’objet d’une enquĂȘte pour avoir vraisemblablement nui Ă  la sĂ©curitĂ© de l’État ». L’affaire Ă©tait basĂ©e sur trois groupes de preuves des textos que Radi avait Ă©changĂ©s avec un diplomate nĂ©erlandais, prĂ©alablement Ă  une rĂ©union au cours de laquelle les deux hommes ont discutĂ© des troubles dans le Rif ; des contrats que Radi avait signĂ©s avec deux sociĂ©tĂ©s de conseil britanniques afin de mener des recherches sur les secteurs financier et agricole marocains ; une subvention de recherche qu’il avait reçue de la Fondation Bertha pour enquĂȘter sur les expropriations fonciĂšres au Maroc. Le dossier, que Human Rights Watch a examinĂ© en dĂ©tail, ne contient aucune preuve que Radi ait fait quoi que ce soit d’autre que des travaux journalistiques ou de recherche sur des entreprises due diligence » ordinaires, et maintenir le contact avec des diplomates, comme le font beaucoup de journalistes et de chercheurs de maniĂšre routiniĂšre. Le dossier ne contient aucune preuve qu’il ait fourni des renseignements secrets Ă  quiconque ni mĂȘme qu’il ait, Ă  la base, jamais obtenu de tels renseignements. 1. L’ambassade des Pays-Bas au Maroc Fin 2017, alors que des manifestations socio-Ă©conomiques massives et quasi-totalement pacifiques secouaient la rĂ©gion du Rif au nord du Maroc, Radi s’est frĂ©quemment rendu dans cette rĂ©gion pour prĂ©parer un documentaire sur le mouvement de protestation du Hirak ». C’est pendant cette pĂ©riode qu’un juge a approuvĂ© la requĂȘte, Ă©mise par un procureur, de mettre le tĂ©lĂ©phone de Radi sur Ă©coute. Alors que ses communications Ă©taient sous surveillance, Radi a Ă©changĂ© des SMS avec un diplomate travaillant Ă  l’ambassade des Pays-Bas Ă  Rabat. Ces SMS, examinĂ©s par Human Rights Watch, ne contenaient rien de plus que des dispositions afin d’organiser des rencontres entre les deux hommes. InterrogĂ© par la police, Radi a insistĂ© sur le fait que ses Ă©changes avec le diplomate Ă©taient des conversations de routine sur l’évolution des Ă©vĂ©nements au Maroc, en particulier dans le Rif. Comme le montre le jugement Ă©crit de la Cour, examinĂ© par Human Rights Watch, le procureur a soutenu que les contacts de Radi avec des diplomates nĂ©erlandais violaient l’article 191 du Code pĂ©nal marocain, qui interdit de porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© extĂ©rieure de l’État en entretenant une relation de renseignement avec des agents d’une autoritĂ© Ă©trangĂšre, dans le but ou Ă  l’effet de nuire Ă  la situation diplomatique du Maroc ». La collecte d’informations non classifiĂ©es sur les conditions sociales ou les actions gouvernementales, et leur partage avec d’autres parties, par quelque moyen que ce soit, sont protĂ©gĂ©es par le droit internationalement reconnu de rechercher, recevoir et communiquer des informations et des idĂ©es de toutes sortes, sans distinction de frontiĂšres » – un droit protĂ©gĂ© par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Maroc a ratifiĂ© en 1979.[224] Que de telles informations puissent donner une mauvaise impression des personnes au pouvoir, ou que le destinataire puisse les utiliser pour les critiquer, ne justifie pas de criminaliser leur collecte ou leur diffusion. En outre, l’accusation de nuire Ă  la position diplomatique [d’une nation] » est formulĂ©e de maniĂšre trop vague et risque ainsi d’ĂȘtre utilisĂ©e pour criminaliser des actes qui ne devraient pas l’ĂȘtre, y compris des actes d’expression pacifique. La formulation vague de cette infraction ouvre la porte Ă  des interprĂ©tations arbitraires de la part des juges, empĂȘchant une personne de prĂ©dire raisonnablement quels actes seraient considĂ©rĂ©s comme des crimes. Le ministre nĂ©erlandais des Affaires Ă©trangĂšres, Ben Knapen, a adressĂ© une lettre au parlement nĂ©erlandais le 14 octobre 2021, dĂ©clarant que son gouvernement rejette les accusations d’espionnage [en rĂ©fĂ©rence aux contacts de Radi avec des diplomates nĂ©erlandais], et a transmis ce message Ă  l’ambassadeur du Maroc Ă  La Haye. »[225] Sa lettre ajoute Il a Ă©tĂ© soulignĂ© que les ambassades sont libres d’entretenir des contacts avec les journalistes, [et que] cela fait partie de [leurs] activitĂ©s rĂ©guliĂšres. » Selon Knapen, les autoritĂ©s marocaines ont rĂ©pondu que, bien qu’elles attachent une grande importance aux bonnes relations avec les Pays-Bas », elles ne peuvent pas interfĂ©rer avec un processus judiciaire ». 2. SociĂ©tĂ©s britanniques de conseil en Ă©conomie Selon un article publiĂ© le 15 juillet 2020 par le site d’information Le Desk, pour lequel travaillait Radi, une sociĂ©tĂ© britannique de consulting Ă©conomique avait engagĂ© Radi en juillet 2018 en tant que consultant local en Ă©valuation de risques.[226] Radi devait conduire des entretiens avec des acteurs du secteur financier du royaume, afin d’établir un profil des associĂ©s d’une entreprise marocaine de services financiers, pour le compte d’un client de la sociĂ©tĂ© britannique qui envisageait d’y investir. Pour ce travail, Radi a reçu l’équivalent de 1 500 dollars US. D’aprĂšs l’article du Desk, le contact de Radi pour ce travail dans la sociĂ©tĂ© britannique Ă©tait un officier Ă  la retraite du Foreign Office ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres du Royaume-Uni, dont le nom Ă©tait mentionnĂ© dans une prĂ©tendue liste d’officiers du MI6, le service de renseignements extĂ©rieurs du pays.[227] Radi a dĂ©clarĂ© qu’à l’époque, il ignorait tout d’une quelconque affiliation aux services secrets de son interlocuteur au sein de la sociĂ©tĂ© britannique de consulting Ă©conomique, et a niĂ© avoir fourni Ă  cette personne, ou Ă  cette sociĂ©tĂ©, tout service autre que de la recherche standard sur des sociĂ©tĂ©s privĂ©es. Le procureur a pourtant conclu que les services de Radi ne relevaient pas d’une innocente activitĂ© de consulting, mais plutĂŽt d’espionnage. Il est parvenu Ă  la mĂȘme conclusion concernant le travail de recherche sur le secteur agricole marocain, fournies par Radi a une autre sociĂ©tĂ© de consulting britannique, pour lequel il a Ă©tĂ© paye l’équivalent de 450 dollars US. Les tĂąches effectuĂ©es par Radi pour ces sociĂ©tĂ©s, ainsi que ses contacts avec l’ambassade des Pays-Bas, constituent le fondement de l’accusation d’ atteinte Ă  la sĂ»retĂ© extĂ©rieure » en vertu de l’article 191 du code pĂ©nal. Le dossier d’accusation, et le rapport de police sur lequel il se fonde, ne semblent pourtant contenir aucune preuve sur la nature des Ă©lĂ©ments fournis par Radi Ă  l’une ou l’autre sociĂ©tĂ© et constituant le crime d’espionnage, ni sur le fait qu’il les aurait fournis en sachant que cela porterait atteinte Ă  la sĂ»retĂ© de l’État. La collecte et le partage d’informations non classifiĂ©es sur des activitĂ©s commerciales devraient gĂ©nĂ©ralement ĂȘtre des activitĂ©s protĂ©gĂ©es en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Maroc a ratifiĂ© en 1979. 3. La Fondation Bertha En janvier 2019, la Fondation Bertha, basĂ©e Ă  GenĂšve, a octroyĂ© une bourse fellowship Ă  Radi. Cette fondation offre des fellowships » rĂ©munĂ©rĂ©s Ă  des journalistes et activistes qui Ɠuvrent en faveur de changements Ă©conomiques et sociaux. L’objectif de cette bourse Ă©tait que Radi conduise des recherches sur l’impact social des expropriations de terrains pour cause d’utilitĂ© publique au Maroc. Selon le ComitĂ© pour la protection des journalistes CPJ, le projet de fellowship de Radi consistait Ă  faire des recherches sur les abus liĂ©s Ă  l’expropriation des terres, par lesquelles l’État achetait des terres collectives appartenant Ă  des tribus pour trĂšs peu d’argent, puis les vendait Ă  des sociĂ©tĂ©s privĂ©es en rĂ©alisant un profit maximal.[228] Au cours de son fellowship d’un an, les recherches [de Radi] ne se sont pas seulement concentrĂ©es sur des expropriateurs de terres — ce qui peut dĂ©ranger les autoritĂ©s marocaines — mais plus globalement sur le problĂšme systĂ©mique de la dĂ©possession. Les petits agriculteurs et les membres de tribus que [Radi] a Ă©tudiĂ©es continuent de s’appauvrir tandis que les expropriateurs de continuent de s’enrichir. » La bourse faisait partie d’un programme appelĂ© Bertha Challenge, qui soutient les fellows » de Bertha pour qu’ils rĂ©pondent Ă  la question suivante Comment la collusion entre propriĂ©tĂ©, profit et politique contribue-t-elle aux injustices fonciĂšres et de logement, et que peut-on faire pour y remĂ©dier ? » [229] Pour le procureur, cela signifiait que Radi, sous commande d’une organisation Ă©trangĂšre, avait acceptĂ© une tĂąche dont l’objectif Ă©tait de susciter, au sein de la population marocaine, un sentiment d’injustice au sujet des expropriations de terres. Les activitĂ©s de Radi, a dĂ©clarĂ© le procureur, justifiaient des accusations en vertu de l’article 206 nuire Ă  la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure de l’État en recevant une rĂ©munĂ©ration d’une entitĂ© Ă©trangĂšre pour une activitĂ© ou une propagande qui pourrait Ă©branler la loyautĂ© que les citoyens doivent Ă  l’État et aux institutions du peuple marocain ». L’examen, l’analyse et la formulation de commentaires sur les politiques publiques et leur impact sont des activitĂ©s protĂ©gĂ©es en vertu des normes internationales des droits humains. Engager des poursuites contre un individu pour s’ĂȘtre livrĂ© Ă  de telles activitĂ©s constitue une violation flagrante du droit Ă  la libertĂ© d’expression, garanti par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Maroc a ratifiĂ©. En outre, l’accusation de porter atteinte Ă  la loyautĂ© que les citoyens doivent Ă  l’État et aux institutions du peuple marocain » est floue et vague, et peut ĂȘtre utilisĂ©e pour criminaliser des actes lĂ©gaux et lĂ©gitimes qui relĂšvent du droit Ă  la libertĂ© d’expression. Ici aussi, la formulation de l’infraction en termes vagues permet des interprĂ©tations arbitraires par les juges, empĂȘchant les personnes de prĂ©dire raisonnablement que leurs actions pourraient ĂȘtre interprĂ©tĂ©es comme des crimes. Poursuites pour ivresse publique, violence et insultes Le 6 juillet 2020, les autoritĂ©s ont inculpĂ© Radi pour ivresse publique manifeste », violences et insultes. Ces accusations dĂ©coulent d’une altercation qui avait opposĂ© d’une part Radi et Imad Stitou, un collĂšgue journaliste au Desk, et d’autre part Karim Alaoui, un camĂ©raman pour le site pro-Makhzen Chouf TV, devant un pub Ă  Casablanca. L’incident s’est produit le 5 juillet, au beau milieu des cinq semaines d’interrogatoires-marathon auxquelles la police judiciaire avait soumis Radi pour espionnage » avant son arrestation. Dans une vidĂ©o de l’incident, on entend Alaoui hurler des insultes Ă  Radi, le traitant de voleur » et d' ivrogne ».[230] Radi a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu’il soupçonnait l’incident d’ĂȘtre une provocation avec la complicitĂ© de la police, vu comment celle-ci Ă©tait intervenue presqu’immĂ©diatement et les avait arrĂȘtĂ©s, lui et Stitou, tandis qu’Alaoui n’a pas Ă©tĂ© dĂ©tenu. Dans un communiquĂ© publiĂ© sur Facebook, Radi a dĂ©clarĂ© qu’Alaoui le harcelait depuis plusieurs jours, Ă  chaque fois qu’il entrait ou sortait du siĂšge de la police judiciaire de Casablanca, oĂč il Ă©tait interrogĂ©.[231] Deux tĂ©moins de l’incident du 5 juillet ont expliquĂ© Ă  Human Rights Watch qu’Alaoui avait attendu Ă  l’extĂ©rieur du pub depuis au moins deux heures pendant que Radi Ă©tait Ă  l’intĂ©rieur, puis qu’il avait commencĂ© Ă  le filmer Ă  la minute oĂč lui et Stitou sont sortis, vers 23 heures. Les trois hommes ont alors Ă©changĂ© des invectives tout en se filmant mutuellement avec leurs tĂ©lĂ©phones portables. Aucun acte de violence n’a eu lieu, ont dĂ©clarĂ© les tĂ©moins, ajoutant qu’une fourgonnette de police, apparemment garĂ©e dans une rue adjacente, Ă©tait apparue moins d'une minute aprĂšs le dĂ©but de la dispute. Les policiers ont interpellĂ© Radi et Stitou, laissant Alaoui en libertĂ©. Radi et Stitou, dĂ©tenus toute la nuit, ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s le lendemain aprĂšs-midi. Radi a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que les policiers avaient confisquĂ© son smartphone lors de son interpellation et qu’un agent lui avait dit qu’ils avaient consultĂ© son contenu, y compris ses conversations sur la messagerie cryptĂ©e Signal. Human Rights Watch n’a pas pu vĂ©rifier de maniĂšre indĂ©pendante si les donnĂ©es du tĂ©lĂ©phone mobile avaient bien Ă©tĂ© extraites. Radi et Stitou ont Ă©tĂ© accusĂ©s d’ivresse publique, de violence, d’insultes et d’avoir filmĂ© une personne sans son autorisation. Alaoui n’a Ă©tĂ© inculpĂ© que de ces deux derniers chefs d’accusation. Le 5 aoĂ»t 2021, le tribunal de premiĂšre instance d’Ain Sebaa, Ă  Casablanca, a condamnĂ© Radi et Stitou Ă  trois mois de prison avec sursis pour ivresse publique.[232] À cette date, Radi Ă©tait dĂ©jĂ  en prison depuis plus d’un an et avait rĂ©cemment Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  six ans pour espionnage et viol. Alaoui a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  deux mois de prison avec sursis pour avoir filmĂ© une personne sans son autorisation. Cette affaire a Ă©tĂ© jugĂ©e sans qu’aucun des accusĂ©s ne comparaisse devant le tribunal. Sept audiences ont eu lieu et Ă  chaque fois, le juge a notĂ© l’absence de toutes les parties accusĂ©es ainsi que de leurs Ă©quipes de dĂ©fense, et a reportĂ© le procĂšs. Le verdict a finalement Ă©tĂ© rendu lors de la huitiĂšme session le 5 aoĂ»t, toutes les parties Ă©tant toujours absentes. L’avocat de Stitou a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que son client n’avait jamais reçu aucune notification pour aucune audience, ce qui ne l’a pas empĂȘchĂ© d’ĂȘtre marquĂ© absent Ă  chacune. Radi, qui Ă  ce moment-lĂ  avait passĂ© plus d’un an en prison, n’a jamais Ă©tĂ© informĂ© non plus, et la police ne l’a jamais amenĂ© de sa cellule Ă  une salle d’audience. Poursuites pour viol Le 23 juillet 2020, Hafsa Boutahar, une ancienne collĂšgue de Radi au site d’information Le Desk oĂč elle travaillait comme agent administratif et commercial, a dĂ©posĂ© plainte contre Radi pour attentat Ă  la pudeur et viol, conduisant un procureur Ă  l’inculper de viol et d’attentat Ă  la pudeur avec violence.[233] Radi a niĂ© l’accusation et a affirmĂ© qu’ils avaient eu une relation sexuelle consensuelle.[234] L’accusation Ă©tait fondĂ©e sur des faits survenus aux premiĂšres heures du 13 juillet 2020 dans une maison appartenant au directeur du Desk, parfois utilisĂ©e comme lieu de travail par l’équipe. La plaignante, Radi, et un troisiĂšme employĂ© du Desk, le journaliste Imad Stitou, avaient Ă©tĂ© invitĂ©s Ă  y passer la nuit, chacun devant dormir sur un canapĂ© distinct dans un grand salon du rez-de-chaussĂ©e. Imad Stitou a tĂ©moignĂ© devant la gendarmerie et le juge d’instruction au sujet de sa prĂ©sence cette nuit-lĂ . Son tĂ©moignage Ă©tait conforme au rĂ©cit de Radi, selon lequel il avait eu une relation consensuelle avec la plaignante. Dans une mesure de procĂ©dure inhabituelle, car les infractions prĂ©sumĂ©es de viol et d’espionnage ne sont pas liĂ©es, le tribunal de Casablanca les a versĂ©es dans un seul dossier et les a jugĂ©es ensemble. Le mĂȘme juge d’instruction a examinĂ© toutes ces accusations et a recommandĂ© que Radi soit jugĂ© pour celles-ci devant le mĂȘme tribunal. Toutes les allĂ©gations d’agression sexuelle nĂ©cessitent une enquĂȘte sĂ©rieuse et que les responsables soient traduits en justice, avec un procĂšs Ă©quitable tant pour le plaignant que pour l’accusĂ©. En octobre 2020, alors que l'enquĂȘte judiciaire sur Omar Radi Ă©tait toujours en cours, Hafsa Boutahar a demandĂ© Ă  rencontrer Human Rights Watch. En rĂ©ponse, Human Rights Watch lui a proposĂ© de parler avec des membres fĂ©minins de l’organisation, spĂ©cialement formĂ©es pour interroger les plaignantes de violence sexuelle de maniĂšre Ă©thique. Bouhatar a rĂ©pondu par SMS en disant qu'elle ne souhaitait plus parler Ă  Human Rights Watch par respect pour la justice et pour le secret de l'enquĂȘte judiciaire ». L'organisation a respectĂ© sa dĂ©cision. En juin 2022, aprĂšs la conclusion des procĂšs en premiĂšre instance et en appel, Boutahar a demandĂ© de nouveau Ă  rencontrer Human Rights Watch. Le 10 juin, des membres des divisions Moyen-Orient Afrique du Nord et Droits des Femmes l'ont rencontrĂ©e, ainsi que son avocate. La rĂ©union a eu lieu Ă  Rabat, avec une chercheuse de Human Rights Watch participant en ligne. Lors de la rĂ©union, Boutahar a critiquĂ© certains mĂ©dias et organisations de dĂ©fense des droits humains, dont Human Rights Watch, pour ne pas avoir entendu les deux parties de l'affaire. Elle a dĂ©clarĂ© que loin de la traiter comme une victime, ils la traitaient comme si elle Ă©tait un outil que le gouvernement utilisait Ă  des fins politiques. Human Rights Watch a expliquĂ© ne pas avoir cherchĂ© Ă  parvenir Ă  une conclusion sur les faits dans l'affaire de viol. Il s'agit plutĂŽt de veiller Ă  ce que toutes les allĂ©gations d'agression sexuelle fassent l'objet d'une enquĂȘte appropriĂ©e et que les responsables soient traduits en justice, dans le cadre d'une procĂ©dure pĂ©nale qui respecte les droits du plaignant et de l'accusĂ©. Il s'agit notamment d'Ă©valuer si le dĂ©roulement du procĂšs avait respectĂ© les normes internationales rĂ©gissant le droit Ă  un procĂšs Ă©quitable. Human Rights Watch a conclu, sur la base des preuves prĂ©sentĂ©es dans ce rapport, que le procĂšs d'Omar Radi a violĂ© de nombreuses normes de procĂšs Ă©quitable, et ne peut donc pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme Ă©quitable. Les preuves que le procĂšs Radi Ă©tait inĂ©quitable Le 19 juillet 2021, Radi a Ă©tĂ© reconnu coupable de viol et d’espionnage, et a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  six ans de prison.[235] Stitou a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  un an de prison, dont six mois avec sursis, pour participation Ă  un viol. Les deux hommes ont fait appel. Radi a Ă©galement Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  payer Ă  la plaignante 200 000 dirhams 20 000 dollars US de dommages et intĂ©rĂȘts. Le 3 mars 2022, une cour d’appel a confirmĂ© les deux peines prononcĂ©es contre Radi et Stitou. Les deux tribunaux ont refusĂ© Ă  Radi l’égalitĂ© des armes », principe selon lequel les deux parties ont les mĂȘmes possibilitĂ©s de prĂ©senter leurs arguments, une condition prĂ©alable Ă  tout procĂšs Ă©quitable selon les normes internationales. Les autoritĂ©s ont refusĂ© Ă  Radi l’accĂšs Ă  son propre dossier pendant 10 mois. Ils ont rĂ©cusĂ© le tĂ©moignage du tĂ©moin clĂ© de la dĂ©fense pour participation Ă  un viol », mĂȘme si la plaignante n’a pas accusĂ© le tĂ©moin d’y avoir participĂ© et qu’aucune preuve contre lui n’a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e au tribunal. Le tribunal a Ă©galement refusĂ© Ă  la dĂ©fense le droit de contre-interroger un tĂ©moin de l’accusation de viol, et a rejetĂ© un tĂ©moin clĂ© de la dĂ©fense dans l’affaire d’espionnage. 1. L’inculpĂ© empĂȘchĂ© de consulter son propre dossier Les autoritĂ©s pĂ©nitentiaires ont interdit Ă  maintes reprises aux avocats d’Omar Radi de transmettre Ă  leur client le dossier concernant son affaire, le privant ainsi du droit de prĂ©parer sa dĂ©fense depuis sa cellule. Radi n’a Ă©tĂ© autorisĂ© Ă  consulter son dossier complet que sur ordre du juge, aprĂšs deux plaintes de ses avocats, le 3 juin 2021 – soit 10 mois aprĂšs son arrestation et deux mois aprĂšs le dĂ©but de son procĂšs en premiĂšre instance. Il n’a donc pas eu assez de temps pour prĂ©parer sa dĂ©fense. Alors que Radi a dĂ» se battre pendant des mois pour consulter son propre dossier, Barlamane, un site Web pro-Makhzen, a publiĂ© une longue analyse de l’affaire Radi quatre jours Ă  peine aprĂšs l’arrestation de ce dernier, le 29 juillet 2020. À l’évidence, l’article de Barlamane reposait largement sur le dossier judiciaire de Radi, auquel le site a donc eu accĂšs dix mois avant le principal concernĂ©. L’article laissait clairement entendre que Radi Ă©tait coupable de tous les faits qui lui Ă©taient reprochĂ©s.[236] 2. Expulsion d’un avocat Le 28 juin 2021, la police a arrĂȘtĂ© Christophe Marchand, un avocat belge mandatĂ© par les parents de Radi, Ă  son arrivĂ©e Ă  l’aĂ©roport de Casablanca. Il venait de Bruxelles pour assister Radi lors d’une audience. Quelques heures plus tard, la dĂ©lĂ©gation interministĂ©rielle pour les droits de l’homme, un organisme gouvernemental, a dĂ©clarĂ© dans un communiquĂ© que Marchand savait depuis le 24 fĂ©vrier [2021] qu’il lui avait Ă©tĂ© interdit d’entrer au Maroc » en raison de ses attitudes hostiles envers [le pays], en particulier celles qui nuisent Ă  son intĂ©gritĂ© territoriale », mais a nĂ©anmoins tentĂ© d’entrer au Maroc.[237] Le communiquĂ© a ajoutĂ© que Marchand avait l’intention d’imposer le fait accompli et d’exploiter sa prĂ©sence au Maroc pour perturber une affaire judiciaire en cours » et nuire Ă  la rĂ©putation du Maroc » en prĂ©parant des rapports biaisĂ©s et subjectifs ». Lors d’un appel tĂ©lĂ©phonique avec Human Rights Watch le mĂȘme jour, Marchand a dĂ©clarĂ© qu’il n’avait jamais su ni Ă©tĂ© informĂ© qu’il avait Ă©tĂ© interdit d’entrĂ©e au Maroc plusieurs mois plus tĂŽt. Il a passĂ© la nuit en dĂ©tention Ă  l’aĂ©roport, puis a Ă©tĂ© expulsĂ© vers la Belgique le lendemain. 3. Le tĂ©moin-clĂ© de la dĂ©fense rĂ©cusĂ© AprĂšs qu’Imad Stitou ait fourni au tribunal un tĂ©moignage conforme au rĂ©cit de Radi, le 18 mars 2021, les autoritĂ©s ont accusĂ© Stitou de participation au viol », mĂȘme si la plaignante ne l’avait pas accusĂ© d’avoir pris part Ă  l’agression prĂ©sumĂ©e, ni physiquement ni verbalement. Dans leurs dĂ©clarations Ă  la gendarmerie, au procureur, au juge d’instruction chargĂ© de l’affaire puis Ă  la Cour de premiĂšre instance et Ă  la Cour d’appel, Radi et la plaignante ont indiquĂ© que Stitou, conformĂ©ment Ă  ses dĂ©clarations, ne s’était pas levĂ© de son canapĂ© cette nuit-lĂ . Ils ont ajoutĂ© qu’ils pensaient Stitou endormi, avant qu’il affirme aux autoritĂ©s qu’il Ă©tait en fait rĂ©veillĂ©. AprĂšs avoir inculpĂ© Stitou pour participation Ă  un viol », le tribunal a rejetĂ© son tĂ©moignage. Selon le jugement, Les dĂ©clarations de [Stitou] selon lesquelles [il a entendu les deux personnes avoir une relation qu’il croyait ĂȘtre une relation sexuelle consensuelle] ne peuvent pas ĂȘtre prises en considĂ©ration parce qu’il est accusĂ© de participation, et le fait de nier l’accusation est dans son intĂ©rĂȘt. » Dans une dĂ©claration commune datĂ©e du 5 avril 2011, 11 organisations internationales de dĂ©fense des droits humains ont fait valoir qu’ en mettant M. Stitou en examen, les autoritĂ©s ont de fait retirĂ© toute valeur probante Ă  sa dĂ©position en tant que tĂ©moin de la dĂ©fense », et que le tribunal devrait permettre aux personnes accusĂ©es de crimes de se dĂ©fendre par tous les moyens appropriĂ©s ». [238] Selon le droit international des droits humains, tout accusĂ© de crime a le droit de produire devant un tribunal des tĂ©moins Ă  dĂ©charge, dans les mĂȘmes conditions que les tĂ©moins Ă  charge. 4. Des preuves tangibles ignorĂ©es, un tĂ©moin de la dĂ©fense rĂ©cusĂ© En ce qui concerne les accusations d’espionnage, le procureur s’est largement appuyĂ© sur une dĂ©claration d’Omar Radi Ă  la police, selon laquelle il a Ă©tĂ© en 2013 en contact avec Arnaud Simons, un ex-employĂ© de l’ambassade des Pays-Bas au Maroc. Selon le rapport de la police, le fait que le nom mal orthographiĂ© Arnauld Simon » ne figurait pas sur la liste des diplomates accrĂ©ditĂ©s au Maroc Ă©tablie par le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres confirmait fortement l’hypothĂšse » qu’il s’agissait d’un pseudonyme. Le pseudonyme, toujours selon la police, d’un agent des renseignements hollandais chargĂ© de soutirer Ă  Radi des informations classifiĂ©es sur les manifestations du Rif de 2017. Au cours du procĂšs, le procureur a repris cette assertion Ă  son compte et en a conclu » que Simons Ă©tait le nom de guerre » en arabe ism haraki » d’un agent secret hollandais. Simons a contactĂ© Human Rights Watch dĂ©but 2021 et a fourni des photos de documents d’identitĂ© ainsi que d’autres documents prouvant qu’Arnaud Simons est son vrai nom, qu’il est citoyen belge, et qu’il a travaillĂ© comme prestataire de l’ambassade des Pays-Bas au Maroc entre 2013 et 2015. Dans des Ă©changes avec Human Rights Watch et dans une lettre ouverte publiĂ©e en ligne ultĂ©rieurement, Simons a dĂ©clarĂ© que ses contacts avec Omar Radi s’étaient limitĂ©s Ă  des questions culturelles, conformĂ©ment Ă  sa mission d’attachĂ© culturel Ă  l’ambassade. Quand les manifestations du Rif ont Ă©clatĂ© en 2017, a ajoutĂ© Simons, il avait quittĂ© le Maroc depuis deux ans et n’avait plus Ă©tĂ© en contact avec Radi depuis son dĂ©part.[239] Dans une lettre au juge remise par l’un des avocats de Radi lors de l’audience du 29 juin 2021, en prĂ©sence de Human Rights Watch, Simons a prĂ©sentĂ© ses documents d’identitĂ© et a demandĂ© Ă  comparaĂźtre comme tĂ©moin de la dĂ©fense. Le juge a versĂ© le courrier au dossier, mais a rejetĂ© la demande de Simons, au motif qu’écouter son tĂ©moignage reviendrait Ă  prolonger le procĂšs ». L’exposĂ© des motifs du jugement dĂ©clarant la culpabilitĂ© de Radi ne mentionne pas le courrier de Simons. Il reprend en revanche la dĂ©duction » du tribunal selon laquelle Arnauld Simon » [sic] est un nom de guerre utilisĂ© par une personne qui travaillait Ă  l’ambassade des Pays-Bas Ă  Rabat ». La cour d’appel a adoptĂ© le mĂȘme raisonnement pour confirmer la peine de 6 ans d’emprisonnement prononcĂ©e contre Radi. 5. Refus du contre-interrogatoire d’un tĂ©moin Ă  charge Dans un courrier adressĂ© au juge d’instruction le 10 aoĂ»t 2020, un avocat de la plaignante pour viol a demandĂ© que soit citĂ© Ă  comparaĂźtre Hassan Ait Braim, citoyen maroco-amĂ©ricain rĂ©sidant aux États-Unis mais visitant le Maroc actuellement ». La requĂȘte Ă©tait accompagnĂ©e d’une courte lettre d’Ait Braim dans laquelle il dĂ©clarait qu’il Ă©tait en appel vidĂ©o avec la plaignante le 13 juillet 2020, quand il a vu un homme en caleçon passer derriĂšre le canapĂ©, suite Ă  quoi la conversation a brusquement pris fin ». Ait Braim ajoutait dans sa lettre qu’il ne savait pas ce qui s’était rĂ©ellement passĂ© par la suite ». Le 12 aoĂ»t 2020, soit le jour oĂč il a reçu la demande de dĂ©position d’Ait Braim, le juge d’instruction a Ă©crit un courrier au procureur pour savoir ce qu’il en pensait. AprĂšs que le procureur eĂ»t acceptĂ© la demande par Ă©crit, le juge d’instruction a adressĂ© une citation Ă  comparaĂźtre Ă  Ait Braim. Tous ces courriers ont Ă©tĂ© expĂ©diĂ©s, reçus et traitĂ©s le 12 aoĂ»t, et le tĂ©moin est venu en personne faire sa dĂ©position dans le bureau du juge d’instruction le mĂȘme jour. Plusieurs avocats marocains ont dit Ă  Human Rights Watch la stupĂ©faction » que leur inspirait la rapiditĂ© du processus, une rapiditĂ© selon eux rarissime, voire sans prĂ©cĂ©dent dans les tribunaux marocains — d’autant plus qu’en aoĂ»t l’administration de la justice marocaine est en congĂ© estival. Les avocats de Radi ont indiquĂ© au tribunal qu’en raison des congĂ©s d’aoĂ»t 2020, eux en revanche n’avaient pu trouver personne dans tout le systĂšme judiciaire pour dĂ©poser une requĂȘte en libĂ©ration provisoire de leur client. Or c’est ce mĂȘme mois qu’Ait Braim a Ă©tĂ© entendu dans le cadre d’une procĂ©dure-Ă©clair. Les avocats de Radi ont prĂ©cisĂ© Ă  Human Rights Watch qu’ils n’ont Ă©tĂ© notifiĂ©s du tĂ©moignage d’Ait Braim que plusieurs mois plus tard, alors que ce dernier Ă©tait rentrĂ© aux États-Unis, oĂč il vivrait. Au cours du procĂšs, les avocats de Radi ont demandĂ© au juge de citer Ait Braim Ă  comparaĂźtre pour un contre-interrogatoire. La requĂȘte a Ă©tĂ© rejetĂ©e pour des motifs fallacieux. Le jugement, qui se fonde en partie sur les dĂ©clarations d’Ait Braim, indique Le juge [n’est pas tenu de convoquer un tĂ©moin] tant qu’il croit Ă  la sincĂ©ritĂ© de [son] tĂ©moignage ». Pour garantir un procĂšs Ă©quitable selon les normes internationales, la dĂ©fense a le droit d’interroger tout tĂ©moin dont la dĂ©position est utilisĂ©e par l’accusation. La cour d’appel a adoptĂ© le mĂȘme raisonnement pour confirmer la peine de 6 ans de prison prononcĂ©e contre Radi. 6. Raisonnements spĂ©culatifs du tribunal Sur l’accusation d’espionnage, le jugement n’identifie aucune information classifiĂ©e que Radi aurait transmise en connaissance de cause Ă  un agent Ă©tranger, ce qui constituerait le crime d’espionnage. En revanche, le tribunal bĂątit son verdict de culpabilitĂ© sur un tissu de spĂ©culations. Par exemple, il est Ă©crit en page 230 du jugement Les prĂ©cautions de sĂ©curitĂ© dont [Radi] entourait ses Ă©changes avec le diplomate de l’ambassade des Pays-Bas prouvent qu’il Ă©tait tout Ă  fait conscient de la nature suspecte des activitĂ©s dont [ce dernier] Ă©tait chargĂ©, comme le dĂ©montre le fait qu’il ne communiquait avec lui que par textos [
] ». Le fait de communiquer prioritairement par textos ne saurait prouver une quelconque activitĂ© secrĂšte, ni la culpabilitĂ© de l’auteur ou du rĂ©cipiendaire des textos en question. Le jugement indique Ă©galement Ă  la page 230 L’allĂ©gation [de Radi] selon laquelle le but de ses voyages [dans la rĂ©gion du Rif] Ă©tait de vendre des articles journalistiques en Ă©change de dollars amĂ©ricains s’est avĂ©rĂ©e un mensonge, vu qu’il n’a dĂ©clarĂ© aucun paiement de ce type [aux autoritĂ©s fiscales
] ; en fait [ces voyages] Ă©taient [motivĂ©s par] le travail qu’il effectuait pour le compte d’un agent secret d’un pays dont les orientations officielles sont prĂ©judiciables aux intĂ©rĂȘts du Maroc. » Ne pas dĂ©clarer prĂ©tendument un revenu aux autoritĂ©s fiscales ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme la preuve que ce revenu n’a pas Ă©tĂ© perçu pour une activitĂ© donnĂ©e, et encore moins que l’activitĂ© en question Ă©tait illĂ©gale. Le raisonnement du tribunal est de nature spĂ©culative et ne constitue pas une preuve de culpabilitĂ©. Le jugement ajoute Ă  la page 231 Entre mars 2016 et mars 2020, [Radi] n’était employĂ© d’aucun organe de presse ; par consĂ©quent, on peut conclure que les dĂ©placements [de Radi] sur le terrain pendant [les Ă©vĂ©nements du Rif] n’étaient pas liĂ©s Ă  un travail journalistique, mais ont plutĂŽt Ă©tĂ© effectuĂ©s pour recueillir des informations sur ces Ă©vĂ©nements pour le compte de l’ambassade des Pays-Bas. » La conclusion » du tribunal est spĂ©culative. Elle ignore Ă©galement que Radi a expliquĂ© Ă  la police, au procureur, au juge d’instruction, et plusieurs fois au tribunal, en prĂ©sence de Human Rights Watch, qu’il Ă©tait journaliste free-lance pendant la pĂ©riode spĂ©cifiĂ©e. Le jugement affirme en page 232 [On peut conclure que] les contacts de l’accusĂ© avec des agents de l’ambassade des Pays-Bas n’avaient aucun rapport avec son travail de journaliste, comme le prouve le fait qu’il n’ait publiĂ© aucun article [mentionnant ces contacts] ; on peut donc en dĂ©duire que ces contacts constituaient bien des activitĂ©s d’espionnage ». Le fait de discuter de divers sujets avec diverses personnes, y compris des diplomates, sans nĂ©cessairement publier d’article fondĂ© sur ces discussions, relĂšve du travail routinier de tout journaliste. La conclusion » du tribunal est spĂ©culative et ne constitue pas une preuve de culpabilitĂ©. Devant le tribunal, Radi a affirmĂ© qu’une sociĂ©tĂ© de conseil britannique l’avait engagĂ© pour fournir une note succincte sur le secteur agricole au Maroc, Ă©tant entendu que les recherches pour cette note se feraient en partie sur Internet. En page 234, le jugement commente cette affirmation comme suit La navigation sur Internet et l’examen de sites Internet spĂ©cialisĂ©s ne nĂ©cessitent pas les services de l’accusĂ© ; par consĂ©quent, [il] doit avoir rendu un autre service suspect Ă  la sociĂ©tĂ© britannique. » Les sites Internet spĂ©cialisĂ©s ne s’examinent pas tous seuls ; une telle activitĂ© suppose d’ĂȘtre confiĂ©e Ă  quelqu’un. Rien n’empĂȘche une entreprise d’embaucher un contractant, par exemple Radi, pour effectuer des recherches sur Internet. Cette conclusion est spĂ©culative et ne saurait constituer une preuve de culpabilitĂ©. Sur l’accusation de viol, le jugement dĂ©forme radicalement les dĂ©clarations du tĂ©moin devenu accusĂ© Imad Stitou, d’une maniĂšre qui porte prĂ©judice Ă  ce dernier et Ă  Radi, ainsi qu’à l'Ă©quitĂ© de la procĂ©dure. En page 237, le jugement indique que Stitou ne nie pas » avoir entendu Radi faire un commentaire particulier Ă  la plaignante, commentaire qui accrĂ©diterait la culpabilitĂ© de Radi et la complicitĂ© de Stitou. En fait, selon le procĂšs-verbal de ses auditions par les gendarmes et le juge d’instruction, Stitou a fermement niĂ© avoir entendu Radi faire un tel commentaire. Il l’a Ă©galement niĂ© lors d’une audience du procĂšs Ă  laquelle Human Rights Watch a assistĂ©, puis encore une fois lors d’un entretien avec Human Rights Watch en octobre 2021. Le jugement indique enfin Ă  la page 224 L’allĂ©gation d’Omar Radi selon laquelle son rapport sexuel avec [la plaignante] Ă©tait consenti ne tient pas debout, car si la victime avait rĂ©ellement souhaitĂ© une relation sexuelle avec l’accusĂ©, elle l’aurait planifiĂ©e avec soin, et dans un lieu appropriĂ©. [Le faire] dans la maison de son employeur et en prĂ©sence d’un collĂšgue qui assisterait Ă  l’agression est absurde, et ne peut ĂȘtre envisagĂ© par une personne saine d’esprit ». Le raisonnement du tribunal sur la maniĂšre dont une femme saine d’esprit » devrait planifier une relation sexuelle sape l'autonomie des femmes tout en reposant sur des stĂ©rĂ©otypes sexistes. Il est en outre purement spĂ©culatif, donc d’une valeur probante douteuse. Pour ces raisons, il porte atteinte Ă  l'Ă©quitĂ© de la procĂ©dure. Études de cas Institutions mĂ©diatiques A. Les cibles des autoritĂ©s Deux institutions mĂ©diatiques — une association de formation au journalisme et un quotidien — ont Ă©tĂ© harcelĂ©s sans relĂąche par des actions policiĂšres et judiciaires, certaines liĂ©es Ă  des dĂ©lits d'expression, d'autres Ă  des infractions pĂ©nales. 1. L’Association Marocaine pour le Journalisme d'Investigation AMJI Au dĂ©but des annĂ©es 2010, aprĂšs une dĂ©cennie de harcĂšlement policier et judiciaire des mĂ©dias indĂ©pendants marocains, plusieurs journaux ont Ă©tĂ© poussĂ©s Ă  la faillite du fait, entre autres, de boycotts publicitaires inspirĂ©s par l'État. Tenir des journaux indĂ©pendants Ă  flot Ă©tant devenu impossible au Maroc, certains de leurs Ă©diteurs ont prĂ©fĂ©rĂ© s’exiler.[240] Dans ce contexte, des dĂ©fenseurs de la libertĂ© d'expression, dont l’universitaire Maati Monjib, ont créé en 2008 une organisation non gouvernementale appelĂ©e Association Marocaine pour le Journalisme d'Investigation AMJI.[241] L’association visait Ă  former de jeunes journalistes afin de lutter contre le dĂ©clin de la libertĂ© de la presse », a expliquĂ© Monjib Ă  Human Rights Watch.[242] Hicham Mansouri, responsable des responsables et cheville ouvriĂšre de l'AMJI, a ajoutĂ© que l'objectif plus large de l'ONG Ă©tait de reprendre le flambeau en formant une nouvelle gĂ©nĂ©ration Ă  l'investigation, le genre journalistique le plus nĂ©cessaire Ă  l’exercice de la responsabilitĂ© dĂ©mocratique. »[243] Parce que les autoritĂ©s ont refusĂ© d'accorder Ă  l’AMJI la reconnaissance formelle dont les associations ont besoin pour fonctionner lĂ©galement au Maroc, Monjib a créé en 2009 le Centre Ibn Rochd, une sociĂ©tĂ© de conseil qu'il possĂ©dait avec un membre de sa famille et un ami. Les entreprises privĂ©es au Maroc n'ont pas besoin de l'approbation des autoritĂ©s pour mener leurs activitĂ©s. Monjib a dĂ©clarĂ© que les statuts du Centre Ibn Rochd donnaient Ă  l'entreprise les mĂȘmes objectifs que l'AMJI, Ă  savoir dĂ©velopper le journalisme d'investigation par le biais de formations et d'activitĂ©s connexes. Reprendre le flambeau » du journalisme indĂ©pendant Entre sa crĂ©ation et 2011, l'association a fonctionnĂ© dans un vide juridique en raison du refus – inexpliquĂ© – des autoritĂ©s de lui accorder un rĂ©cĂ©pissĂ©, attestation administrative dont les associations ont besoin pour effectuer des opĂ©rations de base, comme louer des bureaux ou ouvrir un compte bancaire. L'AMJI a finalement obtenu ce document le 22 fĂ©vrier 2011, deux jours aprĂšs que des manifestations massives en faveur de la dĂ©mocratie, inspirĂ©es par des manifestations similaires en Tunisie et en Égypte, ont secouĂ© le Maroc.[244] AprĂšs sa reconnaissance lĂ©gale, l’AMJI a dĂ©veloppĂ© ses activitĂ©s. L’association a contractĂ© des partenariats et obtenu des subventions auprĂšs d’organisations non gouvernementales europĂ©ennes qui soutiennent le dĂ©veloppement des mĂ©dias, notamment l’organisation danoise International Media support IMS ainsi que l’organisation hollandaise Free Press Unlimited FPU. Ces partenariats se sont traduits par l'organisation de nombreuses formations sur les techniques d'enquĂȘte, l'Ă©thique journalistique, la protection des sources, la sĂ©curitĂ© en ligne et d'autres sujets connexes. Mansouri a expliquĂ© Ă  Human Rights Watch que peu de membres de l'AMJI Ă©taient eux-mĂȘmes journalistes, ou disposaient de l'expertise nĂ©cessaire pour diriger de telles formations. L’association a donc engagĂ© des professeurs de l’Institut SupĂ©rieur de l’Information et de la Communication, l’école publique de journalisme du Maroc, ainsi que des formateurs de rĂ©seaux internationaux comme Al Jazeera pour animer leurs ateliers. Par l'intermĂ©diaire de l'AMJI, l'IMS et la FPU ont offert des bourses rĂ©munĂ©rĂ©es et dĂ©cernĂ© le prix Press Now » aux Marocains auteurs d'articles journalistiques exceptionnels. Parmi les laurĂ©ats figuraient des journalistes indĂ©pendants qui plus tard deviendront cĂ©lĂšbres et subiront le harcĂšlement des autoritĂ©s – notamment Omar Radi et Soulaiman Raissouni. Des collaborateurs agressĂ©s dans la rue Le premier prix Press Now » a Ă©tĂ© dĂ©cernĂ© au journaliste Abdelilah Sakhir le 29 janvier 2011, sous l'Ă©gide du Centre Ibn Rochd, qui abritait alors les activitĂ©s d’AMJI en attendant sa reconnaissance lĂ©gale. Quelques heures Ă  peine aprĂšs avoir reçu son prix et peu aprĂšs avoir quittĂ© la cĂ©rĂ©monie, Sakhir a Ă©tĂ© agressĂ© dans une rue de Casablanca par quatre inconnus. Il a dĂ©clarĂ© Ă  un site d'information que ces hommes avaient d'abord lancĂ© une cartouche de gaz lacrymogĂšne Ă  cĂŽtĂ© de lui et, pendant qu'il luttait pour garder son Ă©quilibre, avaient commencĂ© Ă  le frapper au visage et Ă  lui donner des coups de pied aprĂšs qu'il soit tombĂ© au sol.[245] Les agresseurs ont ensuite sautĂ© dans une voiture aux vitres teintĂ©es qui Ă©tait garĂ©e Ă  proximitĂ©, le moteur en marche et un chauffeur au volant, puis se sont enfuis. Selon Sakhir, l’attaque Ă©tait motivĂ©e par des raisons professionnelles », car les agresseurs n’ont pas tentĂ© de le voler.[246] Monjib a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que d’aprĂšs lui, l'agression de Sakhir Ă©tait un message de dĂ©sapprobation de la part des autoritĂ©s pour ce que [l’AMJI essayait] d'accomplir raviver le journalisme d’investigation aprĂšs qu’ils l’aient presque tuĂ© au terme de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente. » AprĂšs que l'AMJI ait finalement obtenu la reconnaissance lĂ©gale et repris les activitĂ©s du Centre Ibn Rochd, son responsable des programmes, Hicham Mansouri, a Ă©tĂ© Ă  son tour agressĂ© dans la rue Ă  Rabat le 24 septembre 2014, peu aprĂšs ĂȘtre sorti d’une rĂ©union avec Monjib.[247] À l'exception du gaz lacrymogĂšne, ses agresseurs ont suivi exactement le mĂȘme mode opĂ©ratoire que ceux de Sakhir. Mansouri sera par la suite harcelĂ© de multiples maniĂšres. Son arrestation et emprisonnement pour adultĂšre sont dĂ©crits dans l'Ă©tude de son cas qui lui est rĂ©servĂ©e dans ce rapport. HarcĂšlement par les autoritĂ©s MĂȘme si l'AMJI a Ă©tĂ© lĂ©galement reconnue en 2011, les autoritĂ©s locales ont continuĂ© Ă  harceler l’association. Des agents locaux du ministĂšre de l'IntĂ©rieur venaient occasionnellement dans ses bureaux, dans le quartier de l’Agdal Ă  Rabat, pour faire des commentaires dĂ©sobligeants sur le professionnalisme des collaborateurs de l'AMJI et leur loyautĂ© envers le Maroc. Mansouri a indiquĂ© Ă  Human Rights Watch qu'en 2013, le Caid de l'Agdal, un responsable local du ministĂšre de l'IntĂ©rieur, l'a convoquĂ© pour lui poser des questions sur la vie privĂ©e des membres de l'AMJI, notamment la vie amoureuse des membres fĂ©minins. Parce que le bureau de l'AMJI Ă©tait trop petit, a expliquĂ© Mansouri Ă  Human Rights Watch, l'organisation louait des salles de confĂ©rence dans des hĂŽtels pour ses ateliers. À dix reprises au moins, ont dĂ©clarĂ© Mansouri et Monjib dans des entretiens sĂ©parĂ©s, les directeurs des hĂŽtels ont annulĂ© les activitĂ©s programmĂ©es au dernier moment, affirmant qu'ils avaient reçu des instructions » des autoritĂ©s locales. DĂ©but 2014, un hacker a dĂ©figurĂ© la page d'accueil du site internet de l'association pour la remplacer par des images pornographiques.[248] Vers la mĂȘme pĂ©riode, des documents appartenant Ă  Monjib ont Ă©tĂ© volĂ©s lors d'une effraction dans le bureau de l'AMJI.[249] Atteinte Ă  la sĂ»retĂ© de l'État » avec une application de journalisme citoyen En juin 2015, en association avec l'Association marocaine pour les droits numĂ©riques ADN et l'Association marocaine pour l'Ă©ducation des jeunes AMEJ, l'AMJI a organisĂ© un atelier Ă  Marrakech pour former les participants Ă  la photographie de presse et Ă  la narration audio et vidĂ©o grĂące Ă  Story Maker, une application pour smartphone dĂ©veloppĂ©e par le journal britannique The Guardian pour encourager le journalisme citoyen. Le 10 juin, la police a interrompu la sĂ©ance de formation, confisquant les smartphones que les organisateurs avaient distribuĂ©s aux participants.[250] Au cours des deux mois suivants, la police a interrogĂ© Monjib, Mansouri, Samad Ait AĂŻcha, un membre de l'AMJI, Hicham Khreibchi dit Hicham Al-Miraat, alors prĂ©sident de l'ADN, Mohamed Essaber, alors prĂ©sident de l'AMEJ, et deux membres de l'AMJI, la journaliste Maria Moukrim et le journaliste Ă  la retraite Rachid Tarek. Les questions de la police portaient sur leur implication dans le financement de l'atelier, assurĂ© par l’organisation nĂ©erlandaise FPU. Les six hommes et la femme ont par la suite Ă©tĂ© accusĂ©s d'avoir reçu illĂ©galement des fonds d'une organisation Ă©trangĂšre en vue de porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure du Maroc. » À l'exception de Mansouri, qui purgeait alors une peine de 10 mois de prison pour adultĂšre voir chapitre sur Mansouri, les six autres ont Ă©tĂ© laissĂ©s en libertĂ© provisoire. AprĂšs que l'affaire ait suscitĂ© une vaste condamnation des organisations internationales des droits humains et de la libertĂ© de la presse, le tribunal de Rabat a programmĂ© une vingtaine d’audiences entre 2015 et 2020. À chaque fois, la sĂ©ance a Ă©tĂ© automatiquement ajournĂ©e, officiellement parce que certains accusĂ©s, dont Ait AĂŻcha, Khreibchi et Mansouri, ne se sont pas prĂ©sentĂ©s parce qu'ils avaient quittĂ© le pays entre-temps.[251] Le 20 janvier 2021, une nouvelle sĂ©ance s'est tenue en l'absence des prĂ©venus. Monjib, qui Ă©tait alors en garde Ă  vue pour une autre affaire ouverte en 2020 voir chapitre sur Monjib, Ă©tait prĂ©sent dans le mĂȘme palais de justice lors de la tenue de l'audience, subissant l’interrogatoire d’un juge d’instruction pour sa nouvelle affaire. Les autoritĂ©s n'ont pas informĂ© Monjib qu'un procĂšs le concernant se tenait en bas du bĂątiment au mĂȘme moment. AprĂšs cinq ans de sĂ©ances reportĂ©es, une seule audience a suffi pour que le tribunal termine l'examen de l'affaire, en l'absence des avocats de la dĂ©fense et des sept accusĂ©s, Ă  l'exception d'Essaber. Le 27 janvier 2021, le tribunal a rendu son verdict les sept accusĂ©s ont Ă©tĂ© reconnus coupables d'atteinte Ă  la sĂ»retĂ© de l'État. Monjib, Mansouri, Ait-Aicha et Khreibchi ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  un an de prison, Essaber Ă  trois mois de prison avec sursis, et les deux autres accusĂ©s Ă  une amende de 500 dollars US fixĂ©e comme peine minimale obligatoire ». Le jugement Ă©crit, consultĂ© par Human Rights Watch, a conclu que la formation Story Maker traduite littĂ©ralement en arabe par l’expression fabrication d’histoires » enseignait des techniques et des compĂ©tences pour crĂ©er des histoires fabriquĂ©es et fictives sans lien avec la rĂ©alitĂ© Ă  l'aide de smartphones. » Selon le jugement, le procĂšs a prouvĂ© que Story Maker, une application qui a Ă©tĂ© spĂ©cifiquement créée [pour ĂȘtre utilisĂ©e dans] des zones de chaos et d'instabilitĂ© », pourrait ĂȘtre utilisĂ©e pour porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure [du Maroc] par l'utilisation de rĂ©cits audio ou visuels fabriquĂ©s [
] dans le but de semer la peur dans l'esprit des citoyens, de crĂ©er des troubles civils, d'Ă©branler les fondements de la sociĂ©tĂ© et la confiance dans les institutions constitutionnelles, puis de publier [ces rĂ©cits] via les rĂ©seaux sociaux qui ont envahi chaque foyer. » Le jugement a conclu Les suspects ne savaient que trop bien que le Maroc est un pays d'institutions, dotĂ© de sĂ©curitĂ© et de stabilitĂ©, oĂč le travail journalistique n'est pas limitĂ© [comme en tĂ©moigne] la prĂ©sence d'un large Ă©ventail de plateformes mĂ©diatiques de diffĂ©rents types ; par consĂ©quent, la rĂ©alitĂ© du journalisme au Maroc n'a aucun besoin des ateliers qui ont Ă©tĂ© proposĂ©s. » Plus personne ne voulait travailler avec nous » Dans un entretien avec Human Rights Watch, Monjib a indiquĂ© que les activitĂ©s de l'AMJI sont devenues de moins en moins frĂ©quentes aprĂšs le procĂšs de Story Maker en 2015. Ils ont continuĂ© Ă  nous harceler de diverses façons. Chaque fois que nous organisions une formation, des agents de sĂ©curitĂ© appelaient nos formateurs et faisaient pression sur eux jusqu'Ă  ce qu'ils annulent leur participation. Une fois, nous avons dĂ» annuler un atelier aprĂšs que trois des quatre participants se soient excusĂ©s la veille, invoquant Ă©trangement la mĂȘme excuse familiale, en utilisant pratiquement les mĂȘmes mots. Les personnes refusant de cĂ©der aux pressions ont Ă©tĂ© abondamment insultĂ©es sur les sites pro-Makhzen. C'est vite devenu insoutenable, plus personne ne voulait travailler avec nous. Entre 2016 et 2018, l'AMJI a annulĂ© ses Ă©vĂ©nements les plus visibles », notamment le prix Press Now, ne maintenant que de petits ateliers dont la publicitĂ© se faisait exclusivement par le bouche-Ă -oreille afin d’éviter les attaques, a expliquĂ© Monjib Ă  Human Rights Watch. L'AMJI a organisĂ© l'une de ses derniĂšres activitĂ©s, un colloque sur les sites Web pro-Makhzen Ă  Rabat en janvier 2017, sous couvert d'autres organisations pour rĂ©duire les risques de reprĂ©sailles policiĂšres.[252] Un soir, tous les participants au colloque dĂźnaient dans un restaurant Ă  Rabat, quand le directeur d'un de ces sites Web a fait irruption sans y ĂȘtre invitĂ© et a commencĂ© Ă  nous insulter bruyamment », a racontĂ© Monjib. Il a successivement montrĂ© du doigt certains participants et a dit qu'il savait exactement combien d'argent chacun avait sur son compte bancaire, et d'oĂč venait cet argent. » La derniĂšre formation organisĂ©e par l'AMJI a eu lieu en mars 2018, avant que l'association ne cesse ses activitĂ©s. En 2021, aprĂšs l'arrestation de Monjib pour blanchiment d'argent » voir la section sur Monjib, Rachid Tarek, alors prĂ©sident de l'AMJI, a dĂ©missionnĂ©. 2. Akhbar Al-Yaoum Le quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum Les nouvelles du jour » a Ă©tĂ© fondĂ© en 2007 par le journaliste Taoufik Bouachrine. Ce journal indĂ©pendant a publiĂ© des articles et des Ă©ditoriaux traitant de la corruption de l'État, notamment dans les cercles du palais royal. Trois mois de fermeture pour un dessin TĂŽt le matin du 29 septembre 2009, une vingtaine de policiers ont encerclĂ© le siĂšge casablancais d'Akhbar Al-Yaoum et empĂȘchĂ© le personnel d'y entrer, comme l’a rapportĂ© le ComitĂ© pour la protection des journalistes CPJ. D’apres un article de presse, la police n’a prĂ©sentĂ© aucune ordonnance lĂ©gale autorisant cette action.[253] Deux jours plus tĂŽt, le ministĂšre de l'IntĂ©rieur avait accusĂ© le journal d'avoir manquĂ© de respect de maniĂšre flagrante Ă  un membre de la famille royale » pour avoir publiĂ© un dessin sur une cĂ©rĂ©monie de mariage strictement privĂ©e organisĂ©e par la famille royale ». Le mariage en question Ă©tait celui du prince Moulay Ismail, le cousin du roi Mohammed VI. Les mĂ©dias marocains ont largement rendu compte du mariage, bien que la presse n'ait pas Ă©tĂ© invitĂ©e Ă  la cĂ©rĂ©monie privĂ©e. Le ministĂšre n'a pas expliquĂ© en quoi le dessin en question manquait de respect Ă  un membre de la famille royale – ce qui n’était pas manifeste non plus au vu de l’illustration, qui montrait le prince dans une scĂšne de mariage traditionnelle avec le drapeau marocain en toile de fond. Un procureur a accusĂ© Bouachrine et le caricaturiste Khalid Gueddar d' outrage au drapeau national », et le prince Moulay Ismail les a poursuivis pour manque de respect envers un membre de la famille royale ». Le 30 octobre 2009, un tribunal a condamnĂ© les deux hommes Ă  quatre ans de prison avec sursis, ainsi qu’à des amendes et dommages et intĂ©rĂȘts de 3,6 millions de dirhams 350 000 dollars US Ă  verser au prince. AprĂšs la publication de ce dessin, le journal a disparu des kiosques, ses bureaux ont Ă©tĂ© scellĂ©s et ses avoirs gelĂ©s sans dĂ©cision de justice pendant plus de deux mois.[254] Le 15 juin 2010, un tribunal de Rabat a condamnĂ© Bouachrine Ă  six mois de prison avec sursis pour fraude immobiliĂšre.[255] Le tribunal l'a Ă©galement condamnĂ© Ă  payer 10 000 dirhams 1 000 dollars US de dommages et intĂ©rĂȘts Ă  l'ancien propriĂ©taire d'une maison que Bouachrine avait achetĂ©e Ă  Rabat trois ans plus tĂŽt. Selon l'agence de presse AFP, l'ancien propriĂ©taire avait portĂ© plainte aprĂšs la vente, affirmant que Bouachrine n'avait pas payĂ© le prix convenu. Bouachrine a Ă©tĂ© acquittĂ© en premiĂšre instance en 2008, puis en appel en 2009, mais le propriĂ©taire a dĂ©posĂ© une autre plainte pour le mĂȘme motif en avril 2010, aprĂšs l'incident du dessin. Cette fois, il a gagnĂ© le procĂšs. Les autoritĂ©s marocaines utilisent clairement des poursuites pĂ©nales pour faire taire Taoufik Bouachrine », a dĂ©clarĂ© le CPJ, qualifiant le verdict de culpabilitĂ© de 2010 de peine de prison politisĂ©e ».[256] Le dernier quotidien indĂ©pendant » Pendant les annĂ©es 2000, les autoritĂ©s ont fermĂ© des mĂ©dias critiques ou les ont conduits Ă  la faillite par le biais de boycotts publicitaires orchestrĂ©s par le palais, et ont poussĂ© leurs Ă©diteurs Ă  l'exil.[257] Au dĂ©but des annĂ©es 2010, Akhbar Al-Yaoum, bien qu'il ait Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  des boycotts publicitaires systĂ©matiques, en particulier de la part d'entreprises publiques, a rĂ©ussi Ă  tenir le coup, avec Bouachrine toujours Ă  la barre.[258] Il Ă©tait largement considĂ©rĂ© comme le dernier journal indĂ©pendant du Maroc.[259] Au cours des annĂ©es 2010, Akhbar Al-Yaoum a frĂ©quemment rendu compte de la corruption de l'État, notamment des allĂ©gations de transactions financiĂšres impliquant le ministre des Finances et le trĂ©sorier gĂ©nĂ©ral du royaume de l'Ă©poque. Les deux hommes faisaient partie des cercles royaux – en particulier le second, un ancien camarade de classe et ami d'enfance du roi Mohammed VI.[260] AprĂšs que Transparency Maroc, une organisation de lutte contre la corruption, ait engagĂ© des poursuites civiles pour dĂ©tournement de fonds publics, un procureur a classĂ© l'affaire au motif que les transactions en question Ă©taient lĂ©gales.[261] Entre-temps, un tribunal a condamnĂ© Abdelmajid Elouiz, employĂ© du ministĂšre des Finances, pour divulgation de documents officiels », aprĂšs qu'un procureur l'ait accusĂ© d'ĂȘtre la source des journalistes d'Akhbar Al-Yaoum. En mars 2014, Elouiz a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  deux mois de prison avec sursis.[262] En plus des rĂ©vĂ©lations de son journal sur la corruption, il est possible que Bouachrine se soit attirĂ© les foudres du palais royal pour une autre raison sa dĂ©fense acharnĂ©e du Premier ministre Abdelilah Benkirane, dont la dangereuse popularitĂ© », selon l'universitaire marocain basĂ© aux États-Unis Mohamed Daadaoui, peut avoir inquiĂ©tĂ© le palais.[263] MĂȘme si la formation islamiste de Benkirane, le Parti de la justice et du dĂ©veloppement, a remportĂ© une majoritĂ© relative de siĂšges au parlement lors des Ă©lections d'octobre 2016, le roi a fini par utiliser son pouvoir constitutionnel pour destituer le Premier ministre cinq mois plus tard. En raison de sa proximitĂ© avec Benkirane, les mĂ©dias pro-Makhzen considĂ©raient Bouachrine comme son porte-parole ».[264] Affaires pĂ©nales contre l’équipe d'Akhbar Al-Yaoum L'arrestation, le procĂšs et l'emprisonnement de Bouachrine pour viol et traite des ĂȘtres humains sont dĂ©taillĂ©s dans l’étude ce cas que lui consacre ce rapport. L'arrestation, les procĂšs et l'emprisonnement de la journaliste d’Akhbar A Yaoum Hajar Raissouni et de son rĂ©dacteur en chef Soulaiman Raissouni sont Ă©galement dĂ©taillĂ©s dans les Ă©tudes de cas qui leur sont consacrĂ©es. Boycott Ă©conomique, puis une faillite En mars 2020, quand le gouvernement marocain a ordonnĂ© aux Ă©diteurs de journaux de cesser d'imprimer et de distribuer des copies papier afin de rĂ©duire les interactions sociales et ainsi lutter contre la pandĂ©mie de Covid-19, un fonds public de compensation a Ă©tĂ© créé pour payer directement les salaires des journalistes.[265] Ceux d'Akhbar Al-Yaoum ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de ce mĂ©canisme comme des centaines d'autres journalistes au Maroc, jusqu'en octobre 2020. Ce mois-lĂ , le paiement des salaires d'Akhbar Al-Yaoum s'est arrĂȘtĂ© sans explication.[266] InterrogĂ© au Parlement sur les raisons de l'arrĂȘt des paiements au personnel de cet unique journal, le ministre de la Communication de l'Ă©poque, Othman El Ferdaous, en charge du secteur des mĂ©dias, n'a donnĂ© aucune explication pendant trois mois, puis a promis de dĂ©bloquer les salaires. Il ne l'a jamais fait, comme l'a confirmĂ© un journaliste d'Akhbar Al-Yaoum Ă  Human Rights Watch.[267] AprĂšs un long boycott publicitaire menĂ© par l'État, et le refus par certains clients Étatiques de payer aprĂšs la publication de leurs annonces dans le journal, Akhbar Al-Yaoum a annoncĂ© sa mise en faillite dans un communiquĂ© publiĂ© le 15 mars 2021.[268] Le mĂȘme jour, un site Internet pro-Makhzen, Barlamane, a Ă©crit que seule la mauvaise gestion » du journal Ă©tait responsable de sa faillite.[269] Quelques jours plus tard, Chouf TV, un autre mĂ©dia pro-Makhzen, Ă©crivait que la fin d'Akhbar al-Yaoum s'inscrivait dans la tendance mondiale du dĂ©clin de la presse papier au profit des mĂ©dias en ligne ».[270] B. Les mĂ©dias pro-Makhzen Plusieurs journalistes ont identifiĂ© une certaine constellation de mĂ©dias marocains comme proches du palais royal », ou ayant des liens Ă©troits avec la police et les services de renseignement marocains.[271] Les sections suivantes se concentrent sur trois organes de presse majeurs de ce type. 1. Chouf TV est une web TV couplĂ©e Ă  un site d’information Ă©crire en langue arabe, spĂ©cialisĂ©e dans les vidĂ©os et articles Ă  scandale, fouillant souvent dans la vie intime des gens. Les vidĂ©os et les articles abordant des sujets politiques sont rares, comparĂ©s au reste du contenu du site. Human Rights Watch a examinĂ© de trĂšs nombreux articles de Chouf TV. Qu’ils fassent l’éloge des autoritĂ©s et des politiques de l’État ou qu’ils critiquent fĂ©rocement des opposants au rĂ©gime, ces articles ont une caractĂ©ristique commune ils s’alignent sans faille sur les intĂ©rĂȘts prĂ©sumĂ©s des autoritĂ©s. Chouf TV publie une chronique hebdomadaire intitulĂ©e Les rĂ©vĂ©lations du dimanche » sous la signature Abu Wael Al-Rifi, apparemment le pseudonyme de Driss Chahtane, le directeur de Chouf TV.[272] La chronique fulmine rĂ©guliĂšrement contre les autoritĂ©s algĂ©riennes et dĂ©fend rageusement la marocanitĂ© » du Sahara occidental, conformĂ©ment au discours officiel.[273] La chronique calomnie Ă©galement sans relĂąche les dĂ©tracteurs du Makhzen, les journalistes indĂ©pendants ainsi que les dĂ©fenseurs des droits humains, et publie souvent des allĂ©gations scandaleuses concernant leurs vies personnelles et intimes. En octobre 2021, Alexa, une sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine d’analyse du trafic web appartenant Ă  Amazon, a classĂ© Chouf TV au troisiĂšme rang des sites les plus consultĂ©s au Maroc, aprĂšs Google et YouTube et devant Facebook.[274] En octobre 2009, Driss Chahtane a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  un an de prison pour publication de fausses nouvelles » aprĂšs qu’Al Michaal, un hebdomadaire qu’il possĂšde et dirige, ait commentĂ© la santĂ© du roi Mohammed VI.[275] Il a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une grĂące royale et a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© en juin 2010, deux mois aprĂšs avoir implorĂ© la clĂ©mence du roi Mohammed VI » lors d’une interview depuis la prison.[276] AprĂšs cela, ont Ă©crit les mĂ©dias français L’HumanitĂ© et Mediapart dans un article conjoint, Chahtane a effectuĂ© un virage Ă  180 degrĂ©s pour s’installer dans le giron du pouvoir ».[277] Le 1er avril 2022, et de nouveau le 9 mai, Human Rights Watch a envoyĂ© un courriel Ă  Chahtane, l’invitant Ă  rĂ©pondre Ă  plusieurs questions sur Chouf TV. Human Rights Watch n’avait reçu aucune rĂ©ponse au moment oĂč ce rapport Ă©tait mis sous presse. Dans une interview en 2019, Chahtane a dĂ©clarĂ© que Chouf TV disposait d’une Ă©quipe de 107 journalistes dispersĂ©s dans tout le Maroc, et rĂ©alisait un chiffre d’affaires annuel de 2,5 millions de dollars US.[278] La page Facebook de Chouf TV indique 18 millions d’abonnĂ©s. A titre de comparaison, la page Facebook du New York Times en compte 17 millions, celle du Guardian 8 millions et celle du Monde 4 millions. Il est possible qu’une aussi forte audience comprenne de nombreux faux comptes. Un rapport publiĂ© en fĂ©vrier 2021 indiquait que Facebook avait supprimĂ© un rĂ©seau » de 385 comptes Facebook provenant principalement du Maroc et ciblant un public national », six pages Facebook avec environ 150 000 abonnĂ©s et 40 comptes Instagram avec environ 2 500 abonnĂ©s, pour avoir violĂ© sa politique contre les comportements inauthentiques coordonnĂ©s ».[279] Le rapport indiquait [Le rĂ©seau] est originaire principalement du Maroc et ciblait un public national. Les personnes derriĂšre ce rĂ©seau ont utilisĂ© de faux comptes pour publier dans plusieurs groupes Ă  la fois afin de rendre leur contenu plus populaire qu’il ne l’était. Ils ont Ă©galement frĂ©quemment utilisĂ© ces comptes pour commenter les nouvelles et les publications pro-gouvernementales de divers mĂ©dias, notamment Chouf TV. » Le rapport de Facebook a fourni un Ă©chantillon des commentaires » en question Ă©loge de la rĂ©action du gouvernement face Ă  la pandĂ©mie de coronavirus, de ses initiatives diplomatiques, des forces de sĂ©curitĂ© marocaines, du roi Mohammed VI et du directeur de la Direction gĂ©nĂ©rale de la surveillance territoriale [la police marocaine] ». Le rapport comprenait des Ă©chantillons visuels des photomontages publiĂ©s par ces comptes. L’un d’eux prĂ©sentait Abdellatif Hammouchi, le plus haut responsable sĂ©curitaire du royaume, avec un champ de roses en arriĂšre-plan. Un autre montrait le roi Mohammed VI sur fond rouge, entourĂ© d’un cƓur vert stylisĂ© le drapeau marocain est une Ă©toile verte sur un fond rouge avec le commentaire Tu es dans nos cƓurs ». Un autre photomontage montrait une main brandissant une arme Ă  feu qui semble surgir d’une carte du Maroc, avec la lĂ©gende Trahir la nation est un crime grave et impardonnable—Non aux traĂźtres parmi nous ». Le rapport de Facebook a ajoutĂ© que les comptes inauthentiquement coordonnĂ©s » diffusant le contenu de Chouf TV ont Ă©galement frĂ©quemment critiquĂ© l’opposition au roi, les organisations de dĂ©fense des droits humains et les dissidents. » En juin 2022, Chahtane a Ă©tĂ© nommĂ© prĂ©sident de l'Association nationale des mĂ©dias et des Ă©diteurs ANME du Maroc.[280] 2. Barlamane est un site Web en langue arabe qui diffuse des nouvelles et des commentaires en format texte et vidĂ©o. Il dispose Ă©galement d’une version française ainsi que d’une webradio. Son fondateur et directeur est Mohamed Khabbachi, ancien directeur gĂ©nĂ©ral de Maghreb Arabe Presse MAP, l’agence de presse officielle du Maroc. La MAP a dĂ©veloppĂ© un rĂ©seau de correspondants dans le monde entier, dont au moins certains auraient des relations de travail avec la Direction GĂ©nĂ©rale des Etudes et de la Documentation DGED, l’agence marocaine de renseignement extĂ©rieur.[281] En 2005, un tribunal d’Almeria, en Espagne, a statuĂ© en faveur du journaliste marocain Ali Lmrabet, poursuivi par la MAP pour diffamation aprĂšs qu’il ait Ă©crit dans le quotidien espagnol El Mundo que la MAP Ă©tait une armĂ©e de mouchards ».[282] Dans son arrĂȘt, le tribunal espagnol a indiquĂ© que les liens entre la MAP, alors dirigĂ©e par Khabbachi, et la DGED Ă©taient suffisamment prouvĂ©s ».[283] En 2010, Khabbachi a Ă©tĂ© nommĂ© gouverneur en charge de la communication » au ministĂšre de l’IntĂ©rieur. Khabbachi a créé Barlamane en 2013. Bien que son nom ne figure pas sur la liste de l’équipe du site Web, Khabbachi est rĂ©guliĂšrement identifiĂ© dans des articles de presse comme le crĂ©ateur de Barlamane, ce qu’il n’a jamais dĂ©menti.[284] L’App Store d’Apple rĂ©pertorie Mohamed Khabbachi comme le dĂ©veloppeur » de l’application Barlamane.[285] La ligne Ă©ditoriale politique de Barlamane est Ă©troitement alignĂ©e sur les autoritĂ©s marocaines. Ses articles dĂ©fendent frĂ©quemment les Makhzen de maniĂšre agressive, fustigeant les autoritĂ©s algĂ©riennes et les partisans de l’indĂ©pendance du Sahara occidental. Human Rights Watch a examinĂ© des centaines d’articles de Barlamane qui Ă©taient insultants ou truffĂ©s d’allĂ©gations scandaleuses contre des journalistes indĂ©pendants, des dĂ©fenseurs des droits humains et d’autres opposants marocains. Le 13 septembre 2019, Barlamane a publiĂ© un article en arabe intitulĂ© Les scandales de la famille Raissouni dont Satan lui-mĂȘme a honte ».[286] ÉnumĂ©rant une sĂ©rie d’allĂ©gations malveillantes sur la vie intime et sexuelle du journaliste dissident Soulaiman Raissouni et de plusieurs membres de sa famille, l’article disait Soulaiman, nous avons honte de rĂ©vĂ©ler tes actions [...] Viendra un jour oĂč nous ouvrirons le livre de ta vie dans toute da noirceur. » Le site a publiĂ© une sĂ©rie d’articles sur Raissouni dans les mois suivants – une soixantaine entre 2018 et 2020, selon le dĂ©compte du journaliste Hicham Mansouri, rĂ©fugiĂ© politique en France – jusqu’à ce que Raissouni soit arrĂȘtĂ© en mai 2020 et poursuivi pour agression sexuelle.[287] Le 1er avril 2022, Human Rights Watch a envoyĂ© un email Ă  Khabbachi, puis de nouveau le 9 mai, l’invitant Ă  rĂ©pondre Ă  plusieurs questions concernant Barlamane. Human Rights Watch n’avait reçu aucune rĂ©ponse au moment oĂč ce rapport Ă©tait mis sous presse. 3. Le360 Le360 est un site Web en langue française qui diffuse des nouvelles et des commentaires en format texte et vidĂ©o. Il en existe Ă©galement une version arabe. En avril 2015, le quotidien français Le Monde rapportait que le galeriste et critique d’art Aziz Daki, Ă©galement actionnaire et directeur gĂ©nĂ©ral de Le360, Ă©tait notoirement trĂšs proche de Mounir Majidi », secrĂ©taire particulier du roi Mohammed VI et prĂ©sident des sociĂ©tĂ©s Ă  portefeuille qui abritent les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques privĂ©s de la famille royale». [288] Le Monde a notĂ© que Majidi a embauchĂ© Daki comme directeur artistique et porte-parole du Festival Mawazine, un Ă©vĂ©nement musical qui se tient chaque annĂ©e Ă  Rabat. Majidi a prĂ©sidĂ© l’association qui gĂšre le festival pendant dix ans. En 2015, le magazine marocain TelQuel a interrogĂ© Daki au sujet de rumeurs » liant Le360 au secrĂ©taire du roi. Daki a rejetĂ© les rumeurs comme Ă©tant basĂ©es sur des raccourcis faciles ».[289] Plusieurs incidents suggĂšrent nĂ©anmoins que Le360 pourrait au moins ĂȘtre un canal de communication prĂ©fĂ©rĂ© pour Majidi.[290] En fĂ©vrier 2015, Le360 a publiĂ© des photos supprimĂ©es depuis mais toujours accessibles dans les archives web d’une lettre envoyĂ©e Ă  Majidi par deux journalistes français s’enquĂ©rant des finances royales.[291] La lettre a donnĂ© Ă  Majidi l’occasion de commenter des informations qui seront bientĂŽt publiĂ©es dans le quotidien français Le Monde concernant un compte bancaire suisse au nom du roi Mohammed VI et citant Majidi comme gestionnaire de compte. La lettre, envoyĂ©e directement Ă  Majidi ainsi qu’à son avocat, a Ă©tĂ© divulguĂ©e par le Le360 avant la publication de l’article du Monde.[292] Le mĂȘme scĂ©nario s’est reproduit en mars 2016. Avant la publication d’une enquĂȘte sur des sociĂ©tĂ©s offshore appartenant au roi et gĂ©rĂ©es par Majidi, un journaliste amĂ©ricain et membre du consortium d’investigation ICIJ a envoyĂ© une lettre offrant Ă  Majidi l’occasion d’exprimer son point de vue. Cette lettre a Ă©galement fait l’objet d’une fuite et a Ă©tĂ© divulguĂ©e par Le360, avant que l’article ne soit publiĂ© sur le site d’information Le Desk, partenaire marocain de l’ICIJ.[293] Un article du Monde dĂ©crit comment les mĂ©dias proches du palais royal, dont Le360, ont cherchĂ© Ă  dĂ©gonfler » des enquĂȘtes de presse embarrassantes impliquant le roi et son entourage ».[294] Sur la base de l’examen de centaines d’articles publiĂ©s entre le milieu des annĂ©es 2010 et 2022, Human Rights Watch a conclu que la ligne Ă©ditoriale du site Le360 est trĂšs Ă©troitement alignĂ©e sur les autoritĂ©s marocaines. Ses articles et vidĂ©os dĂ©fendent rĂ©guliĂšrement le palais royal et les forces de sĂ©curitĂ©, parfois Ă  travers des portraits idylliques de responsables de la sĂ©curitĂ©.[295] Il publie Ă©galement rĂ©guliĂšrement des articles insultants et truffĂ©s d’allĂ©gations malveillantes sur des journalistes indĂ©pendants, des dĂ©fenseurs des droits humains ainsi que d’autres dissidents marocains. L’une des cibles rĂ©currentes du site Le360 est le prince Moulay Hicham, un cousin du roi Mohammed VI considĂ©rĂ© comme un membre rebelle » de la famille royale en raison de ses critiques frĂ©quentes de la gestion des affaires marocaines par le roi, et des appels du prince Ă  une ouverture dĂ©mocratique au Maroc et au-delĂ .[296] Une recherche de l’expression Moulay Hicham » dans le moteur de recherche de Le360 rĂ©vĂšle environ 130 articles sur le prince, qui le dĂ©peignent tous sous un jour peu flatteur.[297] Le 1er avril 2022, Human Rights Watch a envoyĂ© un email Ă  Aziz Daki, l’invitant Ă  rĂ©pondre Ă  plusieurs questions concernant Le360. Human Rights Watch a reçu une rĂ©ponse le 14 avril, dans laquelle Wadi El Moudden, directeur de la publication de Le360, a niĂ© que son site Web fasse partie des mĂ©dia de diffamation » et a dĂ©clarĂ© qu’il se consacrait Ă  la publication d’informations vĂ©rifiĂ©es et d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ». El Moudden a demandĂ© Ă  Human Rights Watch de ne pas citer d’extraits de sa lettre. Remerciements La recherche, la rĂ©daction, la rĂ©vision et l’édition de ce rapport ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es par une Ă©quipe de Human Rights Watch comprenant Clive Baldwin, conseiller juridique principal, Rothna Begum, chercheuse principale senior auprĂšs de la division Droits des femmes, Ahmed Benchemsi, directeur de la communication pour la division Moyen-Orient et Afrique du Nord MENA, Eric Goldstein, directeur adjoint de la division MENA, Tom Porteous, directeur adjoint de la division Programmes et Benjamin Ward, conseiller juridique senior par intĂ©rim. Arvind Ganesan, directeur de la division Entreprises et droits humains, Frederike Kaltheuner, directrice de la division Technologie et droits humains, et Rasha Younes, chercheuse sur les droits des personnes LGBT, parmi d'autres personnes, ont fourni des avis d'expert. Santiago Garcia, producteur consultant, et Christina Curtis, directrice adjointe de la division MultimĂ©dia de Human Rights Watch, ont conçu et produit la vidĂ©o accompagnant le rapport. Des collaboratrices de la division MENA, ainsi que Travis Carr, coordinateur de la photographie et des publications, et Grace Choi, directrice des publications, ont prĂ©parĂ© le rapport pour publication. Danielle Serres a assurĂ© la traduction en français de ce rapport. Merci aux avocats, en particulier Miloud Kandil, Mohamed Messaoudi et Mohamed Sadkou, qui nous ont aidĂ©s dans l’analyse de cas juridiques spĂ©cifiques et sur des questions plus larges sur le droit marocain et les procĂ©dures pĂ©nales. Nous remercions l'Association Marocaine des Droits de l'Homme AMDH, et en particulier Ă  son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Youssef Raissouni, pour leur constante disponibilitĂ© Ă  fournir des informations. Surtout, nous remercions toutes les personnes nommĂ©es dans ce rapport et celles dont nous avons dissimulĂ© les noms Ă  leur demande ou pour des raisons de sĂ©curitĂ©, pour avoir pour avoir acceptĂ© de partager leurs expĂ©riences et leurs points de vue avec nous.
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